Réduction de la dette et justice sociale ne sont pas incompatibles

Article publié dans un numéro spécial sur la dette de Bruxelles Laïque

22 août 2014 par Olivier Bonfond


La répétition est mère de la sagesse : les Belges n’ont pas vécu au dessus de leurs moyens [1].

Selon le discours dominant, les pouvoirs publics auraient dépensé sans compter et les Belges auraient profité de manière inconsidérée des soins de santé, des pensions et d’autres avantages sociaux. Cette affirmation, que l’on entend dans presque tous les pays de l’Union européenne, est fausse : les dépenses publiques belges sont restées stables au cours des trente dernières années (autour de 43% du PIB). L’explosion récente de la dette a été avant tout provoquée par cinq facteurs.



1. des sauvetages bancaires très couteux et réalisés sans la moindre contrepartie ;
2. des politiques fiscales qui ont essentiellement profité aux catégories les plus aisées ;
3. une politique de financement de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
qui a profité aux banques privées (cf. point suivant) ;
4. la crise économique qui a provoqué une augmentation des dépenses sociales et donc des déficits publics ;
5. des politiques d’austérité qui n’ont fait qu’aggraver les choses en provoquant un ralentissement de l’activité économique.

Sans l’article 123 du Traité de Lisbonne, il n’y aurait pas de problème de dette en Belgique !

Depuis la signature du Traité de Maastricht de 1992, les États n’ont plus la possibilité d’emprunter à leur banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. ou à la Banque centrale européenne BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
(BCE). Pour financer leurs déficits, ils doivent donc emprunter aux marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
, c’est-à-dire aux grandes banques privées. Cette interdiction d’emprunter directement à la BCE, confirmée par l’article 123 du Traité de Lisbonne, a entraîné un surcoût financier énorme pour les finances publiques.

« Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États-membres, ci-après dénommées “banques centrales nationales”, d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États-membres. L’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. » Article 123§1 du Traité de Lisbonne.

Le graphique suivant montre comment la dette publique aurait évolué depuis 1992 si on avait emprunté exactement les mêmes montants mais d’une manière différente. La courbe du haut montre l’évolution de la dette telle qu’elle s’est produite, c’est-à-dire en passant par les marchés financiers. La courbe du bas montre comment la dette aurait évolué si, tout autre chose restant égale, l’État belge avait financé ses déficits en empruntant à la Banque nationale de Belgique (BNB) à du 0%. Si tel était le cas, la dette publique belge s’élèverait aujourd’hui à moins de 20% du PIB PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
 ! Prenons un autre exemple plus « modéré » : si l’État belge avait emprunté à la Banque nationale (ou la BCE) à un taux correspondant à l’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. (3e ligne en partant du bas), la dette publique belge s’élèverait aujourd’hui à 50% du PIB et on aurait économisé 186 milliards d’euros sur une période de vingt ans. L’article 104 du Traité de Maastricht, remplacé par l’article 123 du Traité de Lisbonne (décembre 2007), a donc joué un rôle clé dans l’évolution de la dette ces vingt dernières années. Et une grande partie de cette dette s’est constituée via un mécanisme qui a servi directement les intérêts des institutions financières privées. Voilà une illustration très concrète de ce qu’on appelle le « coût du capital ».

La BCE doit pouvoir prêter directement aux États !

Il est absurde que les États doivent emprunter aux banques privées à des taux de 2,5% voire plus, alors que ces mêmes banques peuvent emprunter à la BCE à du 0,25%. La BCE doit pouvoir prêter directement aux États

Afin d’empêcher que les États s’endettent de manière inconsidérée et que la BCE ne se transforme en un puits sans fond, il peut s’avérer nécessaire de déterminer des critères fixant les conditions dans lesquelles les États peuvent emprunter à ce taux « minimum ». Si ces critères ne sont pas respectés, le taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
pourrait augmenter. Parallèlement aux critères économiques traditionnels tels que le ratio dette/PIB, le déficit public ou encore l’inflation, d’autres dimensions devraient être également prises en compte pour fixer le taux d’intérêt, tels que le respect des droits sociaux dont le droit du travail, le respect des obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
européennes en matière de développement des énergies renouvelables et de réduction de CO2, la lutte contre les inégalités et la corruption, la régulation du secteur financier.

