Post-scriptum : Les conséquences de la capitulation

24 juillet 2015 par Eric Toussaint


Eric Toussaint et Alexis Tsipras au parlement grec lors de l’inauguration des travaux de la commission pour la vérité sur la dette, le 4 avril 2015

Dans la nuit du 22 au 23 juillet le parlement a adopté deux lois très volumineuses dans le cadre d’une procédure qui ressemble aux années noires de la Troïka (2010-2014).



Comme le dénonce la présidente du parlement grec, les députés ont reçu le texte d’une des deux lois dans la nuit du 20 au 21 juillet et ont dû se prononcer 24 heures plus tard sans possibilité de présenter des amendements (voir en français la lettre de Zoe K ; à Alexis Tsipras et au président de la république : http://cadtm.org/Lettre-de-Zoe-Konstantopoulou-Le ). Il faut préciser que ce texte à prendre ou à laisser comportait 977 pages. Il porte sur une réforme de la justice voulue par le gouvernement précédent et par les créanciers. En décembre 2014, les avocats de l’intégralité du pays avaient été invités à se prononcer dans le cadre d’un référendum organisé sous l’égide de l’Assemblée générale des présidents des barreaux du Pays. Plus de 93% des avocats avaient voté contre. De nombreux magistrats s’étaient également opposés à cette réforme. Comme le dénonce Zoe K, le fait que ce texte législatif ait été choisi par des gouvernements étrangers comme condition pour entamer des négociations en vue de la conclusion d’un nouvel accord de prêt, « montre la taille du dédain dont font preuve lesdits gouvernements étrangers envers les principes du fonctionnement du parlement, de la souveraineté populaire et, enfin, de la démocratie. »

L’autre loi imposée au parlement par les créanciers consiste à modifier en faveur des banques la législation sur les faillites des entreprises et sur les dettes des ménages. En cas de faillite d’une entreprise, les banques sont les premières à devoir être remboursées sur les actifs Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
disponibles alors qu’auparavant les retraités et les salariés de l’entreprise étaient prioritaires. En ce qui concerne, les dettes hypothécaires les privilèges des banques à l’égard des ménages endettés sont renforcés de manière à ce qu’elles puissent procéder plus facilement à des expulsions et à la vente du bien immobilier.

31 députés de Syriza (dont la présidente du parlement) ont voté contre, 5 se sont abstenus. Les textes ont été adopté avec une majorité de 230 voix composée des députés de Syriza qui ont voté pour, ainsi que les députés des 4 partis de droites (Nouvelle Démocratie, Pasok, Grecs indépendants et To Potami). La différence entre le vote du 15 juillet et celui du 22 juillet provient de Yannis Varoufakis, le député Syriza qui a voté pour alors qu’il s’était courageusement opposé à la première partie de l’accord le 15 juillet. Pourtant Y. Varoufakis n’était pas favorable aux deux lois qu’il a soutenues. Cela montre très clairement qu’une partie des députés de Syriza qui ont soutenu le premier ministre et ses alliés de droite votent contre leurs convictions.


Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.