Communiqué de presse
26 juin 2016 par Marie-Christine Vergiat
Magharebia - Flickr cc - Parlement tunisien
Une proposition de loi demandant un audit de la dette publique vient d’être déposée ce 14 juin par 73 députés de tous les groupes politiques de l’Assemblée des Représentants du peuple de Tunisie, à l’exception de celui du parti Ennahdha.
Une grande partie de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
tunisienne remonte à la période Ben Ali et elle continue de croître depuis le renversement du dictateur. Elle représente désormais plus de 56% du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
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Le remboursement de cette dette mobilise autant de ressources qui ne peuvent pas être utilisées dans des domaines primordiaux comme l’éducation, l’emploi et la santé qui ont été les clés du déclenchement de la Révolution tunisienne. Or sur ces domaines toujours pas le moindre début de réponse.
L’UE et le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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viennent de débloquer une deuxième tranche de prêts promis de longue date à la Tunisie qui vont encore peser sur cette dette. Et cette « assistance macro financière » est conditionnée à des réformes structurelles (lire mon explication de vote) dont on connaît malheureusement les effets néfastes. La majorité des emprunts sert en Tunisie, comme ailleurs, d’abord au remboursement de la dette.
En septembre 2011, j’ai initié un appel appelant à un moratoire
Moratoire
Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.
Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
et à un audit de cette dette afin notamment d’en déduire la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
qui n’a profité qu’au clan Ben Ali. Appel qui a été soutenu par une centaine de parlementaires européens et nationaux.
La proposition de loi qui vient d’être déposée en Tunisie est le fruit de nombreuses années de travail de la société civile tunisienne et notamment du CADTM appuyé par le Front populaire.
Cet audit permettrait de déterminer les causes et l’impact exact de l’endettement public tout comme la part des dettes publiques odieuses, illégales, illégitimes ou insoutenables.
Je vais lancer un nouvel appel aux parlementaires européens et nationaux des États membres de l’UE pour soutenir cette démarche dont je me félicite.
La question de la dette est cruciale pour assurer la stabilité et la prospérité de la jeune démocratie tunisienne.
Députée européenne, groupe GUE-NGL, première signataire de l’appel des parlementaires européens et nationaux pour un audit des créances européennes à l’égard de la Tunisie
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