10 juin 2019 par Chiara Filoni , Giulia Heredia
CC - Jeanne Menjoulet
Nous publions ici le résumé d’une étude plus importante en langue italienne qui analyse les opérations de sauvetage public (et non) des banques italiennes de 2009 à aujourd’hui. A la fin de l’étude vous trouverez un solde des sauvetages public à fin mai 2019.
Avant-propos
Les banques sont à l’origine de la crise financière de 2007-2008, qui encore aujourd’hui, génère des effets néfastes pour les populations européennes. Pour cette raison, il nous paraît fondamental d’aborder les questions de l’origine et de la formation de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique italienne sous cet angle d’analyse afin de mesurer précisément les responsabilités des institutions bancaires dans la crise actuelle.
Contrairement à ce que les médias dominants et les partis au pouvoir avancent, les dépenses publiques restées largement stables dans toute l’Europe, n’ont pas été la principale cause de l’augmentation de la dette publique européenne (comme ailleurs). Dans plusieurs pays, la dette publique représentait, avant l’éclatement de la crise, moins d’un sixième de la dette totale et moins d’un cinquième de la dette privée. Depuis 2007, l’augmentation de la dette publique est stupéfiante, en raison de la crise économique et financière, et du sauvetage des banques par les pouvoirs publics [1].
Cet article a pour ambition de retracer les différentes interventions publiques italiennes effectuées en faveur des banques, depuis la période post 2007-2008 jusqu’à nos jours.
Le problème n’est pas tant le fait d’avoir libéré de l’argent public pour prêter aux banques privées, mais d’avoir débloqué des fonds publics d’urgence au moment où trouver des fonds pour les dépenses sociales et les investissements publics est mission impossible. Soulignons au passage que ces prêts n’ont été conditionnés en aucune façon à un comportement plus éthique de la part des banques. Nous tenons à souligner cela, puisque l’actuelle crise financière est principalement due aux banques et l’on observe que les pouvoirs publics semblent tout faire pour les satisfaire. Non seulement les logiques de maximisation court-termiste et du profit à tout prix ne sont pas remises en question ; mais c’est aux citoyen.ne.s qu’il revient de régler la facture de cette crise via les mesures d’austérité.
Autrement dit, les problématiques de la privatisation des profits et de la socialisation des pertes n’ont pas encore été explicitées. Le prochain paragraphe sera consacré aux processus des privatisations en Italie commencés dans les années 1990, avec un focus particulier sur le secteur bancaire. On verra que les décisions prises pendant cette période auront beaucoup de répercussions pour les années suivantes.
Les réformes bancaires
Le système bancaire italien a connu de profonds changements depuis les années 1990. Les lois Amato I, Dini et Ciampi et les directives de l’Union européenne vont dans le sens d’une privatisation et d’une libéralisation des établissements publics de crédit, en premier lieu Monte dei Paschi, San Paolo, Cariplo et la Banque d’Italie elle-même.
En 1985, la législation italienne consacre le caractère entrepreneurial de l’activité bancaire avec la transposition de la première directive européenne sur la coordination bancaire (décret présidentiel n° 350 du 27 juin 1985).
À partir de ce moment, les banques ne doivent plus seulement se contenter de collecter l’épargne et exercer le crédit dans l’intérêt public, mais peuvent se détourner de leurs fonctions premières pour exercer d’autres types d’activités financières, avec leurs propres règles.
En 1990, avec la loi Amato, la distinction entre banques commerciales
Banques commerciales
Banque commerciale
Banque commerciale ou banque de dépôt : Établissement de crédit effectuant des opérations de banque avec les particuliers, les entreprises et les collectivités publiques consistant à collecter des fonds pour les redistribuer sous forme de crédit ou pour effectuer à titre accessoire des opérations de placements. Les dépôts du public bénéficient d’une garantie de l’État. Une banque de dépôt (ou banque commerciale) se distingue d’une banque d’affaires qui fait essentiellement des opérations de marché. Pendant plusieurs décennies, suite au Glass Steagall Act adopté pendant l’administration Roosevelt et aux mesures équivalentes prises en Europe, il était interdit aux banques commerciales d’émettre des titres, des actions et tout autre instrument financier.
