Burkina Faso : d’une révolution à l’autre ?

Compte rendu de l’atelier à l’université d’été du CADTM

30 septembre 2015 par Raphael Goncalves Alves


Compte-rendu de l’atelier sur le Burkina Faso dans le cadre de la IVe Université d’été du CADTM Europe qui a pris place du 11 au 13 septembre 2015 à la Marlagne (Wépion, Belgique). Celui-ci est animé par Virginie de Romanet (CADTM – Belgique), avec à ses côtés : Mikaël Doulson Alberca (journaliste photographe), Bruno Jaffré (Biographe de Thomas Sankara – France), Humanist (rappeur membre du « Balai citoyen » – France/Burkina Faso).



Blaise Compaoré, élève modèle du FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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, de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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et du néocolonialisme, a été chassé du pouvoir par une mobilisation populaire historique impulsée par le mouvement « Balai citoyen ». Le Burkina, ou « Pays des hommes intègres » tel que l’avait baptisé Thomas Sankara, est-il révélateur d’un vent nouveau qui souffle sur l’Afrique ?


 Témoignage à chaud

Mikaël Doulson, qui travaillait au Burkina en 2014, s’est trouvé aux premières loges de la révolte populaire d’octobre 2014. Il nous a présenté une sélection d’extraits d’une vidéo qu’il a réalisée durant les manifestations.

La diffusion de ces images est l’occasion de revenir sur ces événements. Ces manifestations du 28 au 31octobre 2014, sont l’apogée des mobilisations populaires qui se sont déroulées durant toute l’année 2014. Il s’agissait initialement de dénoncer la décision de Compaoré de modifier la Constitution par voie d’un vote à l’Assemblée, afin de pouvoir se présenter à un 5e mandat, il fut initialement question d’un référendum. Fin octobre 2014, on compte plus d’un million de personnes dans les rues. Des manifestations populaires, organisées par les mouvements sociaux dont le mouvement « Balai citoyen » avec parfois une alliance de circonstances des partis politiques.
La vidéo illustre l’importance de la figure de Thomas Sankara, les discours des jeunes Burkinabè sont en effet empreints de référence au Capitaine. À cet égard, presque la totalité des manifestants étaient des jeunes et n’avaient pas vécu la période de Thomas Sankara. Ce mouvement se traduit finalement par des revendications sociales et économiques. Les participants rappellent la pauvreté, le chômage, l’analphabétisme qui gangrènent le Burkina, ce alors que le pays est parallèlement le plus grand producteur de coton d’Afrique, et important producteur d’or.
Blaise Compaoré a finalement démissionné le 31 octobre. Le 1er novembre, les manifestants balaient les rues et quartiers de la ville qui avaient été le lieu des manifestations.

 Retour sur la dette du Burkina Faso

À l’issue de cette vidéo, Virginie de Romanet, ex-permanente du CADTM, enchaîne sur un sujet plus technique, celui de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du Burkina.
C’est une dette de 2,5 milliards $ représentant 28 % du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
, essentiellement une dette extérieure. Les institutions financières internationales en détiennent 83 % tandis que 17 % sont aux mains des créanciers bilatéraux.
La dette a connu une forte augmentation en valeur absolue, entre 2000 et 2013 mais elle a par contre baissé par rapport au PIB, passant de 48 % à 28 %, en raison d’un allègement assez important concédé, dans le cas de l’initiative Pays pauvres très endettés PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.

Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.

Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.

Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.

Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.

Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(PPTE), à Blaise Compaoré, pilier de la Françafrique et à la forte augmentation du PIB, découlant elle-même de la nouvelle exploitation de l’or.
La dette ne semble donc pas, a priori, un si grand poids. Toutefois, le service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. représentant environ 80 millions de dollars par an a une forte incidence sur les services sociaux. D’autant que le Burkina se trouve au 181e rang sur 187 en terme d’indice de développement humain IDH Indicateur de développement humain
IDH
Cet outil de mesure, utilisé par les Nations unies pour estimer le degré de développement d’un pays, prend en compte le revenu par habitant, le degré d’éducation et l’espérance de vie moyenne de sa population.
.
En outre, il existe l’ombre d’une nouvelle crise de la dette dans les pays du Sud en raison d’une hausse probable des taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
de la Réserve fédérale américaine (FED), par ailleurs une baisse des cours des matières premières toucherait inévitablement le Burkina dont le PIB dépend presque exclusivement du coton et de l’exploitation aurifère.
Virginie revient sur l’historique de la dette burkinabè et l’importance de la position de Sankara sur ce sujet, le fait que son appel aux dirigeants africains à résister aux créanciers soit resté lettre morte et a abouti, comme il le pressentait, à son assassinat en 1987. La dette contractée par Compaoré correspond tout à fait à la doctrine de la dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
et devrait être répudiée.

