10 mars 2011 par Fathi Chamkhi
Ben Ali s’est enfui en laissant derrière lui une ardoise assez lourde ; notamment une dette extérieure publique de plus de 15 000 millions de dinars. Le peuple tunisien s’est débarrassé de son dictateur, quoi de plus légitime qu’il veuille se débarrasser aussi de la dette qu’il a laissé derrière lui ?
Un dictateur qui a bénéficié de facilités de crédits de la part de créanciers qui connaissent parfaitement à qui ils avaient affaire. Une partie de cette dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
a servi à opprimer le peuple tunisien, tandis qu’une autre partie a été détournée par Ben Ali et ses clans. Par conséquent, une dette qui n’a pas servi les intérêts des Tunisiens. Autrement dit, une dette qu’il est juste de qualifier d’odieuse et qui doit être, de ce fait, répudiée.
La finance internationale ne l’entend pas de cette oreille. Le déboulonnement du dictateur a été sanctionné par les agences de notation Agences de notation Les agences de notation (Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch en tête) sont des agences privées qui évaluent la solvabilité et la crédibilité d’un émetteur d’obligations (État, entreprise). Jusqu’aux années 1970 elle étaient payées par les acheteurs potentiels d’obligations, depuis la libéralisation financière la situation s’est inversée : ce sont les émetteurs d’obligations qui rémunèrent les agences pour qu’elles les évaluent... Reconnaissons leur qualité de travail : c’est ainsi que Lehman Brothers se voyait attribuer la meilleure note juste avant de faire faillite. de la Tunisie (R&I, Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s) en baissant sa note ! Le peuple tunisien qui vient de recouvrer sa liberté en chassant son dictateur écope d’une mauvaise note.
Réagissant à cette baisse, certaines personnes, souvent bien intentionnées, ont tiré la sonnette d’alarme : la baisse de la note serait porteuse de menaces, notamment le renchérissement du coût de l’emprunt. En effet, quand la note baisse, la prime de risque Prime de risque Quand des emprunts sont accordés, les créanciers tiennent compte de la situation économique du débiteur pour fixer le taux d’intérêt. Un éventuel risque pour le débiteur de ne pas pouvoir honorer ses remboursements entraîne une hausse des taux d’intérêt pratiqués à son encontre. De la sorte, le créancier perçoit des intérêts plus élevés, censés le dédommager du risque pris en accordant ce prêt. augmente, donc l’emprunt coûte plus cher, risquant par là même de compliquer davantage la situation financière de la Tunisie.
Signalons tout d’abord que la baisse de la notation de la Tunisie n’est pas une réponse à la campagne de l’annulation de la dette que l’association Raid Attac Cadtm Tunisie vient de lancer, mais plutôt une sanction de la révolution. Cela dit, c’est une preuve on ne peut plus claire que la logique qui sous-tend la dette est une logique qui est contraire aux intérêts vitaux du peuple tunisien, et par conséquent justifie notre action
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
qui vise son annulation.
En somme, face à la dette, il n’y a que deux positions tenables : la docilité absolue ou la rupture totale. Notre choix est la rupture des liens de la dette. De ce point de vue, il n’y a plus de place à la question de la notation. Ceux qui nous opposent cette question se situent, bien au contraire, dans la logique de la soumission à la dette.
Devons-nous craindre la rupture avec la dette ? La campagne de l’annulation de la dette est-elle porteuse de risques financiers pour la Tunisie ? Notre réponse est catégorique : non, la répudiation de la dette va dans le sens des intérêts de la Tunisie. En effet, elle a intérêt à la rupture puisque le solde des transferts nets, au titre de la dette à moyen et à long terme, est négatif. En d’autres termes, la Tunisie, du moins sur les 23 dernières années, a remboursé plus qu’elle n’a reçu au titre de l’endettement extérieur. Elle est fournisseur net de capitaux. En arrêtant les remboursements, c’est vrai que la Tunisie n’aura plus, peut-être, de nouveaux prêts, mais en bout de course elle aura tout de même gagné financièrement, et bien sûr politiquement puisque sa souveraineté en sera renforcée. Alors, de grâce cessons de parler de l’endettement en tant que source de financement.
C’est simple, si on ne paie plus la dette, on n’a plus besoin d’emprunter et on utilise l’argent prévu au budget pour le remboursement de la dette pour augmenter les dépenses sociales et stimuler l’économie. On prélève également des impôts sur les hauts revenus, sur les grandes fortunes et sur les bénéfices des grandes entreprises nationales ou étrangères. Il faut aussi baisser la TVA sur les produits et services de première nécessité, instaurer un contrôle des changes et des mouvements de capitaux pour éviter leur fuite vers l’extérieur. Il y a lieu aussi de combattre durement la grande fraude fiscale.
Enfin, si on répudie la dette et qu’on ne contracte pas de nouveaux emprunts extérieurs on n’a pas à se préoccuper de la dégradation de la cote de la Tunisie par les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
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Tunis, le 07 mars 2011
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