Haîti

Deuxième compte-rendu sur la réunion continentale du CADTM Amérique latine et Caraïbe à Haïti

6 novembre 2013 par CADTM AYNA


Le 30 octobre 2013, après avoir effectué de longs voyages en avion, nous nous sommes réunis entre représentants de la coordination du CADTM AYNA afin de réaliser ici, à Haïti, notre Assemblée continentale.

Premier compte-rendu



Haïti nous provoque de la douleur, mais en même temps elle réveille notre admiration et notre gratitude par la dignité de son peuple, sa solidarité, la qualité de son sourire, la sonorité de sa langue créole.

Et surtout par son histoire. Histoire de lutte permanente, depuis la civilisation des Taïnos et Arawaks, ces peuples originaires dont le nombre dépassait le million quand sont arrivés les conquérants (1492) et qui en peu d’années avaient disparu, luttant par différents moyens y compris des suicides collectifs, contre les agresseurs qui imposaient la “civilisation” occidentale et chrétienne. Lutte qui se poursuivit contre l’esclavage dans les plantations..

Le café et le sucre constituaient le sang et la mort de cette colonie parmi les plus riches du monde. Mais ses habitants continuèrent de s’organiser et de lutter comme les “Cimarrones” (oganisés en communautés comme les “Kilombolas” du Brésil). Les multiples révoltes d’esclaves ont permis l’émergence de chefs comme Boukman (1791), Toussaint Louverture (1794) et Dessalines. Ainsi l’esclavage a été aboli tôt sur ces terres. L’indépendance a été déclarée et la première république noire est née en 1804.

Mais, les richesses naturelles sont la malédiction des peuples, des gouvernements instables se sont succédés ainsi que de sanglantes dictatures et nous avons aujourd’hui un gouvernement fabriqué à la mesure des intérêts étrangers. La présence de la Minustah, soit une occupation militaire depuis 10 ans pour soi-disant “maintenir l’ordre” responsable de violations continuées des droits humains et qui de plus a été responsable de l’introduction du virus du choléra, ce qui a provoqué des milliers de morts à Haïti, en est la preuve.

Mais la terre haïtienne se récupèrera comme elle l’a déjà fait pendant toute son histoire. Nous en avons la certitude suite aux débats et réunions que nous avons eus avec différentes organisations.

Ce même jour, le 1er novembre, nous nous sommes réunis avec les représentants de différents mouvements sociaux au siège de la plateforme de promotion des droits humains (DH), celle-là même qui a été créée dans les années 1980 sur la base de programmes de recherche d’action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
culturelle et d’expertises légales.

On nous a expliqué que l’état des DH s’est aggravé pendant la dernière période.

Il existe une situation importante de malaise social qui demande en urgence une amélioration des conditions de vie de la population. D’où le besoin de donner plus de pouvoir au secteur populaire et donc aux organisations citoyennes.

Les organisations présentes ont rendu compte du mouvement politique présent à Haïti et dans le monde. Elles ont aussi exposé un bref parcours historique de leur champ d’action et de recherche de solutions.

Dans un premier temps Éric Toussaint a décrit la situation de la profonde crise économique en Europe, ses conséquences dans le domaine politique et social, elles sont à bien des égard proches de celles de l’Amérique latine et de la Caraïbe pendant les années 1990.
La solidarité Nord Sud a été à l’origine de la lutte contre la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
dans le cadre de l’action du CADTM. 

Éric Toussaint a aussi déclaré que “nous avons encore plus de travail qu’auparavant”. Il ajoutait aussi que le processus de création d’un secrétariat international partagé entre ATTAC-CADTM au Maroc et le CADTM Belgique demandait beaucoup d’énergie. Ce changement a été très bien accueilli car il permettra une meilleure articulation de la lutte contre la dette entre Nord et Sud.

Les témoignages des militants des organisations liés aux mouvements populaires haïtiens, tels que ceux des DH, des femmes, des paysans, etc., qui luttent depuis les années 1990, ont été bien perçus et approuvés.

La représentante de la SOFA, organisation féministe de Haïti, a expliqué le travail effectué dans 15 communes et 5 départements du pays. Un des principaux axes de travail touche à la violence contre les femmes, depuis 25 ans. Dans ce cadre, la SOFA interroge les femmes victime de violences et participe à la promotion d’agents spécialisés dans ce genre de lutte. Elle comporte de plus, un département d’appui psychologique légal et social. L’ensemble de cette action, orientée à la condition féminine socialiste et populaire, définit la volonté politique du mouvement.

Cette action, comme aussi la lutte pour la participation aux instances du pouvoir, non seulement des organismes de l’État, mais aussi dans le domaine de la prise de décisions, est très importante en ce qui concerne la présence de la femme au niveau communautaire.

Les femmes paysannes jouent un rôle primordial et leur participation est de 80% dans la SOFA. Leur travail est surtout orienté vers l’éducation populaire.

Récemment, un parlement symbolique de femmes avec cet objectif, a débattu des thèmes liés à l’agriculture, à la santé publique, à l’action féminine, à droit à l’avortement (qui est considéré comme un crime dans la législation haïtienne), etc. Cela a été suivi d’une consultation populaire articulée autour de 50 organisations dont le thème central a été celui du principe de la souveraineté alimentaire.

Les axes de travail ont mis en évidence la santé de la femme pendant sa vie entière et non pendant la seule période reproductive. Des résultats ont été obtenus dans les domaines de la violence et même celui des viols.

La SOFA est membre de la Marche Mondiale des Femmes. Le représentant de l’Institut Culturel, Karl Levêque a expliqué l’objectif de son entité. Dans un premier temps il a expliqué que Karl Levêque en tant que sacerdote jésuite avait lutté contre la dictature et pour la révolution socialiste. L’institut qui porte son nom est centré sur l’éducation populaire et les organisations urbaines.

Tous les mouvements présents sont membres de la PAPDA et de la plateforme des DH. De la même façon les membres intégrant le Centre de Recherche et d’Action pour le Développement Alternatif, qui emploie des étudiants secondaires de Port-au-Prince, participent à la formation des cadres du mouvement des agriculteurs.

Vers la fin de la réunion, nous, les membres du CADTM AYNA, avons manifesté aux camarades présents, notre solidarité et soutien au peuple haïtien. Nous avons réitéré notre engagement à lutter pour le retrait des troupes d’occupation militaire de la Minustah, pour l’approfondissement des relations avec les mouvements populaires haïtiens, en particulier avec la mise en place des Tribunaux Populaires contre la dette illégitime et illégale, pour l’écologie et le développement social, en particulier pour le processus d’intégration des peuples pour eux-mêmes et non au service du capital.


CADTM AYNA

Abya Yala Nuestra América

Abya Yala est le nom donné par les Indiens Kunas du Panama et de la Colombie au continent américain avant l’arrivée de Christophe Colomb et des européens. L’expression « Abya Yala » signifie « terre dans sa pleine maturité » dans la langue des Kunas. Le leader indigène aymara de Bolivie Takir Mamani a proposé que tous les peuples indigènes des Amériques nomment ainsi leurs terres d’origine, et utilisent cette dénomination dans leurs documents et leurs déclarations orales, arguant que « placer des noms étrangers sur nos villes, nos cités et nos continents équivaut à assujettir notre identité à la volonté de nos envahisseurs et de leurs héritiers. ». Abya Yala est choisie en 1992 par les nations indigènes d’Amérique pour désigner l’Amérique au lieu de le nommer d’après Amerigo Vespucci.

Traduction(s)