1ers États généraux des migrations
13 décembre 2016 par Marie-Claude Carrel
Organisé par un collectif d’associations : Migrants en Isère.
Samedi 3 décembre 2016, l’auditorium de la MC2 de Grenoble (900 places) n’a pas désempli de 9h à 18h30. Au menu : tables rondes précédées de témoignages de migrants, lecture des conclusions des cahiers de doléances élaborés en amont, projection d’un film « En vie », lecture par D. Pennac de son texte : « Eux, c’est nous ». Interventions nombreuses d’universitaires, chercheurs, journalistes, citoyens engagés, migrants, responsables de collectivités locales (Mairie de Grenoble, Métropole) et des débats avec la salle.
Dès le hall d’entrée, présence de nombreux stands d’associations d’aide aux migrants ou d’interpellation citoyenne.
Le coin du CADTM-Grenoble [1] : Table de presse organisée autour de 2 panneaux Dette et migrations (voir pj)
1/ Pourquoi les migrants quittent-ils leur pays ?
Paroles entendues à la tribune : Les migrations vont s’amplifier et ce pour de multiples raisons – économiques, politiques, climatiques – imbriquées les unes aux autres, ce qui rend difficile la distinction entre ces 3 séries de causes.
L’intervention du CADTM/G :
Les migrations sont la conséquence d’inégalités croissantes, de l’appauvrissement de certaines couches sociales ou certains pays, au bénéfice d’une poignée qui en tire profit. Ce transfert de richesses est rendu possible par l’extractivisme
Extractivisme
Modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles, humaines et financières, guidé par la croyance en une nécessaire croissance économique.
, à savoir le pillage des ressources naturelles, humaines et financières par le biais, au fil des siècles, de l’esclavage, de la colonisation puis du système dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
. Ce pillage est largement responsable des migrations, par la pauvreté et la destruction de l’environnement qu’il engendre, entraînant dans leur sillage misère, corruptions, chaos climatique, guerres.
2/ Les migrants des profiteurs ?
Paroles entendues à la tribune : C’est un mythe. Il n’y a pas de crise humanitaire des migrants, c’est l’Europe, enfoncée dans la crise qui a créé délibérément cette crise (Médecins du Monde). À moyen et long terme les migrants sont source de dynamisme économique et de richesse accrue pour les pays d’accueil, de par leur volonté de s’en sortir, leur jeunesse souvent, le mélange culturel généré (Alternatives Économiques).
Le point de vue exprimé par le CADTM-G :
Les migrants espèrent pouvoir compter sur l’aide et la solidarité. Mais ce sont des réparations qu’ils devraient exiger de ceux qui les ont pillés.
3/ La France et l’Europe sont-elles encore des terres d’accueil ?
Paroles entendues à la tribune : L’Europe a toujours été une terre d’émigration et d’immigration. Le droit doit être revu, les textes actuels, tels Dublin 2 contraignant les migrants à retourner dans le pays européen où ils sont arrivés sont inhumains, les réfugiés climatiques sont les oubliés du droit et les hotspot sont des zones de non-droit (le Président du Conseil des barreaux européens) : les déboutés devraient plus solliciter la Cour européenne des Droits de l’Homme, ses juridictions leur étant plus favorables que celle des États.
La responsable du Centre Primo Levi - Centre de soin des victimes de tortures, à Paris depuis 21 ans - pointe un déficit politique et pense qu’il faudrait que le droit de santé publique permette la prise en compte de ces souffrances spécifiques sur tout le territoire. Le centre accueille désormais autant d’hommes que de femmes et 20 % d’enfants. Pour elle, la France n’est plus un pays d’accueil, en particulier pour ceux qui, persécutés au pays, sont déboutés en France. « On fait croire que 80 % des déboutés sont de faux réfugiés. En réalité ce sont de faux déboutés », victimes de violences physiques ou symboliques et d’humiliations. Sans l’aide des associations il leur est impossible de se battre, face aux difficultés des procédures.
4/ Construire ensemble une société diverse et solidaire
Paroles entendues à la tribune : L’expérience de Sarrebruck met en évidence le maillage entre la mobilisation concrète de la société civile et l’investissement des collectivités locales, l’État allemand ayant réparti au niveau régional les réfugiés accueillis ensuite dans les communes.
Le maire de Grande–Synthe à propos de la mise en place du camp d’accueil provisoire près de Calais, tout comme les collectifs citoyens locaux à propos de leurs dispositifs d’accueil, mettent en avant les insuffisances institutionnelles, au regard de l’engagement des personnes. La société civile doit faire pression sur l’État pour une politique plus volontaire d’accueil. « On dit que la France est le pays des Droits de l’Homme, mais c’est faux. C’est le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme » (Me Bénichou)
5/ Quelles perspectives locales ?
Ce point 5 (comme les points 3 et 4) a porté sur les formes diverses et modalités d’une aide la plus efficace possible envers les migrants. La conclusion de D.Cohn-Bendit, grand témoin de la journée, a incité les villes à demander directement, pour leurs projets, l’aide de l’UE en passant outre l’échelon des États, tentés par les replis nationalistes.
Le point de vue du CADTM-G :
Apporter notre aide aux migrants est indispensable au regard des souffrances qu’ils endurent. S’il est juste de s’interroger sur les modalités d’organisation de ces aides, comme cela a été le cas tout au long de cette journée, il est juste également d’interroger les orientations et les choix budgétaires des collectivités et des institutions qui s’attellent à cette tâche.
Ainsi, l’association des Mal Logés a interpellé les responsables locaux de l’agglomération grenobloise sur le nombre grandissant de personnes - majoritairement migrants, réfugiés ou Roms - qui vivent actuellement dans la rue ou dans des squats, faute de structures d’accueil suffisantes. Les 50 millions que la Métropole a votés sans contrepartie en juillet, au profit des banques, pour sortir de ses emprunts toxiques, et sans tenir compte des conclusions de l’audit citoyen mené par le CAC38 [2], font défaut au budget de la collectivité : ils auraient pu contribuer à une politique sociale plus offensive.
Le CADTM/G participera dans la mesure de ses moyens à cette solidarité nécessaire ici et ailleurs, sans cesser, pour chaque action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
, de contextualiser les situations : rappel des causes de ces drames humains et popularisation des outils de lutte tels les audits citoyens. Il n’y a pas de fatalité à supporter indéfiniment cet ordre injuste du monde.
[1] CADTM : Comité pour l’abolition des dettes illégitimes.
CADTM/G : le comité grenoblois : cadtm-g chez cadtm.org
[2] CAC38 : collectif pour un audit citoyen de la dette publique en Isère. cac38 chez audit-citoyen.org
Le CADTM participe activement aux CAC régionaux et au CAC national : audit-citoyen.org
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