Le monde vit une crise monumentale, simultanément sociale, économique, financière et écologique. La plupart des commentateurs ferment les yeux sur les causes réelles de tous ces désastres, résultats d’une logique d’accumulation invraisemblable et d’enrichissement vertigineux d’une minorité de nantis. Tandis que cette minorité profite de cette crise pour accentuer encore davantage la pression exercée sur les populations, sur les travailleurs, sur les quelques institutions collectives qui survivent encore comme celles de la protection sociale et des services publics.
Le Fonds monétaire international
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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et toutes les institutions sœurs comme la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et l’Organisation mondiale du commerce
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
, les directoires autoproclamés comme le G8
G8
Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.
et le G20
G20
Le G20 est une structure informelle créée par le G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni) à la fin des années 1990 et réactivée par lui en 2008 en pleine crise financière dans le Nord. Les membres du G20 sont : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne (représentée par le pays assurant la présidence de l’UE et la Banque Centrale européenne ; la Commission européenne assiste également aux réunions). L’Espagne est devenue invitée permanente. Des institutions internationales sont également invitées aux réunions : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale. Le Conseil de stabilité financière, la BRI et l’OCDE assistent aussi aux réunions.
, tous ont mené et mènent des politiques qui mettent à genoux les peuples. Le FMI et l’Union européenne n’ont pas sauvé la Grèce, ils l’ont assommée. Ils n’ont pas sauvé l’Irlande et le Portugal, ils ont conforté leurs gouvernements dans la volonté de ceux-ci de faire payer la crise aux victimes de la crise et non à leurs responsables. Une preuve supplémentaire en est donnée par la préparation du « pacte pour l’euro » par les gouvernements français et allemand et la Commission européenne, dont le Parlement européen est actuellement saisi.
La pression médiatique pour donner du FMI une image de sauveur suprême est une mystification : le programme de privatisations exigé de la Grèce prévoit de brader entre autres la compagnie de chemin de fer et celle d’électricité, et de ne pas l’avoir encore fait depuis un an serait la cause des difficultés persistantes rencontrées par ce pays. Cet acharnement ne s’explique pas autrement que par le refus d’envisager la nécessaire annulation d’au moins une bonne partie de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique grecque, annulation dont pâtiraient les créanciers privés qui entendent jouer en permanence sur tous les tableaux : profiter des allègements fiscaux et des déficits publics pour jouir de la rente et attendre que les entreprises publiques tombent dans leur escarcelle.
Il faut avoir l’idéologie néolibérale chevillée au corps pour déclarer à l’instar de Robert Badinter que « le FMI a retrouvé son éclat » ; et s’émerveiller de « l’excellence de son action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
» (France Inter, 17 mai 2011, 8h20. Et Christine Lagarde de surenchérir en proclamant qu’il fallait immédiatement privatiser en Grèce.
Il faut atteindre le degré zéro de l’incompétence économique pour ne pas comprendre que plus on impose l’austérité, plus les chances de restaurer les finances publiques s’amenuisent parce que le ratio de la dette par rapport à la richesse produite augmente mécaniquement.
L’impasse néolibérale se situe là : vouloir réunir à tout prix les conditions d’un « retour de la Grèce – et d’autres – sur les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
». C’est la corde raide, un exercice d’équilibriste impossible car ce sont les marchés financiers qui sont la source de la crise de la dette publique et car, envers et contre tout, les gouvernements et les institutions financières veulent maintenir l’emprise de ces marchés sur les sociétés et les peuples.
Les prochaines échéances constituées par les réunions en France du G8 et du G20, en présence du représentant du FMI, seront une nouvelle fois l’occasion de constater la collusion des forces économiques du capitalisme, des gouvernements néolibéraux et de leurs institutions internationales pour non pas nous sortir de la crise mais pour nous y plonger un peu plus. Toutes les velléités de nouvelle régulation sont restées lettre morte : paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
, circulation des capitaux, rémunérations des banquiers, etc. Ne parlons pas de la « moralisation »…
Voilà la nouvelle de ce week-end dont les médias se gardent bien de parler : le FMI fait tomber le monde bien bas et, avec de telles politiques, les classes dominantes veulent se l’approprier définitivement. Le FMI est un symbole : celui de l’argent, celui du pouvoir, celui de l’arrogance, celui du mépris, le tout accompagné du sentiment d’impunité perpétuelle.
ancien Professeur agrégé de sciences économiques et sociales et Maître de conférences d’économie à l’Université Bordeaux IV.
Jean-Marie Harribey est chroniqueur à Politis. Il anime le Conseil scientifique d’Attac France, association qu’il a co-présidée de 2006 à 2009, il a co-présidé les Économistes atterrés de 2011 à 2014 et il est membre de la Fondation Copernic.
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