et banques d’investissement
Banques d’investissement
Banque d’investissement
Société financière dont l’activité consiste à effectuer trois types d’opérations : du conseil (notamment en fusion-acquisition), de la gestion de haut de bilan pour le compte d’entreprises (augmentations de capital, introductions en bourse, émissions d’emprunts obligataires) et des placements sur les marchés avec des prises de risque souvent excessives et mal contrôlées. Une banque d’affaires ne collecte pas de fonds auprès du public, mais se finance en empruntant aux banques ou sur les marchés financiers.
(introduite à l’époque fasciste !) est supprimée et les banques publiques se transforment en sociétés anonymes. Conformément à la réglementation internationale et en particulier avec la réglementation de Bâle I de 1990 qui rend les banques plus compétitives sur les marchés nationaux et internationaux.
Avant la réforme, L’État gérait 80 % des banques en Italie : la loi Amato a introduit la possibilité pour les banques d’opérer simultanément en tant que banque commerciale et banque d’investissement.
Par conséquent, les banques sont divisées en :
L’objectif de la réforme est de réduire le contrôle de l’État dans le secteur banquier, sans pour autant supprimer les missions sociétales historiquement assignées aux banques publiques, qui pour l’instant sont intégrées à des fondations [2].
La privatisation du secteur se poursuit au fil des ans. La loi Dini de 1994 (loi n° 474 du 30 juillet 1994) supprime l’obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
pour les fondations de détenir plus de 50 % des actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
d’une banque et introduit des incitations fiscales pour la vente des actions à d’autres entités.
Parallèlement, le ministère de l’Économie et des Finances continue à encourager la vente de titres bancaires en exigeant des fondations qu’elles diversifient leurs placements [3]. En 1998, avec la loi Ciampi (loi 23 décembre 1998, n. 461), la liberté des fondations a été encore plus limitée par la réduction des secteurs dans lesquels les banques pouvaient investir leurs bénéfices : dès ce moment seuls certains domaines d’utilité sociale (culture, sport, santé, bénévolat, etc.) pouvaient faire l’objet d’investissements, et la nature juridique privée des fondations a été formellement reconnue.
Cette saison de réforme a été suivie par celle des fusions.
Entre 1997 et 2007, plus de 300 fusions et acquisitions ont eu lieu. Des grands groupes financiers sont créés, de plus en plus spécialisés dans les produits financiers Produits financiers Produits acquis au cours de l’exercice par une entreprise qui se rapportent à des éléments financiers (titres, comptes bancaires, devises, placements). , leur permettant de contrôler des parties toujours plus importantes du marché italien, tout en réduisant le marché des petites et moyennes banques locales, qui seront reléguées aux niveaux des communautés locales.
Le nombre de banques diminue fortement, tandis que le nombre d’agences et la concentration des banques sur le territoire augmente, introduisant une forte concurrence dans le système bancaire italien. En 2017, les groupes bancaires significatifs représentaient 74 % du total des activités des intermédiaires italiens.
La crise aujourd’hui et les premiers sauvetages
La crise financière qui a débuté en 2007-2008 est principalement une crise du secteur des banques, de l’assurance et du crédit. L’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis à la suite de la crise des subprimes
Subprimes
Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
a entraîné une réduction significative des liquidités
Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
bancaires et une récession
Récession
Croissance négative de l’activité économique dans un pays ou une branche pendant au moins deux trimestres consécutifs.
générale de l’économie.
De surcroît, la crise des subprimes n’a pas été suffisante pour tirer les leçons et provoquer un changement de cap dans le fonctionnement des banques : au contraire, l’utilisation de produits dérivés
Produits dérivés
Produit dérivé
Famille de produits financiers qui regroupe principalement les options, les futures, les swaps et leurs combinaisons, qui sont tous liés à d’autres actifs (actions, obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices...) dont ils sont par construction inséparables : option sur une action, contrat à terme sur un indice, etc. Leur valeur dépend et dérive de celle de ces autres actifs. Il existe des produits dérivés d’engagement ferme (change à terme, swap de taux ou de change) et des produits dérivés d’engagement conditionnel (options, warrants…).