Si, auparavant, la production de coton était largement prédominante, la production aurifère passe de 780 kg en 2003 à 36 tonnes en 2014, mais cette exploitation a finalement peu d’impact sur le niveau de vie des populations. L’or rapporte peu au Burkina par rapport à ce qu’une telle exploitation devrait rapporter. Une telle situation est liée à la collusion d’intérêts économiques et à la corruption. Quelques espoirs toutefois, en plus d’une augmentation des recettes pour l’État, le nouveau code minier en 2015 énonce qu’1 % du chiffre d’affaires de la production d’or sera destiné à financer directement des mesures sociales et écologiques dans les localités aurifères.

Présentation - Virgine de Romanet

 Insurrection et transition

Bruno Jaffré, biographe et spécialiste de Thomas Sankara, nous a évoqué les raisons et enjeux de l’insurrection populaire puis la transition politique qui en a découlée.
Cette insurrection est logique, elle n’arrive pas par hasard. L’alliance des partis d’opposition a rendu l’insurrection possible sur le mot d’ordre de l’éviction de Blaise Compaoré, ce qui explique en partie l’absence d’incidents. Mais ces manifestations sont en outre très bien encadrées, et cette absence d’incident incite justement les gens à sortir et venir en nombre, c’est ce qui se passe entre le 20 et le 30 octobre 2014 à Ouagadougou.
Une autre caractéristique de cette insurrection, c’est la présence de la société civile qui a contribué à encadrer et motiver les jeunes, c’est le cas du Balai c. Il est important de comprendre qu’au départ les gens luttaient pour que Compaoré déclare uniquement ne pas se représenter aux prochaines élections. C’est pour cette raison qu’au moment de sa démission, la transition politique est prise de cours, il était prévu d’attendre la fin du mandat de Compaoré pour organiser classiquement des élections qui donneraient un vainqueur.
Le PCRV, parti d’origine maoïste, implanté dans les syndicats et la société civile, a pris parti pour l’insurrection armée. Ce qui aurait été une catastrophe. Les autres partis politiques n’ont pas pris de décision. Dans ce contexte relativement instable, le Balai citoyen s’en est remis à l’armée, en particulier le régiment de sécurité présidentielle (RSP), en lui demandant de prendre leur responsabilité. Situation compliquée, car les militaires ont désigné le no 2 du RSP (proche de Compaoré).
Le Balai citoyen a alors appelé d’autres acteurs plus expérimentés de la société civile pour parlementer avec les militaires. Après 15 jours de négociations, l’armée, la société civile, les partis politiques, les chefs coutumiers, les autorités religieuses se mettent d’accord sur une politique de transition. Le Conseil national de la transition (CNT), qui compte 30 députés, est créé, mais la plupart sont incompétents pour un travail législatif dans la mesure où ils n’ont pas ou très peu d’expérience politique et parlementaire, en outre la représentation de la société civile n’est pas optimale. En effet, en voulant accélérer la transition afin de ne pas donner à l’armée des raisons de croire que seule cette dernière pourrait gouverner, la société civile nomme à la hâte des personnes qui ne sont pas nécessairement les plus compétentes.
Pour Bruno, le bilan du CNT est mitigé, une Constitution rétablie avec des amendements, pour ne pas subir les pressions internationales. Pendant 3 mois, le CNT était incapable de promouvoir des lois. Sans direction politique, il ne se passe pas grand-chose. D’où une forte déception au bout de 3 mois. La 1re chose qui va donner espoir est l’adoption du code électoral, ce dernier exclut les hommes qui avaient soutenu la modification de l’article 37 (modification de la Constitution par Compaoré).
En outre, le CNT doit faire face à une déstabilisation par certains anciens proches de Compaoré qui veulent sauver leur peau. Les hommes de Compaoré ne se présenteront pas, c’est fondamental car beaucoup d’entre eux avaient un certain charisme auprès de la population.
Puis le bilan s’améliore, beaucoup de réformes progressistes sont votées : code minier, violences faites aux femmes etc. Les lois sont rédigées par des organisations de la société civile qui profitent de la transition pour faire passer des idées progressistes.
Pour Bruno, le véritable enjeu est les prochaines élections et le rôle que tiendra les anciens proches du régime. Bruno voit d’ailleurs très bien se profiler l’ombre du RSP sur les élections…

