La Grèce a vécu au-dessus de ses moyens, ayant trop emprunté aux temps chauds. Sa base économique est trop faible pour supporter son style de vie et c’est pourquoi les principaux créanciers du gouvernement grec exigent aujourd’hui plus de réduction des dépenses, particulièrement dans les retraites publiques.
La Grèce est-elle unique à cet égard ? Non et non. La Grèce n’est qu’un aspect courant et évident d’un problème qui affecte la plupart des économies développées à différents degré, et même quelques économies émergentes, y compris la plus importantes d’entre elles, la Chine. Dans ses dernières prévisions budgétaires, la Réserve Fédérale n’a cessé de prévenir que les États-Unis ne pourront payer les retraites futures et faire face à leurs engagements sociaux.
Les attentes irréalistes du développement du secteur sur l’économie réelle sont la cause du problème : le secteur bancaire a cru hors de proportion relativement à cet objectif, financer la production réelle.
Toute création de richesse est basée sur cette production : les travailleurs ajoutent de la valeur aux ressources naturelles en créant des produits d’usage par l’industrie. C’est le processus de création de création de toute richesse réelle. Des services financiers ne créent pas de richesse, ils ne font que transformer la richesse qui a été déjà été créée par la production réelle, pour en tirer profit.
Comme le montrent les deux figures suivantes, seuls 20 % ou peu s’en faut des prêts vont aujourd’hui à la production réelle, le reste abonde cette dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
improductive qui est en train de détruire la Grèce et détruire bientôt plusieurs autres économies.
Pourquoi la Grèce a-t-elle autant emprunté ? Pourquoi les Grecs ont-ils adopté la mentalité du « consommer aujourd’hui, payer demain » ? Les gouvernements grec ont fait ce qu’ont fait beaucoup de gouvernements, d’entrepreneurs et d’individus depuis les années 80, lorsque le secteur financier a commencé à poursuivre son objectif de faire de l’argent avec de l’argent : ils empruntent parce que les banques veulent prêter. C’est facile, crédits faciles, argent facile. Les banques s’inquiètent-elles de savoir si la Grèce sera capable de rembourser ? Non, elles ne s’en soucient pas. Le beau temps continuera éternellement, pourquoi s’en faire ?
Mais à la fin des années 90 et au début des années 2000, le beau temps est devenu illusion, la croissance dépendant toujours plus du crédit, comme le montre la figure suivante.
Les gouvernements fondent beaucoup de leurs décisions économiques sur le PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
, comme si celui-ci donnait une indication de l’activité productive et par conséquent de la prospérité économique. Ils font de même lorsqu’ils font des comparaisons internationales.
Mas le PIB est un indicateur pauvre de la richesse économique réelle : il est autant dopé par l’activité improductive basée sur la dette que par la production réelle. Grâce aux règles internationales de comptabilité, les banques font du PIB quand elles prêtent, sans égards pour la destination des prêts. C’est ce qui explique que les pays qui ont d’importants secteurs financiers, comme la Grande-Bretagne, ont des PIB relativement élevés, bien qu’avec une économie constituée à 80 % de services, ils ne produisent pas grand-chose d’autre. Notre prospérité est fondée sur une illusion.
Malheureusement, il vient un temps, que la Grèce connaît aujourd’hui, où les dettes doivent être remboursées, d’une manière ou d’une autre. Si ce n’était pas le cas, nous aurions alors trouvé le moyen de créer de la richesse à partir de rien. Mais nous n’avons pas trouvé ce moyen, ce que nous avons fait, c’est emprunter sur des revenus futurs. C’est pourquoi les Grecs sont devenus pauvres, et aussi pourquoi nombre de pays développés font devenir pauvres.
Le remède, en Grèce et ailleurs, ne sera pas facile. D’abord, nous devons admettre cette réalité : les économies basées sur la dette vivent au-dessus de leurs moyens et la croissance future dont les remboursements dépendent n’arrivera pas. Affirmer qu’une croissance rapide continuera éternellement est une grande erreur. Pourquoi ?
L’expansion d’après-guerre basée sur le pétrole ne pouvait que tourner court parce qu’elle procédait d’une industrialisation rapide, de création d’emplois et d’une demande inextinguible de consommation après les dévastations de la guerre et les années de privation. La Chine a procédé de même, mais le processus faiblit déjà. Nous devons nous adapter à une réalité de faible croissance ou d’absence de croissance et il sera heureux que cela contribue à la réduction du réchauffement climatique et à la survie du genre humain.
En attendant, il y aurai des défauts de paiement, en Grèce et ailleurs, parce qu’il est impossible que tous les prêts soient remboursés. Et comment pourraient-ils l’être ? Est-ce la faute des Grecs si leurs gouvernants ont emprunté plus que le pays pouvait rembourser ? Non, ce n’est pas leur faute. Est-ce la faute des banques ? Oui, c’est leur faute ‑ elles sont plus fautives que les dirigeants qui ont emprunté. La seule justice est sans doute que les riches investisseurs soient les perdants. Pourquoi les retraités grecs devraient-ils porter tout le fardeau ?
La Grèce peut être ou ne pas être l’amorce de la prochaine crise économique globale, une crise qui fera la précédente une plaisanterie, mais quoi qu’il arrive en Grèce dans les semaines et les mois à venir, le problème global de la dette ne fera qu’empirer. Aussi longtemps que les banques, les marchés financiers et les patrimoines seront fondés sur le crédit qui est lui-même basé sur l’illusion de revenus d’une croissance future, une catastrophe est inévitable.
Traduction : Jean-Denis Gauthier