Tunis, capitale des révolutions arabes, accueille le Séminaire du Réseau CADTM Afrique

26 septembre 2012 par Mimoun Rahmani




Plusieurs militant-e-s du réseau CADTM venant du Bénin, Burkina Faso, Congo-Brazzaville, Guinée Conakry, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal, Togo et Belgique se sont rendus à Tunis pour un séminaire de formation organisé par le réseau africain CADTM (Comité pour l’annulation de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du Tiers-Monde) les 9, 10 et 11 juillet 2012 sous le thème « Révolutions arabes et crise de la dette : Quel rôle pour les femmes ? » [1].

Ce séminaire, qui a d’ailleurs bénéficié d’une importante couverture médiatique, en particulier de la presse écrite (voir surtout : www.lapresse.tn/10072012/52438/une-autre-tunisie-est-possible.html), a été un moment pour revenir sur les leçons tirées des révolutions arabes, sur les crises politiques et conflits que connaît le continent, notamment la crise malienne, sur les répercussions des révolutions arabes en Afrique subsaharienne avec en particulier les soulèvements populaires au Sénégal menés par le mouvement « Y en a marre », sur le rôle qu’ont joué les femmes dans le processus révolutionnaire en Tunisie et en Egypte ainsi que leur place dans les soulèvements populaires dans les autres pays africains, notamment au Maroc dans le cadre du mouvement du 20 février, au Sénégal et au Mali avec le mouvement « Trop c’est trop » créé par les femmes des militaires insurgés contre la menace sécessionniste au Nord du pays pour dénoncer l’embargo illégitime imposé par la CEDEAO.

La dette a été également au centre du débat pour discuter de la meilleure stratégie à mettre en place en vue de sensibiliser l’opinion publique et les décideurs politiques à la nécessité de trancher sur la question des dettes odieuses contractées par les régimes dictatoriaux, via un moratoire Moratoire Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.

Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
immédiat, une suspension des paiements et la mise en place de comités d’audit sous contrôle citoyen pour évaluer la part de la dette publique qui est illégitime.

Ce rendez-vous annuel, important pour les militant-e-s du réseau en termes de formation et de définition de stratégies de travail et d’action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
, a coïncidé avec la 2e session de l’université populaire de RAID/ATTAC/CADTM Tunisie organisée les 10 et 11 juillet 2012 sous le thème « Dette, constitution et souveraineté » en collaboration avec l’association ACET (Auditons les créances européennes envers la Tunisie) et le réseau CADTM [2]. Cette rencontre a réuni une centaine de personnes et a fait l’objet d’une couverture de la presse audio-visuelle. Des sujets importants ont été débattus, notamment l’exploitation des ressources naturelles et le pillage des ressources minières et énergétiques tunisiennes (le plomb, l’uranium, le phosphate, etc.) et africaines orchestrés par les multinationales qui sont le plus souvent derrière les conflits sociaux et la misère des peuples africains. D’où la nécessité de la réappropriation, par le peuple, de la gestion desdites ressources en vue de son réel développement.

Les interventions ont également porté sur la question de la souveraineté monétaire et le rôle des banques centrales, sur la question de la dette qui constitue un poids énorme pour les budgets des Etats africains mais qui est le plus souvent une dette illégitime et odieuse à l’instar des dettes contractées par les dictateurs comme Ben Ali et consorts !

Enfin, l’université s’est clôturée par un rassemblement à la Bourse Bourse La Bourse est l’endroit où sont émises les obligations et les actions. Une obligation est un titre d’emprunt et une action est un titre de propriété d’une entreprise. Les actions et les obligations peuvent être revendues et rachetées à souhait sur le marché secondaire de la Bourse (le marché primaire est l’endroit où les nouveaux titres sont émis pour la première fois). de travail sur le thème « Dette, processus constituant et souveraineté populaire », marqué par la participation d’un nombre important de politiciens et activistes tunisiens dont les interventions ont porté essentiellement sur la dette et qui ont soutenu la campagne de RAID/ATTAC/CADTM Tunisie appelant à un audit de la dette publique tunisienne en vue de l’annulation de sa partie illégitime et odieuse.

En marge du séminaire, le réseau CADTM Afrique a tenu sa réunion les 10 et 11 juillet et a pris des décisions importantes concernant, en particulier, les activités futures. Ainsi, il est prévu un séminaire sur le féminisme qui réunira les femmes du CADTM Afrique au Bénin en décembre et l’organisation d’un séminaire des mouvements sociaux en janvier à Tunis en préparation du FSM 2013. Il est prévu également que des délégué-e-s du réseau se rendent à Amsterdam pour la formation annuelle de l’Institut international de recherche et de formation (www.iire.org). La réunion a par ailleurs été l’occasion d’évaluer les activités passées du réseau, de faire le point sur l’état d’avancement de l’étude de faisabilité du transfert du secrétariat international du CADTM vers un pays du Sud, en l’occurrence le Maroc, et de fixer les priorités du CADTM Afrique pour le programme 2013-2015. A noter dans ce cadre la participation active au FSM à Tunis en mars 2013, la tenue de l’Assemblée Générale du réseau CADTM Afrique et de l’Assemblée mondiale du CADTM international en mai 2013 au Maroc, le soutien des campagnes dette en cours (Tunisie, Mali…) et l’avancement concret sur les campagnes dettes et les audits de la dette dans chaque pays pour pouvoir au final organiser une activité consacrée à ces audits en 2014 ou 2015. Des formations sur les audits de la dette seront programmées entre temps.

