Communiqué de presse

Pour le CADTM, la RD Congo doit suspendre immédiatement le remboursement de la dette pour faire face à la crise économique mondiale

11 janvier 2009 par CADTM




Face à la crise économique mondiale, dont les grands médias analysent
surtout les impacts dans les pays développés, le CADTM veut rappeler que
les dégâts sont très importants au Sud. La baisse drastique du prix des
matières premières, liée à la crise actuelle, affecte directement
l’économie des pays du tiers-monde qui ont été forcés par le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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et la
Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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de se spécialiser dans quelques produits d’exportation
afin de se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
.

Le cas de République démocratique du Congo (RDC) est emblématique. Ses
réserves de change, obtenues grâce aux exportations (coltan, cassitérite,
cobalt, cuivre...), sont passées de 201,7 millions de dollars en novembre
2008 à environ 50 millions de dollars aujourd’hui. Selon le FMI, ces
réserves de change de la RDC risquent même de s’épuiser totalement dans
six mois [1]. Dès lors, le CADTM appelle l’Etat congolais à prendre des
mesures urgentes, comme la suspension unilatérale du remboursement de sa
dette, afin de donner la priorité aux besoins humains fondamentaux de sa
population. Rien ne saurait empêcher l’Etat congolais de s’engager dans
cette voie, seule issue socialement acceptable aujourd’hui.

En effet, malgré les effets d’annonce concernant l’aide au développement
et de supposés effacements de dette, le service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. pour la seule
année 2009 s’élève à 142 millions de dollars, privant ainsi les Congolais
de ressources vitales pour la paix et le développement. Alors que ce pays
regorge de ressources naturelles, le budget 2009 est d’à peine 5 milliards
de dollars [2] pour une population d’environ 60 millions d’habitants, soit
l’équivalent de la France dont le budget est de 383 milliards d’euros
(plus de 500 milliards de dollars). Rajoutons que ce maigre budget de la
RDC ne tient pas compte des effets néfastes de la crise économique
mondiale qui vient de la frapper de plein fouet.

Face à cette crise dont la responsabilité incombe aux fondements mêmes
d’un système capitaliste dérégulé promu avec brutalité par les grands
créanciers, l’Etat congolais doit cesser définitivement de rembourser une
dette odieuse Dette odieuse Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.

Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).

Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.

Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».

Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »

Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
et largement immorale, et cesser également de se soumettre
aux injonctions pernicieuses du FMI et de la Banque mondiale qui ont mené
les pays du Sud dans l’impasse actuelle. En effet, le dogme néolibéral
imposé à l’échelle planétaire depuis plus de 25 ans, et qui a fait la
preuve de son échec en terme de développement humain, est toujours imposé
vigoureusement aux pays en développement fortement endettés :
privatisation des entreprises publiques opérant dans les secteurs
stratégiques comme l’accès aux ressources naturelles, licenciements
massifs dans la fonction publique, réduction drastique des dépenses
sociales, ouverture totale des marchés par la suppression des barrières
douanières, interdiction de contrôler les mouvements de capitaux…

Le CADTM tient à rappeler qu’une telle suspension du remboursement de la
dette est parfaitement légale. En effet, les pouvoirs publics disposent de
nombreux arguments juridiques comme l’état de nécessité ou la force
majeure [3] pour refuser de rembourser une dette qui viole les droits humains
fondamentaux, tels que les droits à l’alimentation, à l’eau potable, à la
santé ou encore à l’éducation. Rappelons que la dette congolaise est en
grande partie odieuse [4]
puisqu’elle est issue de la dictature de Mobutu
avec la complicité des puissances occidentales. Dans ces conditions, son
annulation pure et simple est une exigence minimale.

Le CADTM demande donc aux pouvoirs publics congolais de :
suspendre immédiatement le paiement du service de la dette pour 2009 et
réaliser un audit pour identifier toutes les dettes illégitimes afin de
les déclarer nulles, reprendre le contrôle de ses ressources naturelles à l’instar de certains
pays d’Amérique latine (Bolivie, Venezuela et Equateur [5]) pour qu’elles
profitent enfin au peuple congolais,
rejeter les politiques imposées par le FMI et la Banque mondiale comme le
nouvel accord triennal au titre de la Facilité pour la réduction de la
pauvreté et pour la croissance du FMI [6].

Contacts :

Damien Millet, porte-parole du CADTM France, france AT cadtm.org , 00 33 6 60
54 27 13

Juan Tortosa, porte-parole du CADTM Suisse, suisse AT cadtm.org , 00 41 22
733 40 83

Renaud Vivien, juriste au CADTM Belgique, renaud AT cadtm.org, 00 32 497 04
79 99


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