Bruno Jaffré : Comment ce magnifique peuple du Burkina a mis en échec le coup d’État
Le blog de Bruno Jaffré

 Le Rap, moyen d’expression populaire

Autour de la diffusion de son clip, « « Le pays des hommes intègres », chanson écrite en janvier 2014, Humanist, rappeur franco-burkinabè, membre du Balai citoyen, et porte-parole en France, nous fait part de son expérience au sein de ce mouvement. Pour lui le Hip-hop est un moyen d’expression populaire qui se développe, et doit se développer en Afrique, c’est le développement d’une génération consciente, dont les rappeurs et les artistes sont les porte-voix. Il rappelle que le Balai citoyen a été créé par deux artistes burkinabè, le Balai citoyen fut un véritable catalyseur de l’insurrection, il a permis une conscientisation, une politisation des jeunes Burkinabè, de les intéresser à la vie politique de leur pays, et finalement de reprendre leur propre destin.

 La parole est donnée au public

Beaucoup de questions, et un débat riche s’ensuit. On parle de l’exfiltration de Compaoré et du rôle de la France.
Du rôle du Franc CFA, frein à l’indépendance et outil de domination, le parallèle est fait entre le rôle de l’euro en Grèce et celui du franc CFA pour les pays d’Afrique de l’Ouest. Sékou Touré, un des présidents qui a refusé le pacte colonial en Guinée, a vu son pays détruit à l’issue en représailles de la décolonisation. La France a introduit des faux billets pour se venger de cette décision. Il avait une vision similaire à Sankara en faveur de l’émancipation africaine.
Sur la question de la comparaison avec le Mali, le Mali semble être dans une situation différente, sous tutelle de la France.
On aborde également la question des forces sankaristes et leurs dissensions. Il existe un grand parti sankariste, mais le nom de Sankara est facilement usurpé par des partis pour pouvoir exister. Il s’agit de machines électorales dans tous les cas. Le Balai citoyen représente le sankarisme associatif, proche et influent dans les quartiers. Sankara attire trop de monde différent de par son charisme finalement.
Enfin, le débat se termine sur l’épineuse question du financement de ces mouvements populaires africains par les organisations occidentales (comme la NED ou USAID).

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Compte-rendu rédigé par Raphaël Gonçalves Alves, revu et complété par Virginie de Romanet.

