La question de la dette publique n’est pas enfouie sous un tas de poussière. La France emprunte certes à des taux d’intérêt exceptionnellement bas en ce moment mais le scandale reste entier et les baisses de dépenses publiques en son nom restent prêtes à resurgir.
Les prestations sociales sont sous le feu de la montée du chômage
Depuis 1945, nos prestations sociales sont financées à la fois par le versement des cotisations sociales et les contributions de l’État et par des impôts et taxes affectés. À l’œuvre : les retraites, les remboursements maladies, le chômage [1]. À l’heure des injonctions politiques et médiatiques concernant le déficit des institutions de protection sociale, l’urgence est de faire le point sur son mécanisme de financement. En effet, entre l’affirmation de Michel Sapin « qu’un système d’indemnisation chômage soit déficitaire dans une période de gros chômage, c’est la nature des choses » et de conclure qu’il faut « prendre des mesures sur le régime des indemnités » [2] ou encore, concernant « la réforme nécessaire du régime des retraites » [3], les intentions du gouvernement de revoir le calcul de ses montants, la question se pose de la sauvegarde de nos acquis sociaux. Information cruciale : la Sécurité sociale n’a pas de budget, ne pouvant prévoir ses recettes ni ses dépenses. Comment ses institutions peuvent-elles donc être déficitaires ? Le lien entre la situation de l’emploi et le financement de la Sécurité sociale est un lien direct inéluctable. 1% de baisse de la masse salariale, c’est 2,5 milliards d’euros perdus pour la Sécurité sociale.
Lutter contre le chômage et pour augmenter les salaires, c’est aussi défendre la Sécurité sociale
D’après l’Acoss [4], l’agence chargée de collecter et de répartir les cotisations et les contributions aux différentes caisses de la Sécu, la gestion de la trésorerie va s’avérer difficile. Mais ce qu’il n’est pas opportun de préciser à l’heure des engagements de réduction des déficits de l’État (mais sans compter le paiement des intérêts de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
), c’est qu’elle ne serait pas déficitaire si l’État faisait face à ses obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
de la financer [5].
Et ce n’est pas le répit accordé par les créanciers de la France qui leur fait la part belle
Touché ! Le financement de la Sécurité sociale ne repose donc pas seulement sur les cotisations sociales, mais aussi sur les contributions de l’État.
Coulé ! Le gouvernement fait le choix entre ses obligations sociales, le remboursement des intérêts de la dette (42,5 milliards d’euros en 2010 : son 2e poste de dépenses) et ses engagements pris à la signature du Pacte budgétaire de ramener son déficit structurel à 0,5% du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
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L’erreur dans le diagnostic plonge le malade dans le coma. Alors que les exonérations fiscales accordées aux entreprises, les allègements de cotisations patronales et sociales lui ont déjà coûté pas moins de 88 milliards d’euros [6], assurer désormais qu’il incombe aux citoyens d’admettre une réduction des prestations sociales sous prétexte que la croissance est nulle est une position sévère, un choix de société. « Relancer la croissance ? », C’est le prétexte pour augmenter les dividendes de ceux qui profitent déjà de la rigueur sur le dos des travailleurs.
Qui sauvera la vie de la Sécu ?
A ce jour, les orientations du gouvernement relatives à l’accord de « sécurisation de l’emploi » pour la réforme des retraites et ses déclarations sur le coût des prestations sociales ne montrent pas de perspectives honnêtes quant à ses obligations envers la Sécurité sociale.
Les parlementaires et le gouvernement qui votent les budgets doivent être saisis de la volonté des citoyens de mettre à jour les finances publiques et de participer à leurs adoptions. Déjà, un audit citoyen de la dette est lancé. L’argent cotisé doit être attribué de manière démocratique et non plus au profit des créanciers de la dette publique qui ne participent en rien à la création de la richesse nationale et qui n’ont aucun droit à participer à la casse de notre Sécurité sociale [7].
[1] Alors que les risques vieillesse représentent 46,3% des prestations sociales, le risque santé en représente 35,9%, le risque emploi (chômage), 7,1% et l’exclusion sociale, dont le RSA, n’en représente que 1,9%.
[2] Cf article Le Monde du 22 Janvier Sapin : « Il faudra prendre des mesures sur le régime chômage ».
[3] Interview de Michel Sapin dur RTL. Les négociations devraient avoir lieu dès le mois d’avril.
[4] L’ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale).
[5] Selon CSS Article L131-7 et Article L131-8, la compensation financière des exonérations de cotisations sociales donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’État.
[6] Les allègements des cotisations patronales et sociales ont permis d’augmenter les revenus des capitaux et ont creusé la dette (barème de l’impôt sur le revenu : moins 15 milliards d’euros, niches fiscales, moins 73 milliards + 75 milliards qui ne seraient pas dans les listes, le régime des filiales moins 34 milliards, la loi TEPA (heures sup) moins 4 milliards, IS moins 28 milliards, IRPP moins 5 milliards.
[7] Les détenteurs des titres de la dette sont répartis comme suit : 71% de la dette français est détenue par des non-résidents, parmi les 29% résidents, 23% des titres est détenue par les sociétés d’assurance, 15% par les établissements financiers, 3% par des OPCVM. Ils sont appelés les zinzins. Tous organismes privés qui bénéficient des avantages fiscaux sur le territoire.
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