La solution recommandée par le G20 et le FMI pour résoudre le problème des fonds vautours est l’insertion de clauses d’action collective (CAC) dans les nouveaux titres de dette publique. Les CAC prévoient que l’État en difficulté financière soumet au vote de ses créanciers une proposition de restructuration de sa dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
qui, si elle est acceptée par une majorité des créanciers, s’impose à l’ensemble des détenteurs des titres de la dette
Titres de la dette
Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
concernée. Autrement dit, si une majorité des créanciers acceptent la restructuration de la dette, tous les autres (y compris les fonds vautours
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
) devraient s’y soumettre. Loin d’être un remède aux fonds vautours, les CAC ont trois grandes limites et au moins un effet pervers.
Loin d’être un remède aux fonds vautours, les CAC ont trois grandes limites et au moins un effet pervers
Primo, elles ne s’appliquent pas aux créances
Créances
Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur).
détenues par les États ni à celles possédées par les IFI. Seuls les titres de la dette en possession des créanciers
privées sont concernés.
Secundo, les CAC ne peuvent être introduites que dans les nouveaux contrats si le prêteur et le débiteur se mettent d’accord. Leur introduction rétroactive dans d’anciens contrats est donc quasi impossible. Or, en 2017, seulement 18 % des contrats contiennent des CAC.
Tertio, pour contrer les CAC, les fonds vautours doivent en réalité simplement adapter leur modus operandi : plutôt que racheter n’importe quel montant de dette, leur objectif deviendra celui d’acheter un pourcentage précis, correspondant à la minorité de blocage nécessaire pour empêcher la majorité prévue par la CAC en cause.
Enfin, les CAC renforcent encore davantage l’hégémonie du droit anglo-saxon puisque les nouveaux contrats incluant ces clauses sont régis soit par le droit new-yorkais soit par le droit anglais. Ce qui signifie qu’en cas de litige, ce sont les juges new-yorkais et britanniques qui seront compétents, court-circuitant ainsi les juridictions des États débiteurs et leurs droits nationaux. Dans cette configuration, les droits fondamentaux des peuples et des notions clés comme la doctrine de la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
seront mis de côté vu que ces juridictions protègent en priorité les droits des créanciers. Voir l’encadré Pourquoi le droit anglosaxon est particulièrement prisé par les fonds vautours.
Cet article est extrait du magazine du CADTM : Les Autres Voix de la Planète
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