Uruguay
7 janvier 2019 par Eduardo Camín , Nicolás Centurión
L’Uruguay maintient un paradigme particulier de solvabilité et d’efficacité dans de nombreux domaines, parfois accompagné d’un certain amateurisme généré par certaines parcelles de pouvoir sous le manteau de la médiocrité. Pour cette raison, il est parfois très difficile de comprendre et d’interpréter certaines statistiques sans tomber dans les stéréotypes classiques et, en même temps, il serait très peu pédagogique de systématiser une analyse statistique générale, sans tenir compte de certaines particularités.
Peut-être en raison du poids de la tradition occidentale, certains pensent que l’avenir est le meilleur du présent, puisqu’il survit dans la sélection mesurée de la culture humaine, tout en se développant, en observant la réalité. Mais, on pourrait aussi penser que le concept de meilleur est impliqué dans la vie elle-même, ainsi que toutes les fonctions de l’esprit, tandis que la formation des idéaux est soumise à un déterminisme, complexe et non moins absolu.
Penser est un chemin qui ne passe jamais deux fois par les mêmes endroits sans découvrir à nouveau le panorama du contour existentiel et les résonances du même panorama dans son propre esprit. Cela arrive avec des vertus et des vices qui, bien que personnels, dépendent en grande partie de la situation sociale ; et non seulement parce que ce qui, à certaines époques, est considéré comme des vertus, d’autres les ont comme des vices, mais aussi parce que certaines conditions sociales affectent les personnes et génèrent une attitude généralisée difficile à surmonter.
S’il est vrai que les êtres humains font l’histoire, le contexte social qu’ils contribuent à recréer, à une influence déterminante sur eux-mêmes. Ces réflexions sont motivées, essentiellement, par l’incertitude générée par certaines politiques progressistes.
Tout au long des années, l’Uruguay a su se « vendre » au monde, en promouvant efficacement ses réalisations à l’appui des statistiques , et aujourd’hui nous pouvons dire qu’il a une très bonne presse au niveau international : la vente de marijuana, son insertion numérique, les lois en faveur des minorités, son niveau de vie, un pays sérieux, sont ancrés dans l’imaginaire collectif.
Attitude paradoxale d’un progressisme auquel les règles du marché s’adaptent très bien, ce qui dans le passé était le langage des bourgeois associés à l’empire est aujourd’hui objectif à atteindre. L’Uruguay est devenu un souvenir sur les étagères des étudiants modérés de ces latitudes. Ni trop conservateurs pour susciter la rébellion, ni trop transgressifs pour se mettre à la merci des pouvoirs de l’ennemi.
Cependant, à un niveau plus fin, les lignes directrices établies par les lois contredisent souvent leur pratique. Les statistiques sont des données - en fait, ce sont des données et encore des données - mais que faire lorsque nous sommes confrontés à un vaste ensemble de données dont nous avons l’intention d’extraire certaines informations, par le biais de représentations graphiques ou en résumant les données en quelques valeurs qui peuvent être consultées et interprétées directement.
Les statistiques étudient comment collecter les données, combien, de quelle manière, comment les analyser pour obtenir les informations qui nous permettent de répondre aux questions posées. Il s’agit d’avancer dans la connaissance à partir de l’observation de la réalité, de manière objective.
Mais le sujet qui nous interpelle est celui qui se réfère aux niveaux de pauvreté et de marginalisation, à bien des égards une statistique brillante, frappante et éloquente du progressisme et pourtant en voyant les rues de Montevideo, cela ne nous empêche pas de nous interroger.
Lorsqu’il s’agit de traiter l’ampleur de la pauvreté, la méthode appliquée par les universitaires est celle de l’aller et du retour, mais au niveau du comptage, il faut savoir quelle est la référence, les ménages ou les personnes. En outre, au niveau des indicateurs de pauvreté, il est nécessaire de définir ce que seraient les données : les revenus ou les dépenses ?
Dans certaines études internationales, les chiffres sont estimés en appliquant différentes méthodologies, indicateurs, définitions ; certains travaux prennent comme base de la pauvreté le revenu par personne, tandis que d’autres partent du ménage. Parfois, le seuil à mesurer est celui de la pauvreté sévère, alors que dans d’autres cas, il s’agit d’une pauvreté modérée.
Il n’est pas facile de définir la pauvreté, et il est donc plus difficile de l’évaluer : le malaise qu’une situation de pauvreté cause à la personne qui en souffre est impossible à quantifier directement, et encore moins à comparer avec celui d’une autre personne dans une situation similaire. Mais s’il y a une chose que la pauvreté a, c’est d’être si riche en dénominations, entre autres raisons à cause de la persistance de situations si variées que peut vivre une personne pauvre, une personne qui échappe aux normes sociales et culturelles ordinaires et qui nous dérange parce que nous sommes différents.