Tous ces critères sont quantifiables et font déjà l’objet d’analyses comparatives approfondies au sein des pays de l’UE via des institutions telles que l’OCDE OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques
Créée en 1960 et basée au Château de la Muette à Paris, l’OCDE regroupait en 2002 les quinze membres de l’Union européenne auxquels s’ajoutent la Suisse, la Norvège, l’Islande ; en Amérique du Nord, les USA et le Canada ; en Asie-Pacifique, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande. La Turquie est le seul PED à en faire partie depuis le début pour des raisons géostratégiques. Entre 1994 et 1996, deux autres pays du Tiers Monde ont fait leur entrée dans l’OCDE : le Mexique qui forme l’ALENA avec ses deux voisins du Nord ; la Corée du Sud. Depuis 1995 et 2000, se sont ajoutés quatre pays de l’ancien bloc soviétique : la République tchèque, la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie. Puis d’autres adhésions se sont produites : en 2010, le Chili, l’Estonie, Israël et la Slovénie, en 2016 la Lettonie, en 2018 la Lituanie et, en 2020, la Colombie est devenue le trente-septième membre.

Site : www.oecd.org
ou l’OIT OIT
Organisation internationale du travail
Créée en 1919 par le traité de Versailles, l’Organisation internationale du travail (OIT, siège à Genève) est devenue, en 1946, la première institution spécialisée des Nations unies. L’OIT réunit les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, dans le but de recommander des normes internationales minimales et de rédiger des conventions internationales touchant le domaine du travail. L’OIT comprend une conférence générale annuelle, un conseil d’administration composé de 56 membres (28 représentants des gouvernements, 14 des employeurs et 14 des travailleurs) et le Bureau international du travail (BIT) qui assure le secrétariat de la conférence et du conseil. Le pouvoir du BIT (Bureau International du Travail) est très limité : il consiste à publier un rapport annuel et regroupe surtout des économistes et des statisticiens. Leurs rapports défendent depuis quelques années l’idée que le chômage provient d’un manque de croissance (de 5% dans les années 60 a 2% aujourd’hui), lui-même suscité par une baisse de la demande. Son remède est celui d’un consensus mondial sur un modèle vertueux de croissance économique, ainsi que sur des réflexions stratégiques au niveau national (du type hollandais par exemple). L’OIT affirme qu’il est naïf d’expliquer le chômage par le manque de flexibilité et que les changements technologiques n’impliquent pas une adaptation automatiquement par le bas en matière de salaires et de protection sociale.
. Leur prise en compte ne poserait donc pas de problème.

Dans la situation actuelle, il est fort peu probable que tous les gouvernements puissent arriver à un tel accord, car il faut l’unanimité pour changer un article du Traité, et le gouvernement allemand s’oppose farouchement à une telle politique, en arguant du fait que cette politique, consistant à « faire tourner la planche à billets », créerait une inflation galopante. Cette critique n’est pas totalement infondée. Cependant, comme dit précédemment, rien n’empêche de fixer des critères qui limitent les niveaux de création monétaire. Dans tous les cas, c’était et cela reste un non-sens d’éviter le risque d’inflation en donnant tout le contrôle de la politique monétaire à la finance privée, c’est-à-dire à un secteur ayant pour objectif prioritaire le profit maximum à court terme. Par ailleurs, en prêtant plus de 1 000 milliards d’euros à très bas taux aux banques entre décembre 2011 et février 2012, qu’a fait la BCE si ce n’est faire tourner la planche à billets, mais au profit des banques privées et non des peuples ?

La modification du Traité pour permettre à la BCE de prêter directement aux États est une revendication urgente et parfaitement justifiée. Par ailleurs, il est nécessaire de réformer complètement les statuts de la BCE. Plutôt que d’avoir pour unique objectif de combattre l’inflation, il faut que cette institution puisse financer directement des États soucieux d’atteindre des objectifs sociaux et environnementaux qui intègrent les besoins et les droits fondamentaux des populations.

Le programme de stabilité 2014-2017 : attention danger !

Dans le cadre du TSCG TSCG Le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (ou « Pacte Budgétaire » européen) est un traité qui impose une discipline budgétaire toute particulière aux États membres de l’Union européenne qui l’ont signé (à l’exception de la Croatie, la République tchèque et le Royaume-Uni) et qui est entré en vigueur pour les pays qui l’avaient déjà ratifié au 01 janvier 2013.
Son article 3 concerne la fameuse « règle d’or » - que les États doivent introduire de manière contraignante et permanente dans leurs droits nationaux - imposant un déficit structurel de 0,5% (et non plus de 3%). De même, le pacte autorise un endettement public de maximum 60% du PIB qui doit être réduit d’1/20e par an le cas échéant.
Enfin, l’assistance financière prévue par le Mécanisme européen de stabilité (le MES) est conditionnée à la ratification de ce TSCG (rebaptisé « Tous Saignés Comme des Grecs » ou encore Traité de l’austérité).
(Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance), la Belgique est soumise à une série d’obligations qui peuvent se résumer de la manière suivante :

1) Améliorer le solde structurel de minimum 0,5% par an.
2) Limiter le déficit structurel à maximum 0,5% du PIB.
3) Réaliser le MTO [2], qui correspond pour la Belgique à un surplus budgétaire structurel de 0,75%, le plus rapidement possible.
4) Réduire son ratio Dette/PIB de 100% à 60% en 20 ans.

