Communiqué de presse

Le CADTM renvoie dos à dos la Banque mondiale et la dictature tchadienne

8 janvier 2006 par CADTM




Depuis plusieurs années, de nombreuses organisations écologistes, de défense des Droits de l’Homme et de solidarité internationale (dont le CADTM) s’alarment du soutien de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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à la construction du pipe-line reliant la région pétrolifère de Doba (Tchad) au terminal maritime de Kribi (Cameroun), à 1 070 kilomètres de là. Les risques écologiques, humains et financiers étaient exorbitants dès le départ, à tel point que Shell et Elf ont préféré reculer. Mais le consortium final, regroupant ExxonMobil, ChevronTexaco (États-Unis) et Pétronas (Malaisie), a pu mener ce projet de 3,7 milliards de dollars à son terme grâce au puissant soutien stratégique et financier de la Banque mondiale.

Pour se justifier, la Banque mondiale avait engagé sa crédibilité dans un programme pilote qui devait permettre aux populations tchadiennes de profiter des bénéfices réalisés. Réalisant là son investissement le plus important en Afrique noire, elle imposa au président tchadien Idriss Déby de consacrer 90 % des sommes récupérées par la vente de pétrole à des projets sociaux sélectionnés avec son aval et à des investissements dans la région de Doba. Les 10 % restants devaient être réservés pour les générations futures : ils ont été déposés sur un compte bloqué à la Citibank de Londres, sous le contrôle de la Banque mondiale.

Or ce dispositif vient d’échouer lamentablement. Déby va mettre la main sur les sommes destinées aux générations futures : au moins 27 millions de dollars. De plus, il a changé les règles du jeu en incluant les dépenses de sécurité dans la définition des secteurs prioritaires à financer avec les recettes pétrolières. Fragilisé par de fortes tensions sociales, des tentatives de renversement et des désertions dans l’armée, Déby cherche à renforcer son dispositif militaire et répressif. La Banque mondiale a réagi en bloquant les prêts en cours pour le Tchad, faisant mine de découvrir que la nature autoritaire et corrompue du régime, alors que ce projet qu’elle soutient depuis une décennie a permis jusqu’ici à Déby de renforcer son pouvoir et d’accroître sa fortune personnelle.

Même si le grand gagnant de l’exploitation pétrolière tchadienne est le consortium, l’État tchadien perçoit 12,5 % de royalties sur la vente directe de ce pétrole, ainsi que des taxes et bonus divers versés directement au Trésor public. Le premier bonus, versé à titre d’avance, ne fut pas un modèle du genre : 7,4 millions de dollars auraient été détournés. De plus, un autre détournement de 4,5 millions de dollars aurait servi à l’achat d’hélicoptères par le fils du président. La Banque mondiale, au courant mais très impliquée dans le projet, n’avait pas bronché.

Le CADTM tient donc à dénoncer le discours tonitruant des experts de la Banque mondiale sur la bonne gouvernance, la corruption et la réduction de la pauvreté, qui n’est qu’une sinistre farce. Il était clair dès le début que ce projet allait aboutir à l’enrichissement d’un dictateur notoire qui vient de se permettre un bras d’honneur magistral. Pendant ce temps, les populations tchadiennes se saignent aux quatre veines pour rembourser une dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
colossale sans profiter d’une richesse naturelle qui pourtant leur appartient.

En fait, une fois de plus, chacun a fait ce qu’on attendait de lui. La Banque mondiale a rendu possible un oléoduc qui permet à des multinationales pétrolières de faire main basse sur une richesse naturelle et à leurs actionnaires de réaliser de juteux profits. Le président tchadien fait main basse sur les richesses de son peuple.

La corruption et la dictature au Tchad doivent être dénoncées et combattues, mais cela ne saurait suffire. La Banque mondiale fut l’élément déterminant d’un projet qui endette lourdement le Tchad, aggrave à la fois corruption et pauvreté, détériore l’environnement et permet la captation abusive d’une ressource naturelle. Par conséquent, le CADTM dénonce et combat vigoureusement les agissements scandaleux de la Banque mondiale qui, là comme ailleurs, a soutenu pendant des années un modèle prédateur et une dictature corrompue en toute connaissance de cause.