Photos : Mikaël Doulson

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28 octobre 2014, Place de la Révolution, Ouaga. La Place de la Nation retrouve avec fierté son ancien nom de Place de la Révolution, rebaptisée par les centaines de milliers de manifestants présents ce jour-là. 28 octobre 2014, Place de la Révolution, Ouaga. La flamme de la révolte populaire menace d'embraser les rues de la capitale. 28 octobre 2014, Place de la Révolution, Ouaga. Poing levé en signe de détermination, au son de « La Patrie ou la mort, nous vaincrons ». 28 octobre 2014, rond-point des Nations unies, Ouaga. Derrière la pancarte, pend un balai traditionnel, emblème du mouvement social le Balai citoyen. 28 octobre 2014, rond-point des Nations unies, Ouaga. Un cordon de police barre la route qui mène à l'Assemblée nationale. Peu de temps après, un assaut est donné pour disperser les manifestants. 28 octobre 2014, rond-point des Nations unies, Ouaga. Thomas Sankara disait : « Mieux vaut faire un pas avec le peuple que mille pas sans le peuple. » 28 octobre 2014, rond-point des Nations unies, Ouaga. A travers les mailles du filet : l'espoir de sortir la tête de l'eau. 28 octobre 2014, Ouaga. Affiche de l'UNIR⁄PS (Union pour la Renaissance⁄Parti Sankariste) rappelant l'héritage révolutionnaire du Président Thomas Sankara. 28 octobre 2014, Place de la Révolution, Ouaga. Mobilisation populaire contre la modification de la Constitution par référendum, qui devait permettre à Blaise Compaoré de se présenter aux élections présidentielles pour un cinquième mandat consécutif. 28 octobre 2014, Place de la Révolution, Ouaga. « Notre nombre est notre force » est le slogan du mouvement social le Balai citoyen. nuit du 29 octobre 2014, Boulevard Charles-de-Gaulle, Ouaga. Les jeunes occupent des places stratégiques et préparent la mobilisation du lendemain, qui doit empêcher le vote de la modification de la Constitution. nuit du 29 octobre 2014, Pédiatrie, Ouaga. Les jeunes occupent des places stratégiques et préparent la mobilisation du lendemain, qui doit empêcher le vote de la modification de la Constitution. nuit du 29 octobre 2014, rond-point de la bataille du rail, Ouaga. Les jeunes occupent des places stratégiques et préparent la mobilisation du lendemain, qui doit empêcher le vote de la modification de la Constitution. 30 octobre 2014, Hôtel Azalaï, Ouaga. L'hôtel Azalaï, où étaient réfugiés les députés de la majorité qui devaient modifier la Constitution pour permettre à Blaise Compaoré de se présenter aux prochaines élections présidentielles, est assiégé par les manifestants. 30 octobre 2014, devant l'Assemblée nationale, Ouaga. Les cowboys modernes de la génération consciente africaine s'embrasent devant la dignité retrouvée. 30 octobre 2014, sur le rond-point des Nations unies, Ouaga. Au loin, l'Assemblée nationale qui flambe : mission accomplie pour les manifestants qui ont empêché le vote des députés, et ont ainsi protégé leur Constitution. Reste à concrétiser le dernier point réclamé par le Balai Citoyen : « Blaise, dégage ! ». 30 octobre 2014, rond-point des Nations unies, Ouaga. La phrase providentielle prononcée le 21 avril 1982 par Thomas Sankara lorsqu'il était secrétaire d'État de l'information n'a jamais eu autant de force qu'en ce 30 octobre 2014 au Burkina Faso : « Malheur à ceux qui bâillonnent leur peuple ». 30 octobre 2014, siège du CDP, Ouaga. Les manifestants mettent le feu au siège du CDP (Congrès pour la Démocratie et le Progrès), le parti au pouvoir. 30 octobre 2014, devant l'Assemblée Nationale, Ouaga. Les militaires tirent à balles réelles sur les manifestants. 30 octobre 2014, devant l'Assemblée Nationale, Ouaga. Les militants du Balai Citoyen sont déterminés à mettre fin au régime de Blaise Compaoré. 30 octobre 2014, devant l'Assemblée nationale, Ouaga. Apr ès le retrait des militaires, la mobilisation prend une allure carnavalesque. 31 octobre 2014, dans l'Assemblée nationale, Ouaga. La nouvelle vue depuis le bureau d'un député, après un « réaménagement populaire ». 31 octobre 2014, Assemblée nationale, Ouaga. Exposition d'un Salon de l'auto un peu particulier devant l'Assemblée nationale. Les députés devront marcher à pieds pendant encore quelques temps en attendant que le parc automobile soit renouvelé. 31 octobre 2014, devant l'état-major général des armées, Ouaga. Le peuple exige le départ inconditionnel et immédiat de Blaise Compaoré du pouvoir. 31 octobre 2014, rond-point des Nations unies, Ouaga. Vers midi Blaise Compaoré annonce sa démission, le peuple laisse éclater sa joie. 31 octobre 2014, Ouaga. Sur l'image, Blaise Compaoré. Sans commentaires. 1er novembre 2014, maison de Franç ois Compaoré, Ouaga. Chez Franç ois Compaoré, le frère de Blaise, aussi appelé « le petit Président » pour détenir de grandes richesses et exercer un pouvoir politique dans l'ombre de son fr ère. 1er novembre 2014, devant l'Assemblée nationale, Ouaga. Spontanément, des centaines de jeunes se sont réunis le lendemain de l'annonce de la démission de Blaise Compaoré, pour nettoyer les rues. De mémoire d'homme intègre, on n'a jamais vu les rues de Ouaga aussi propres qu'au lendemain de l'insurrection. 1er novembre 2014, rond-point des cinéastes, Ouaga. Jeunesse burkinabè, tu as fait partir le crocodile la queue entre les jambes, tu peux être fière de toi. Tu honores les paroles de Thomas Sankara : « Seule la lutte libère ! ».

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