A Monastir les altermondialistes préparent le FSM

Plusieurs délégué-e-s du réseau se sont rendus par la suite à Monastir (à 160 km de Tunis) où a eu lieu, du 12 au 17 juillet 2012, l’assemblée préparatoire du FSM 2013. Elle a réuni un peu plus de 1000 participant-e-s venant des quatre coins du monde. Les membres du réseau ont participé activement à cette rencontre en organisant deux ateliers sur la dette [3] et sur le développement alternatif [4]. Ils ont également pris part à la réunion du conseil du forum social africain, à l’Assemblée du forum social maghrébin et à la réunion du conseil international du FSM.

Cette rencontre préparatoire peut être considérée comme un succès vu le nombre de participant-e-s et les sujets débattus, en dépit de quelques lacunes dans l’organisation. Mais ce qui a beaucoup plus marqué cette assemblée est la présence et la participation de certains nouveaux mouvements sociaux de protestation : Occupy Wall Street, le mouvement sénégalais « Y en a marre », le mouvement marocain du 20 Février, l’union des diplômés chômeurs en Tunisie, le forum subversif de Zagreb... [5]

Un conseil international historique !

Le conseil international (CI) du FSM a tenu sa réunion du 15 au 17 juillet 2012. La 1re journée a été consacrée aux luttes des mouvements sociaux, la 2e aux réunions des commissions et le dernier jour aux prises de décisions en plénière. Il a été décidé, entre autres, de tenir la 12e édition du FSM à Tunis du 23 au 28 mars 2013, de mettre en place deux groupes de travail : un sur la réflexion quant à la gouvernance, la structure et le fonctionnement du CI, un autre sur la préparation du FSM de Tunis.

D’autres décisions toutes aussi importantes ont été prises, comme celles relatives à la méthodologie de la prochaine édition du FSM, à savoir : la proposition de consacrer une journée du Forum à l’action en organisant des sit-in ou activités dans les places publiques symboliques de Tunis (La Kasbah, Boulevard Bourguiba, devant le siège de la Banque africaine de développement ou celui de la Banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. de Tunis), une autre journée dédiée aux femmes, à leurs luttes et revendications et enfin, une journée spécifique à la région qui portera sur les révolutions arabes et les conflits dans la région, y compris la question palestinienne.

Enfin, il faut dire que cette réunion du CI, en particulier le 3e jour, a été très riche en débats. On peut même parler de réunion historique puisque c’est la première fois qu’on discute de la gouvernance du CI, de son fonctionnement, de la prise de décisions (on a failli à un certain moment casser la règle du consensus) limitée à un nombre très réduit de membres autour du groupe de liaison... La question du financement a été également posée à deux reprises, notamment le fait d’accepter le financement de certains gouvernements antidémocratiques comme les gouvernements algérien et marocain qui répriment les mouvements sociaux et interdisent la tenue du forum social (le cas de l’Algérie). La réponse à cette préoccupation est qu’il y en a qui acceptent tout argent, d’autres qui n’acceptent pas ce genre de financement, et que l’argent des gouvernements a certes un coût politique !

Et des réunions entre mouvements

En marge de ce CI ont été organisées deux réunions de l’assemblée des mouvements sociaux (AMS) les 15 et 16 juillet, durant lesquelles ont été rappelées l’importance de l’AMS au FSM et la nécessité de mieux la préparer, notamment en organisant un séminaire des mouvements sociaux en janvier 2013 à Tunis pour encourager la mobilisation et la participation d’un maximum de mouvements tunisiens et de la région. Il est prévu de revoir la composition et le fonctionnement du groupe de facilitation de l’AMS.

Une autre réunion a regroupé des représentants de plusieurs organisations (Tunisie, Egypte, Maroc, Belgique, France), dont le CADTM, en vue d’une action commune contre les accords de libre-échange que l’Union européenne essaye d’imposer à la Tunisie, l’Egypte, au Maroc et en Jordanie afin de créer des zones de libre- échange dites « complètes et approfondies ». Il a été convenu de rédiger une déclaration et de réfléchir à des actions communes.

Mimoum Rahmani est membre d’ATTAC/CADTM Maroc et du groupe de coordination du réseau CADTM Afrique.


Notes

[1Lire « Révolutions arabes et crise de la dette : quels rôles pour les femmes », 10 juillet 2012, http://cadtm.org/Revolutions-arabes-et-crise-de-la

[2Voir « Echos de l’Universite populaire de Tunisie », 12 juillet 2012, http://cadtm.org/Echos-de-l-Universite-populaire-de

[3Lire l’article sur cet atelier sur le lien : www.lapresse.tn/15072012/52644/les-dettes-odieuses-nengagent-pas-le-peuple.html

[5Lire « Les mouvements sociaux au prisme des révolutions », http://cadtm.org/Les-mouvements-sociaux-au-prisme

Mimoun Rahmani

Secrétaire général adjoint d’ATTAC Maroc, est membre d’ATTAC/CADTM Maroc et représentant du Réseau CADTM international au CI du FSM.

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