La déclaration suivante qui a circulé au Forum social africain de Lusaka en Zambie se veut une réponse à l’annonce par les gouvernements britannique et américain de l’annulation de 100% de la dette multilatérale. Les signatures qui suivent ont été réunies en quelques heures ; davantage apparaîtront par la suite au fur et à mesure de diffusion de cette déclaration.
Nous demandons l’annulation pleine et entière de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
multilatérale de l’Afrique et du Sud dans son ensemble.
Annulez la dette à 100% - tous les pays pauvres - sans conditions économiques !
En tant qu’organisations de la société civile de tout le continent africain, nous sommes confrontés jour après jour à la réalité dévastatrice de la crise de la dette. Les remboursements de dette à de riches institutions comme le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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dépouillent nos pays de ressources dont nous avons désespérément besoin pour assurer la santé, l’éducation, combattre le HIV/SIDA, et rendre l’eau potable disponible. La dette est un instrument de domination utilisé par les pays riches et les créanciers comme le FMI et la Banque mondiale. Les conditions liées à l’allégement de dette et aux prêts sont dévastatrices pour nos économies et minent nos choix en tant que nations souveraines.
Pour les nations appauvries, les créanciers multilatéraux - en particulier le FMI et la Banque mondiale - sont les principaux créanciers. Ils sont aussi les plus puissants à cause de leur statut de « créancier privilégié », les pays doivent rembourser leurs dettes d’abord à ces institutions. Si les pays ne paient pas, ils sont pénalisés et exclus de la plupart des formes d’aide et d’assistance.
L’initiative Pays pauvres très endettés
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(PPTE) a été lancée par la Banque mondiale en 1996 pour donner « une issue solide » à la crise de la dette dans laquelle sont plongées les nations appauvries. Au bout de huit ans, ce programme a échoué. L’initiative PPTE a procuré trop peu d’allégement, à trop peu de pays avec des conditions dévastatrices. Il est temps de choisir une autre approche : l’annulation entière (100%) de la dette multilatérale pour toutes les nations appauvries, sans conditions dommageables.
Nous sommes informés des discussions qui se tiennent maintenant au sein du G7 G7 Groupe informel réunissant : Allemagne, Canada, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon. Leurs chefs d’État se réunissent chaque année généralement fin juin, début juillet. Le G7 s’est réuni la première fois en 1975 à l’initiative du président français, Valéry Giscard d’Estaing. (en particulier des propositions des gouvernements britannique et américain), du FMI et de la Banque mondiale et d’autres forums à propos des possibilités pour 100% d’annulation de la dette multilatérale. Il est encourageant qu’après plusieurs années de demi-mesures on en vienne à envisager une annulation à 100% à de tels niveaux de pouvoir. Cependant, nous devons être clairs sur les principes pour que ces discussions rencontrent les objectifs et les aspirations de la société civile africaine.
Premièrement, 100% d’annulation de la dette multilatérale est décisive. Des tentatives pour déterminer un niveau de dette « soutenable » pour les pays pauvres qui tentent désespérément de trouver une réponse aux crises dues au HIV/SIDA et à l’injustice économique doivent être rejetées. Pour les nations appauvries qui luttent pour garantir la satisfaction des besoins humains de leurs populations, l’annulation à 100% de la dette multilatérale est la seule option.
Deuxièmement, cette annulation ne doit être accompagnée d’aucune conditionnalité économique. Le programme PPTE et les Documents stratégiques de réduction de la pauvreté (DSRP
Document de stratégie de réduction de la pauvreté
DSRP
(En anglais, Poverty Reduction Strategy Paper - PRSP)
Mis en œuvre par la Banque mondiale et le FMI à partir de 1999, le DSRP, officiellement destiné à combattre la pauvreté, est en fait la poursuite et l’approfondissement de la politique d’ajustement structurel en cherchant à obtenir une légitimation de celle-ci par l’assentiment des gouvernements et des acteurs sociaux. Parfois appelés Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP).
À destination des pays retenus dans l’initiative PPTE, les DSRP poursuivent sous un autre nom l’application des Plans d’ajustement structurel.
) sont combinés à des conditions comme la privatisation, la libéralisation indiscriminée du commerce, l’ouverture des marchés, des objectifs fiscaux et monétaires. Ces conditions ont suffisamment dévasté nos économies. L’annulation de dette doit se faire sans qu’aucune conditionnalité économique y soit liée. De plus, nous rejetons le programme de Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance
Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance
FRPC
Facilité de crédit du FMI avalisée en 1999, accordée fin 2007 à 78 pays à faible revenu (dont le PIB par habitant 2003 est inférieur à 895 dollars). Elle comporte la notion de lutte contre la pauvreté, mais dans une stratégie économique globale toujours axée sur la croissance. Les autorités nationales sont alors chargées de rédiger un vaste document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), sorte de programme d’ajustement structurel avec une touche de social, en accord avec les institutions multilatérales. En cas d’éligibilité, le pays peut emprunter, dans le cadre d’un accord de trois ans, un montant variable suivant ses difficultés de balance des paiements et son passé envers le FMI, en général dans la limite de 140 % de sa quote-part au FMI. Le taux annuel est de 0,5 %, sur une durée de 10 ans, avec une période de grâce de cinq ans et demi.
