Audit, la contagion ?

25 mai 2015 par Pascal Franchet , Nicolas Sansu


Un rapport parlementaire qui tombe à pic !

Début mai 2015, un rapport parlementaire inédit a été rendu public qui traite de la dette publique.

Ce rapport accompagne une proposition de loi européenne relative à la dette souveraine des États de la zone euro, présentée par Nicolas Sansu, député PCF, au nom du groupe Front de gauche à l’Assemblée nationale.

Le rapporteur a auditionné plusieurs acteurs de la critique de la dette publique en France, membres du CADTM, d’ATTAC, de l’OFCE, des économistes atterrés, tous militants au Collectif d’audit citoyen ainsi que des universitaires et chercheurs spécialisés sur des thèmes voisins de la dette publique, de la Banque centrale européenne et de la gouvernance économique européenne.

Ce rapport de 60 pages est une pierre de plus à l’édifice de la mobilisation contre la dette publique illégitime qui frappe les peuples européens. Faisant siennes les conclusions du rapport du CAC sur les causes de l’accroissement de la dette publique française (effets de la financiarisation et fiscalité favorable aux grandes entreprises et aux ménages les plus aisés), le rapporteur condamne également les dispositions issues des traités européens, notamment celles concernant le statut de la Banque centrale européenne qui favorisent les marchés financiers au détriment des finances et politiques publiques.

En Argentine, la Commission bicamérale d’audit de la dette pour la période de 1976 à 2014, vient d’être mise en place conformément à la « loi de paiement souverain », adoptée en septembre 2014 , et devra rendre son rapport dans 180 jours.

Avec nos amis argentins, nous plaidons pour que cet audit soit, comme en Équateur, un audit intégral de la dette, non confidentiel et qu’il implique une participation citoyenne active.

Dans moins d’un mois (le 18 juin), la Commission pour la Vérité sur la dette publique grecque fera connaître son rapport intermédiaire à quelques jours de l’échéance prévue par l’accord du 20 février.

Depuis cette date, après avoir privé les banques grecques d’une partie de l’accessibilité aux liquidités, l’Eurogroupe exerce un chantage terrible envers le gouvernement issu démocratiquement des urnes le 25 janvier, voulant lui imposer un mémorandum supplémentaire du même registre que les précédents qui ont ruiné l’économie du pays depuis 2010 et plongé des millions de grecs dans la précarité, le chômage et la misère.

La proposition de loi européenne présentée par le Front de gauche a, de fait, été censurée par le parti socialiste et une partie de la droite. Pour eux, la transparence n’est pas à l’ordre du jour !

En revanche, la Commission des finances de l’Assemblée nationale a accepté la création d’une commission parlementaire d’enquête appelée pudiquement :  « Mission d’information et d’évaluation ».

Nous ne pouvons qu’approuver cette initiative parlementaire tout en exigeant que son travail et ses résultats ne soient pas confidentiels, que cette mission parlementaire ne limite pas ses investigations et que l’audit soit, comme en Équateur, comme en Grèce, un audit intégral.

En attendant, nous vous invitons à prendre connaissance du rapport et de ses conclusions sur la dette souveraine des États de la zone euro.



Sommaire du rapport

INTRODUCTION 5
I. S’EXONÉRER DE LA « SIDÉRATION » DE LA DETTE Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
7
A. LA DETTE : UN SYSTÈME DE DOMINATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE 7
1. La dette : une question morale et politique 7
a. L’emprunt, la dette : une relation humaine suivie 7
b. La notion de dette injuste 8
2. Les origines de la dette contemporaine en France 9
a. Le résultat d’une politique fiscale inefficace en faveur des plus aisés 10
b. Après l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. , l’effet « boule de neige » 15
c. La socialisation d’une crise de la dette privée 17
3. Un outil de pression sur les choix politiques et sociaux 18
a. Une justification facile pour toutes les réformes antisociales 18
b. Mais de quelles générations futures parle-t-on ? 19
c. Dette brute, dette nette, actifs Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
nets
19
B. L’URGENCE : EXTRAIRE PROGRESSIVEMENT LA FRANCE DE LA TUTELLE DES MARCHÉS FINANCIERS 20
1. Les raisons du recours aux marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
20
a. Un recours aux marchés financiers pour lutter contre l’inflation 20
b. Des conditions de financement aujourd’hui très favorables 21
c. Bientôt une nouvelle crise financière ? 23
2. Une gestion opaque de la dette 24
a. Les créanciers de la France protégés par un secret légal 24
b. Une part importante de non-résidents parmi les créanciers qui singularise la France 24
c. Vers un cadastre de la dette ? 25
3. Imaginer enfin des alternatives 25
a. Se séparer du stock de dette publique : un moratoire Moratoire Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.

Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
ou une taxe exceptionnelle
25
b. Financer les déficits autrement 26
c. Construire un pôle public bancaire de grande ampleur 27
d. La création d’un circuit du Trésor européen 28
II. LIBÉRER LES PEUPLES EUROPÉENS DU JOUG DE LA DETTE 28
A. SORTIR DU DIKTAT DE LA DETTE POUR PRÉSERVER LES DROITS FONDAMENTAUX 28
1. Cesser de faire de la dette un instrument de chantage et d’asservissement des peuples européens 29
a. Les règles européennes relatives à la maîtrise de la dette et du déficit publics sont dénuées de fondement économique 29
b. Elles conduisent à mener des politiques d’austérité au bilan économique, social et politique dramatique 31
2. Organiser une « opération vérité » sur la dette afin de permettre aux peuples européens d’exercer un véritable contrôle sur la dette et de se réapproprier le débat économique 36
a. Soutenir la Commission grecque de vérité sur la dette publique 36
b. Instaurer une conférence européenne sur la dette 38
B. DONNER UN NOUVEL ÉLAN À L’ÉCONOMIE ET À LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNES 40
1. Définir une autre politique budgétaire, au service de la croissance et de la réduction des inégalités 40
a. De nouvelles ressources fiscales 43
b. Lutter de manière efficace contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.

La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
44
c. Un Fonds d’investissement Fonds d’investissement Les fonds d’investissement (private equity) ont pour objectif d’investir dans des sociétés qu’ils ont sélectionnées selon certains critères. Ils sont le plus souvent spécialisés suivant l’objectif de leur intervention : fonds de capital-risque, fonds de capital développement, fonds de LBO (voir infra) qui correspondent à des stades différents de maturité de l’entreprise. européen solidaire, social et écologique 45
2. Mettre la politique monétaire au service de l’économie réelle 46
a. La politique d’assouplissement quantitatif, un outil efficace ? 46
b. Dans quelle mesure l’action Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
de la BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
est-elle légitime ?
48
C. LIBÉRER LES ÉTATS EUROPÉENS DE LA TUTELLE DES MARCHÉS FINANCIERS 49
1. Le secteur bancaire 49
a. La réforme inachevée du secteur bancaire classique 49
b. L’inquiétante absence de régulation du système bancaire parallèle 54
2. Instaurer une taxe européenne ambitieuse sur les transactions financières 57
EXAMEN EN COMMISSION 61
TABLEAU COMPARATIF 73
ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR 77
ANNEXE 2 : DISCOURS DE LA PRÉSIDENTE DU PARLEMENT GREC, ZOÉ KONSTANTOPOULOU, À LA SESSION INAUGURALE DE LA COMMISSION DE VÉRITÉ DE LA DETTE PUBLIQUE, 5 AVRIL 2015 79

Pascal Franchet

Président du CADTM France

Nicolas Sansu

homme politique français, député-maire communiste de Vierzon.

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