De nombreux aspects de la pauvreté traditionnelle nous accompagnent tout au long de notre vie, c’est-à-dire la pauvreté dérivée de la précarité économique, de l’indigence, de la misère ou de la pauvreté culturelle comme l’analphabétisme et l’ignorance mais aussi la pauvreté écologique qui fait référence à la qualité de l’habitat, la pauvreté rurale, la pauvreté urbaine, la pauvreté absolue/relative, la pauvreté subjective - c’est-à-dire l’incapacité à communiquer et à comprendre -, la pauvreté psychologique - comme l’abandon, la passivité.
Ou la pauvreté persistante qui conduit au déracinement et à la subsistance basée sur la mendicité, la criminalité, la prostitution et aussi la nouvelle pauvreté liée au manque de compétences pour répondre aux changements introduits par les nouvelles technologies.
Bien que le paradoxe des différentes dénominations est en tant que tel une évidence, aucune d’entre elles ne tente d’entrer dans l’analyse des causes de la pauvreté, qui devrait être fondamentale lors de la réflexion sur les plans pour son éradication . La pauvreté existe, ce n’est pas un concept neutre qui s’offre, sans conséquences majeures, à la spéculation, elle constitue une réalité sans appel, liée aux effets souvent dévastateurs de la violence.
C’est pourquoi l’analyse montre les limites que le progressisme lui-même s’impose lorsqu’il ne veut pas changer les structures capitalistes. Jusqu’à quand peut-on réduire la pauvreté ? quelles chiffres sont acceptés par le système et nous permet de supporter la misère dans une certaine mesure ?
Ces chiffres (qui sont des êtres humains) ont un point et ils auront alors un effet de rebond. Les nouvelles technologies, le nouveau monde du travail qui se dessine entre l’intelligence artificielle et la robotisation, deviennent de nouvelles logiques de segmentation, de gentrification et d’inégalité accrue.
Il y a quelques années, un membre exécutif de l’Organisation mondiale de la santé a souligné que « la pauvreté est la manifestation de structures sociales de domination, d’exploitation et d’exclusion » et que "les concepts de pauvreté et d’inégalité sont indissociablement liés.
En effet, l’exploitation (individus-biens) des chefs de ménage ayant peu ou pas de qualifications professionnelles, des emplois précaires ou submergés, sont les plus aptes à recevoir des salaires inférieurs ou minimums. De plus, la perception de ces revenus est souvent irrégulière, car ils sont les plus vulnérables au chômage en cas de difficultés économiques.
Les conditions de ces chefs de ménage les prédisposent à une pauvreté permanente puisque la capacité réelle et possible de gagner un revenu est limitée, de sorte que les salaires gagnés atteignent rarement le niveau de revenu de la définition arithmétique, établi par les niveaux de vie.
La pauvreté doit être analysée sous l’angle de la justice, de l’éradication des marchandises/marginalisation et, par extension, la pauvreté qui retient les gens ne tolère aucune autre approche que celle de nature structurelle, mais cela implique un rejet du système capitaliste comme base de l’organisation sociale et politique.
Cela nous engage à penser et à organiser une société différente, organisée en fonction des besoins de tous ses membres et non en fonction du profit de quelques-uns. Une société qui a pour principe le « tout de tous, et le bien-être pour tous et non pas capitaliste où tout / tout le monde est une marchandise / marginalisé ».
Bien sûr, ce type d’approche exige que vous soyez de ceux qui pensent que tout ce qui a été fait de grand dans le monde l’a été parce qu’il y avait des rêves et des utopies qui ont un jour cessé de l’être. L’utopie à laquelle croyait la gauche uruguayenne navigue aujourd’hui à l’aveuglette, ou plus grave encore, elle a cédé, entraînant avec elle l’illusion... mais surtout la justice.
Les rêves ont été échangés contre la qualité d’investissement, les drapeaux contre l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. dans la fourchette cible, la justice sociale contre les politiques sociales atomisées et juxtaposées, l’horizon pour l’administration.
Bien sûr, face à ces arguments, qui suggèrent d’analyser, de raisonner, d’exposer ou de confirmer des idées, un argument rhétorique (non) imparable et nuisible se présente... « il y a des pays où c’est pire ».
Fuente Rebelión.org
Periodista y miembro de la Asociación de Corresponsales de Prensa de la ONU en Ginebra.
Licenciado en Psicología, Universidad de la República, Uruguay. Miembro de la Red Internacional de Cátedras, Instituciones y Personalidades sobre el estudio de la Deuda Pública (RICDP). Analista asociado al Centro Latinoamericano de Análisis Estratégico (CLAE, estrategia.la). Integrante de la Red CADTM -AYNA.