[4] de tout type a augmenté menant à la nécessité de sauvetages publics pour certaines banques.
Ces renflouements, conjugués à la récession économique, aux taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
élevés et aux politiques budgétaires régressives menées par de nombreux pays européens, ont engendré une augmentation sans précédent de la dette publique, qui ne cesse de croître.
En Italie, la récession a atteint son apogée en 2011, année où, selon les données de l’ISTAT (Institut Nationale de Statistiques en Italie), le pays a enregistré une chute de 10 points de son PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
, de 20 % de la production industrielle et de 25 % des investissements. Le chômage des jeunes se situe à 29,1 %, avec un maximum de 44,6% pour les jeunes femmes vivant dans le sud de l’Italie [5].
À l’époque, l’idée que les banques de notre pays s’en étaient mieux tirées que les autres s’est répandue : la raison n’étant pas tant une capacité spécifique de nos institutions à gérer la crise, mais plutôt le fait qu’elles avaient quelques années de retard sur « l’innovation financière » comparé à leurs consœurs européennes et américaines et n’avaient pas encore intégré les innovations toxiques qui étaient déjà pratiquées ailleurs. Brutalement, les choses ont changé [6].
Dès fin 2009, certaines banques avaient déjà manifesté des problèmes de liquidité. Depuis, de nombreuses interventions publiques pour soutenir et garantir la recapitalisation des institutions de crédit ont eu lieu. Comme cette analyse le montre, même avec l’introduction de la procédure européenne de renflouement interne (bail-in) l’implication de l’État n’a presque jamais fait défaut.
La première demande d’aide publique adressée à l’État émane de la banque Monte dei Paschi di Siena (MPS), en 2009, suite à trois opérations financières désastreuses :« Santorini », « Alexandria » et l’acquisition de la banque Antonveneta. L’opération « Santorini », du nom du dérivé
Dérivés
Dérivé
Dérivé de crédit : Produit financier dont le sous-jacent est une créance* ou un titre représentatif d’une créance (obligation). Le but du dérivé de crédit est de transférer les risques relatifs au crédit, sans transférer l’actif lui-même, dans un but de couverture. Une des formes les plus courantes de dérivé de crédit est le Credit Default Swap.
utilisé, avait permis à Monte dei Paschi de clôturer son bilan en 2002 (ou plutôt de combler son déficit) avec un bénéfice net de 922 millions d’euros. Monte dei Paschi avait vendu 4,99 % de San Paolo IMI (dont elle était propriétaire) à Deutsche Bank à un prix inférieur à 35 % de celui payé par la banque siennoise. Cette cession s’était traduite par une perte nette de 425 millions d’euros.
L’opération « Santorini » avait permis à Deutsche Bank de « retirer » de l’argent de MPS presque gratuitement, Monte dei Paschi opérant en tant qu’assureur : à chaque diminution de la valeur des bonds de Monte dei Paschi, la banque s’était engagée à payer la perte à Deutsche Bank (à un taux d’intérêt proche de zéro).
L’opération similaire, « Alexandria » a eu lieu en 2005. Alexandria était une « Collateralized debt obligation », un produit dérivé très rentable mais extrêmement risqué. Encore une fois, MPS a agit à titre d’assureur. Monte dei Paschi devait prêter 400 millions d’euros à la société Alexandria pendant 7 ans, et recevoir 400 millions d’euros de titres Alexandria comme garantie susceptible de générer des intérêts. Des intérêts à hauteur de 400 millions d’euros à rembourser pour fin 2012, qui n’ont jamais été remboursés. En 2009, après la faillite de Lehman Brothers, toute une série de titres s’étaient effondrés. C’était notamment le cas d’Alexandria, qui avait perdu 30 % de sa valeur, constituant un trou de 220 millions d’euros dans le budget du MPS.
