FSM : la caravane des mouvements sociaux vers Dakar

De Lomé à Ouagadougou, les caravanier-e-s sont toujours debout !

28 janvier 2011 par Pauline Imbach




Lomé, capitale togolaise, deuxième escale de la caravane des mouvement sociaux.

Le 25 janvier, les participant-e-s de la caravane ont été accueillis par ATTAC/CADTM Togo dans les magnifiques locaux de l’organisation d’éducation populaire « Vision solidaire ».
La journée a débuté par une conférence de presse sur la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
et les enjeux de son annulation. Une quarantaine de personnes et de nombreux médias (radio et télévision) étaient au rendez-vous. Les interventions des représentant-e-s d’ATTAC/CADTM Togo, ATTAC France, CADTM Belgique, Forum social togolais, GRAMI-AC Cameroun [1] et No Vox Bénin ont été suivies par un débat animé.
La question des moyens et stratégies à mettre en place pour concrétiser l’annulation de la dette a fait l’objet d’une longue discussion. Certains, plus sceptiques, ont demandé aux intervenant-e-s s’ils pensaient réellement qu’une telle alternative pouvait voir le jour.
Demandez au peuple tunisien, s’il y a quelques mois, il pensait que la chute de Ben Ali était possible ... Réponse qui a fait largement consensus. L’expérience tunisienne fait du bien, elle montre de nouveau que de grandes victoires sont possibles ! Elle ouvre la voie à de nombreuses luttes victorieuses, redonnant courage et espoir. Oui, les luttes payent, voilà le message qui doit être porté à Dakar.

L’après-midi a été consacré pour certain-e-s à la découverte d’un jeu « le repas insolent » qui permet d’aborder les rapports inégaux entre les continents. Alors que le « représentant de l’OMC OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.

L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».

Site : www.wto.org
 » a tenté de réglementer les échanges entre certains continents, les participant-e-s ont organisé un front commun autour du slogan « OMC Go Home ! ». Une détente militante qui a permis de renforcer la cohésion du groupe !
Pendant ce temps, l’équipe du GRAMIC-AC qui a prévu de réaliser au cours de son voyage un baromètre des frontières les plus corrompues d’Afrique, a tenté de se faire recevoir par le ministre de l’intérieur togolais pour échanger sur la corruption de la police, notamment aux frontières…
En effet, en traversant la frontière Bénin – Togo, selon un des membres de ce groupe «  Nous avons été terriblement choqués et stupéfaits de voir les policiers togolais collecter de l’argent comme des caissiers de magasins pour l’entrée au Togo auprès de tous les voyageurs.
Il est plus facile d’entrer au Togo en payant 500 francs CFA qu’en présentant ses papiers en règle. La corruption s’y passe sans aucun complexe… C’est honteux et inacceptable, de payer son visa dans son pays et d’être ensuite harcelé par des policiers qui ont un salaire à la fin de chaque mois.
 » Le groupe a refusé de payer, et après une longue négociation, le passage a pu se faire.
Malheureusement ils n’ont pu rencontrer aucune autorité pour mener à bien leur interpellation. Mais voici un autre objectif important de la caravane : Refuser et dénoncer ce genre de pratique

3e étape : Sokodé : No border, no nation !

Le 26 janvier, après une journée de route, la caravane des mouvements sociaux est arrivée à Sokodé, la ville la plus important au centre du Togo. Accueilli par l’Association Togolaise des Expulsés (ATE), une marche a conduit les participant-e-s devant la mairie où le préfet Monsieur Tchani Chabi Chabo a prononcé un discours de bienvenue, soulignant que les autorités togolaises ont largement travaillé à la réduction de la pauvreté, notamment dans la perspective d’atteindre en 2015 les fameux Objectifs du Millénaires pour le Développement (OMD). Ce discours pré-maché et pourtant indigeste n’a pas convaincu l’ensemble de la caravane des mouvements sociaux, qui a répondu par des slogans : « elle tue, elle pille, elle assassine, répudiez la dette ! » , « pas de frontières, liberté de circulation » , « rendez nous nos voix, nous voulons nos voix ». Après cette expérience, les participant-e-s ont décidé d’interpeller plus directement les autorités lors de ces rencontres pour les obliger à sortir de leurs discours réchauffés qu’ils servent à chaque occasion et leur montrer que les mouvements sociaux ne sont pas dupes.

Sokodé-Ouagadougou – safari au cœur des trous d’éléphants blancs Éléphant blanc
éléphants blancs
L’expression « éléphant blanc » désigne un mégaprojet, souvent d’infrastructure, qui amène plus de coûts que de bénéfices à la collectivité.

Pour la petite histoire, la métaphore de l’éléphant blanc provient de la tradition des princes indiens qui s’offraient ce cadeau somptueux. Cadeau empoisonné, puisqu’il entraînait de nombreux coûts et qu’il était proscrit de le faire travailler. Ce terme est généralement utilisé pour désigner des mégaprojets développés dans les pays du Sud.

Dès le lendemain matin, le 27 janvier, le groupe enrichi des militant-e-s de l’ATE a repris la route en direction de Ouagadougou pour rejoindre ATTAC/CADTM et No Vox Burkina. Cette étape de 575 kilomètres est une des plus difficiles en raison du mauvais état de la route. Parti à 9h30, il a fallu 15 heures pour atteindre la capitale du pays des hommes intègres. Notons que la caravane a été arrêtée pendant plus de 5 heures au passage de la frontière Togo-Burkina qui compte une petite dizaine de points de contrôle.
La route, quant à elle, est jonchée non pas de nids de poules mais de « trous d’éléphants » comme aime plaisanter le groupe. Tout au Nord du Togo, avant le passage de la frontière, c’est une route étroite et sinueuse qui permet de gravir la faille d’Aledjo. Sur le côté des dizaines de camions sont tombés et pourrissent dans le ravin.
Alors que dans les capitales africaines, poussent comme des champignons des monuments ou infrastructures de prestige, l’état des routes, pourtant essentielles au déplacement de la populations et au transport des marchandises sont par endroit quasi-impraticables. A Cotonou, par exemple, le nouvel échangeur en cours de réalisation depuis 2 ans a mobilisé pas moins de 70 milliards de FCFA. Le Burkina Faso constitue aussi un fameux exemple d’architecture « bidon » : du nouveau quartier « Ouaga 2000 » au centre duquel une sorte de tour Effel en béton constitue la fierté des nouveaux riches , à l’échangeur gigantesque qui relie deux axes auxquels un rond point aurait largement suffit. Ces projets, financés et soutenus par la Banque Mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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et les puissances occidentales sont de véritables mécanismes de pillage économique. Éléphants blancs, ils sont prétexte à endettement et financent directement les entreprises étrangères qui les réalisent : Chinois, Italiens, Français ... se font la course pour gagner ces juteux chantiers !
La seule voie ferrée qu’il reste au Togo sert à acheminer le phosphate du gisement de Haoutoe à l’usine se trouvant à Kbeme.

C’est donc après un long chemin que la caravane des mouvements sociaux a rejoint Ouagadougou. Arrivé-e-s vers 2h00 du matin, les militant-e-s sont déjà au pied d’œuvre pour les activités organisées au Burkina Faso par ATTAC/CADTM Burkina. Celles-ci se sont ouvertes par un hommage à Thomas Sankara devant sa tombe.

La caravane continue ! En route pour le forum de Dakar !


Notes

[1Groupe de Recherche et d’Action sur l’Immigration d’Afrique Centrale.

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