En 2008, le FRPC est remplacé par la FEC (Facilité élargie de crédit). Elle est réservée aux pays à faible revenu (soit selon les données de la Banque mondiale de 2020, 29 pays ayant un PIB par habitant inférieur à 1 035 dollars). S’inscrivant dans la continuité du FRPC, la FEC accorde des prêts d’une durée de trois à cinq ans pouvant être renouvelés, dans la limite annuelle de 75 % de la quote-part, limite pouvant être dépassée selon les circonstances. L’échéance de remboursement est étalée sur une durée de 10 ans, dont une période de grâce de cinq ans et demi, avec un taux d’intérêt nul.
Source : https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/ecff.htm
(FRPC) et trouvons que celui-ci doit être démantelé et aboli. Le FRPC n’est pas une force pour le développement de nos pays ; les conditions liées aux prêts de cette facilité de crédit ont dévasté nos économies. Il est temps de mettre fin au rôle du FMI dans les pays pauvres une fois pour toutes ; mettre fin au FRPC est un pas décisif en ce sens.
Troisièmement, l’annulation de la dette multilatérale doit concerner tous les pays appauvris et pas seulement les 42 PPTE. Nous rejetons les propositions qui concernent seulement ceux des PPTE qui sont parvenus au « point d’achèvement ». Beaucoup de pays seront exclus de cette approche. De plus, les pays non PPTE doivent également être considérés pour une annulation de 100%. Des pays comme Haïti, la Jamaïque ou le Nigeria ne font pas partie des PPTE bien qu’ils soient très endettés.
Finalement, nous pensons qu’il est temps que les institutions financières multilatérales paient leur juste part et contribuent par leurs ressources au financement de l’annulation de la dette. Le FMI et la Banque mondiale sont deux des institutions les plus riches du monde. Le FMI se trouve à la tête de 30 milliards de dollars en or qui ne sert pour l’instant aucun but productif. Le FMI pourrait vendre cet or et utiliser les ressources obtenues pour couvrir la dette due à la Banque mondiale et aux autres banques multilatérales. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) pourrait facilement mobiliser plus de 10 milliards dans ses profits accumulés et ses réserves et pourrait consacrer une part de ses profits annuels (représentant plusieurs milliards de dollars) à l’annulation de la dette. Ce sont des institutions riches. Aussi il est grand temps pour elles de payer leur juste part. En annulant la dette, elles commenceront à reconnaître leur rôle et leur responsabilité dans la crise de la dette.
Nous ne croyons pas que les préoccupations concernant « l’additionnalité » de l’aide publique au développement puissent permettre de postposer l’annulation pleine et entière de la dette multilatérale. L’annulation est significativement plus valable pour nos peuples que l’aide additionnelle. L’aide arrive avec ses propres conditions et souvent contribue à gonfler la dette. Les ressources dégagées par l’annulation de la dette peuvent être utilisés par les gouvernements du Sud - avec une très large participation de la société civile -. L’aide est une promesse trop souvent non tenue. Les bénéfices de l’annulation seront durables.
Cette déclaration est approuvée par les membres des campagnes dette dont le nom suit :
Tafadzwa Muropa - Zimbabwe
Sy Koumbo S. Gale - Tchad
Constancia de Pina - Cap Vert
James Kashiki - Zambie
Godfrey Mfiti - Malawi
Rev. Lumu Shabani Republique démocratique du Congo (Kinshasa)
Benoit Essiga - CGT Liberte - Cameroun
Hassan Sayouty - Espace Associatif Maroc - Maroc
Demba Moussa Dembele - Forum pour des alternatives africaines - Sénégal
Taoufik BenAbdallah - ENDA - Sénégal
Engudat Bekele - PAC - Ethiopie
Bakary Fofana - CECIDE - Guinée
Archinson Mhlata - PCO - Afrique du Sud
Pat Dooms - Orange Farm Vision - Afrique du Sud
Dao Dounantie - Jubile 2000 / CAD - Mali
Kone Solange - FNDP/ASAPSU - Côte d’Ivoire
Ouattar Diakalia - FNDP - Côte d’Ivoire
Dieng Amady Aly - Forum Tiers Monde - Sénégal
Seydou Ndiaye - ACAPES - Sénégal
Abubacar Ndiaye, RADI - Sénégal
FORUM SOCIAL AFRICAIN
Lusaka, Zambie
Le 14 décembre 2004
Traduction à partir de la version anglaise par le CADTM.
31 mai, par Collectif , France Amérique latine
11 mai, par CADTM France , Collectif
18 avril, par CADTM France , Collectif
3 avril, par Eric Toussaint , Collectif , Olivier Bonfond , Christine Pagnoulle , Paul Jorion , Jean-François Tamellini , Zoé Rongé , Économistes FGTB , Nadine Gouzée
3 avril, par CADTM , Eric Toussaint , Collectif , Anaïs Carton
1er février, par Collectif
26 janvier, par Collectif
20 décembre 2022, par CADTM France , Collectif
16 décembre 2022, par CADTM , Collectif
Déclaration ouverte à signature
Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO) : 19 ans, ça suffit2 décembre 2022, par CADTM , Collectif , GRAIN , Friends of the Earth