Communiqué de presse

Indonésie : Au moment où Suharto disparaît, le CADTM tient à rappeler la violence et la corruption de son régime dictatorial soutenu par le FMI et la Banque mondiale

27 janvier 2008




Le CADTM regrette que ce dictateur corrompu et responsable de crimes contre l’humanité n’ait jamais été contraint de rendre des comptes. Pour le CADTM, l’impunité dont il a bénéficié jusqu’à sa mort est inadmissible. Pourtant, dès les années 1960, le peuple indonésien s’est vu ravir la possibilité de déterminer son avenir et Suharto y a joué un rôle essentiel. Avec la conférence de Bandoeng de 1955, l’Indonésie avait commencé à s’affirmer sur la scène internationale, mais devant la menace de voir ce pays jouer un rôle clé dans la mise en place d’un nouvel ordre mondial, les Etats-Unis et les institutions de Bretton Woods ont soutenu activement le général Suharto.

En 1966, après une répression massive provoquant la mort de plus de 500 000 personnes, Suharto a contraint le président Soekarno à lui transférer ses pouvoirs. Dès les jours suivants, le gouvernement des Etats-Unis a ouvert une ligne de crédit à l’Indonésie qui a très vite rejoint la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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et le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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que Soekarno avait quittés pour mener une politique indépendante.

Son régime est clairement dictatorial. Suharto a utilisé régulièrement la terreur et l’élimination physique contre ses opposants. Il a été réélu tous les cinq ans par une institution parlementaire composée à 60% de membres nommés directement par Suharto lui-même. En 1975, son armée a envahi le Timor oriental qui s’était libéré du joug portugais.

Selon les estimations, Suharto aurait détourné entre 15 et 35 milliards de dollars, devenant le chef d’Etat le plus corrompu du monde. Pourtant, l’Indonésie était un bon élève pour le FMI et la Banque mondiale qui ont entretenu pendant plusieurs décennies la vision d’un miracle indonésien tout en ayant pleinement conscience des pratiques frauduleuses du régime de Suharto.

En pleine guerre froide, Suharto était un allié stratégique du bloc occidental et l’argent prêté, largement détourné par le clan Suharto, a permis de s’assurer de sa docilité. Ce soutien financier des grandes puissances a permis des politiques contraires aux droits humains et une captation des ressources naturelles au bénéfice des sociétés transnationales, avec la complicité active de la classe dominante locale, de la Banque mondiale et du FMI. La dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure publique de l’Indonésie a explosé pendant la dictature de Suharto, passant de 3 milliards de dollars à son arrivée au pouvoir pour atteindre 67 milliards de dollars en 1998. Pendant ce temps, les remboursements ont dépassé 120 milliards de dollars, véritable hémorragie de capitaux au détriment des conditions de vie du peuple indonésien qui n’a profité en rien de cette dette.

La crise du sud-est asiatique de 1997 a frappé durement l’Indonésie. L’ouverture sauvage au capital étranger, à la demande du FMI, avait contribué à une spéculation Spéculation Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
effrénée. En mai 1998, dans le cadre des accords signés avec le FMI, Suharto a éliminé les subventions sur les produits de base dont les prix ont nettement augmenté. Une immense mobilisation populaire a provoqué son départ. Mais aujourd’hui encore, les ravages de la dette se font sentir. Par exemple, pour se procurer les devises nécessaires au remboursement, des millions d’hectares de forêts primaires sont brûlés et remplacés par des plantations industrielles de palmiers à huile pour produire des agrocarburants, faisant de l’Indonésie le 3e émetteur mondial de gaz à effet de serre.

Le CADTM appelle l’Indonésie et tous les pays du Sud à enclencher une autre logique économique, respectueuse de l’humain et de l’environnement, à l’opposé de la logique néolibérale imposée aux forceps par l’intermédiaire d’une dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
dont il faut revendiquer l’abolition immédiate.


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