Dans ce cadre, le gouvernement a remis le 30 avril 2014 à la Commission européenne un programme de stabilité triennal (2014-2017) qui explique comment elle compte s’y prendre pour respecter ses obligations. Ce programme se base sur plusieurs autres documents de référence, en particulier deux rapports : l’avis du Conseil supérieur des Finances - Section Besoins de financement sur la trajectoire budgétaire (mars 2014) et les prévisions du Bureau fédéral du Plan pour 2014-2019 (mars 2014).

Quelles sont les prévisions économiques du Bureau fédéral du Plan (BFP) ?

Prévisions BFP2013201420152016201720182019
Croissance réelle PIB 0,2 1,4 1,8 1,7 1,7 1,6 1,4
Inflation 1,2 0,9 1,3 1,5 1,6 1,6 1,7
Solde budgétaire nominal -2,6 -2,7 -2,9 -2,8 -2,8 -2,5 -2,4
Évolution du ratio dette/PIB 99,7 100,1 99,8 99,5 99,1 98,7 98,2

Selon le BFP, à législation et politique inchangées, il ressort donc que le solde budgétaire nominal va se dégrader jusqu’en 2015 puis rester très proche de 3% en 2016 et 2017. Le niveau d’endettement de la Belgique va également rester très proche des 100%. Rajoutons que cette trajectoire ne se concrétisera que dans la mesure où deux hypothèses du BFP se confirment : le retour de la croissance économique et le maintien des taux d’intérêts bas. Dans tous les cas, cette trajectoire est donc très éloignée des engagements pris au niveau européen. La Belgique est donc dans l’obligation de proposer une autre trajectoire qui respecte ses obligations.

Une trajectoire qui sera impossible à atteindre

Le tableau suivant montre, d’une part, la façon dont vont évoluer les soldes budgétaires à politique inchangée (prévisions BFP) et, d’autre part, l’évolution des soldes budgétaires que la Belgique s’engage à suivre pour respecter les obligations du TSCG (Programme stabilité).

2013201420152016201720182019
Solde nominal prévisions BFP -2,6 -2,7 -2,9 -2,8 -2,8 -2,5 -2,4
Solde nominal Programme stabilité -2,6 -2,1 -1,4 -0,40 0,60 0,75 0,75

On le voit bien, les « efforts » budgétaires à fournir sont gigantesques. Par exemple, cette trajectoire prévoit d’arriver à un solde budgétaire nominal positif de 0,6% en 2017. En pleine période de crise et d’instabilité économique, le gouvernement belge se fixe donc un objectif qui n’a jamais été atteint depuis 1970 !

Selon le Conseil supérieur des finances (CSF), cela représente un effort budgétaire cumulé pour la période 2014-2017 de 3,5% du PIB, soit un peu plus de 13 milliards d’euros. En termes de solde primaire1, les objectifs paraissent également totalement irréalistes. Alors qu’il n’a plus réalisé de surplus primaire depuis 2008 (sauf en 2013 avec un surplus primaire de 1,9 milliards d’euros), le gouvernement belge s’engage à dégager des surplus primaires de 6 milliards en 2015, 10 milliards en 2016 et 15 milliards à partir de 2017 !

Une telle orientation n’est pas neutre socialement : une partie croissante de la richesse produite par les travailleurs de Belgique, plutôt que de revenir aux citoyens sous forme de prestations sociales des services publics, ira directement dans la poche des créanciers de la dette belge.

En plus d’être socialement injuste, il est probable que cette trajectoire budgétaire ne puisse être respectée. Premièrement, parce que ces engagements se basent sur deux postulats incertains : un retour à la croissance et des taux qui restent bas [3] ; deuxièmement, parce que le gouvernement oublie que l’austérité a des impacts sur l’activité économique, l’emploi et les déficits publics. C’est une erreur majeure, car tous les pays européens qui ont coupé dans les dépenses publiques ces dernières années ont vu leur déficit et leur dette augmenter. Le cercle vicieux de la dette et de l’austérité n’a donc pas fini de faire des dégâts.

La solution ? Écouter les propositions de la plateforme ACiDe et rejoindre sa dynamique.

À l’instar de ce qui se fait en Europe depuis quelques années, une série d’organisations et de citoyens se sont réunis en Belgique en février 2013 pour constituer un collectif d’audit citoyen de la dette (ACiDe : www.auditcitoyen.be). Les deux objectifs prioritaires de ce collectif sont d’une part, de mener un travail de sensibilisation et de mobilisation en Belgique et, d’autre part, de réaliser un audit de la dette pour identifier les dettes qu’il ne faut pas payer. Un an plus tard, cette plateforme s’est développée et compte maintenant une trentaine d’organisations, des milliers de citoyens et dix comités locaux répartis sur le territoire de la fédération Wallonie-Bruxelles. Bien que le travail d’audit citoyen soit loin d’être terminé, les membres de la plateforme ont pu déterminer collectivement des propositions concrètes pour s’attaquer au problème de la dette autrement que par l’austérité, qui ne mène nulle part sauf à la catastrophe sociale. Parmi ces propositions, regroupées dans un mémorandum (mai 2014), citons :

1. Auditer la dette pour déterminer la part qu’il ne faut pas rembourser. Une enquête approfondie, transparente et démocratique, doit permettre de faire la lumière sur les véritables raisons de l’endettement de la Belgique et de distinguer la part que la population doit réellement rembourser.
2. Imposer aux créanciers une restructuration importante de la dette, se concrétisant par un allongement de la durée de paiement, une diminution des taux d’intérêt et une annulation d’une partie du stock de la dette Stock de la dette Montant total des dettes. .
3. Alléger la dette via une réforme de la Banque centrale européenne (BCE) : si la Belgique pouvait refinancer sa dette à la BCE à un taux de 0,5% elle pourrait économiser 10 milliards d’euros par an, soit environ 60 milliards d’ici 2020.
4. Diminuer la dette en faisant contribuer les détenteurs de capitaux. C’est aux responsables et non aux victimes d’en payer le coût. Des mesures fortes, permanentes ou exceptionnelles, pourraient en partie servir à alléger le poids de la dette : une lutte active contre la grande fraude fiscale, un impôt exceptionnel sur les grosses fortunes, une taxe sur les transactions financières au niveau européen, etc.

Le mémorandum conclut : « Convaincus que l’austérité n’est pas une fatalité et qu’une autre Belgique et une autre Europe sont possibles, conscients de la nécessité d’inventer et d’instaurer une véritable démocratie libérée des puissances du capital et de toutes les formes d’oppression, confiants dans la capacité des citoyens et des citoyennes à délibérer ensemble de leur avenir, nous appelons toutes les forces progressistes à soutenir ces revendications et à nous rejoindre dans la dynamique d’audit citoyen. » L’auteur ne peut que soutenir cet appel.


Source : http://www.bxllaique.be/index5.php?m1=0&m2=5&id=44&ble=53

Olivier Bonfond : Économiste, conseiller au CEPAG, membre du CADTM et auteur du livre Et si on arrêtait de payer ? 10 questions/réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité, Aden, juin 2012

Notes

[1Pour plus d’infos, lire Olivier Bonfond, « Non, les Belges n’ont pas vécu au dessus de leurs moyens », Le Soir, 24 septembre 2012

[2À côté des obligations budgétaires comprises dans le TSCG, en particulier la règle d’or budgétaire (article 3 du TSCG), obligeant les États à ne pas dépasser un déficit structurel de 0,5% du PIB, chaque État détermine avec la Commission européenne un objectif à atteindre à moyen terme afin de réduire le niveau d’endettement. Pour la Belgique, le MTO (Medium-Term Objectif) correspond à un surplus budgétaire structurel de 0,75% du PIB.

[3BONFOND Olivier, « Ceci n’est pas une reprise », 4 novembre 2013

Olivier Bonfond

est économiste et conseiller au CEPAG (Centre d’Éducation populaire André Genot). Militant altermondialiste, membre du CADTM, de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Belgique (ACiDe) et de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015.
Il est l’auteur du livre Et si on arrêtait de payer ? 10 questions / réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité (Aden, 2012) et Il faut tuer TINA. 200 propositions pour rompre avec le fatalisme et changer le monde (Le Cerisier, fev 2017).

Il est également coordinateur du site Bonnes nouvelles

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