En 2007, Monte dei Paschi achète Banca Antonveneta. Une opération dont le prix avait été annoncé à 9 milliards d’euros mais qui en a coûté le double.
MPS a donc été le premier établissement de crédit à avoir recours à l’aide publique. Avec le soi-disant décret anti-crise (dl.185/2008, converti en Loi 2/2009), le gouvernement Berlusconi inaugure la saison de « Tremonti Bond » (du nom du Ministre des Finances de l’époque Giulio Tremonti). Il s’agissait d’un type d’obligations hybrides subordonnées, émises par Monte dei Paschi et souscrites par le Ministère de l’Économie, dans le but de renforcer le capital de MPS et de certains établissements de crédit, pour un total de 4,05 milliards d’euros.
Le gouvernement en a profité pour recapitaliser d’autres banques. Les fonds ont été répartis comme suit : 1,45 milliard d’euros pour Banco Popolare, 500 millions d’euros pour Banca Popolare di Milano, 200 millions d’euros à Credito Valtellinese et 1,9 milliard d’euros à Monte dei Paschi di Siena [7].
Le 14 mars 2011, Banco Popolare a intégralement remboursé l’emprunt de 1,45 d’euros majorés de 86,44 millions d’euros d’intérêts. En juin 2013, Banca Popolare di Milano rembourse les Tremonti Bond augmentés de 42,5 millions d’euros d’intérêts [8]. En ce qui concerne le remboursement de Credito Valtellinese, un litige est en cours entre la banque et le Ministère de l’Économie et des Finances, la première considérant les intérêts non exigibles sur base d’une interprétation de la réglementation applicable. Le capital, lui, a été remboursé en 2013 [9].
Le remboursement des obligations de MPS n’ayant pas été immédiat, une nouvelle recapitalisation aura été nécessaire afin de pouvoir rembourser le premier prêt. Cela s’est produit en 2012, lorsque le gouvernement technique Monti a accepté de continuer à soutenir la banque en souscrivant de nouveaux instruments financiers
Instruments financiers
Les instruments financiers sont les titres financiers et les contrats financiers.
Les titres financiers sont :
• les titres de capital émis par les sociétés par actions (actions, parts, certificats d’investissement, etc.),
• les titres de créance, à l’exclusion des effets de commerce et des bons de caisse (obligations et titres assimilés),
• les parts ou actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).
Les contrats financiers, également dénommés « instruments financiers à terme », sont les contrats à terme sur taux d’intérêt, les contrats d’échange (swaps), les contrats à terme sur toutes marchandises et denrées, les contrats d’options d’achat ou de vente d’instruments financiers et tous les autres instruments de marché à terme.
pour un montant de 3,9 milliards d’euros (dont 2 milliards seront alloués à la consolidation du capital de la banque et 1,92 milliard au remboursement des obligations Tremonti). Tout cela suivant les lois 135/2012 et 228/2012 qui ont donné le feu vert à l’émission des Monti Bond (du nom du Premier ministre Mario Monti). Le 1er juillet 2014, la banque a remboursé 3 milliards d’euros d’obligations. Le solde est remboursé en 2015, tandis qu’une partie des intérêts est convertie en actions n’ayant pas d’autres options, vu les 5 milliards d’euros de pertes de l’année 2014 [10].
En novembre 2015, quatre banques de petite et moyenne tailles du centre de l’Italie sont également secourues : Banca delle Marche, Banca popolare dell’Etruria e del Lazio, Cassa di Chieti et Cassa di risparmio di Ferrara pour un montant total de 4 milliards d’euros.
L’Italie profite pour appliquer (de manière anticipée) la nouvelle réglementation européenne introduite avec la directive BRRD (Bank Recovery and Resolution Directive) en matière de gestion des crises bancaires.
La directive, entrée en vigueur dès janvier 2016, fixe l’objectif de poser un cadre, afin de limiter les effets des crises bancaires sur les finances publiques. Selon la BRRD, la recapitalisation des banques devrait se faire principalement aux dépens des actionnaires et des détenteurs.euses d’obligations (qui ne subiraient donc en aucun cas des pertes plus importantes que si la banque était liquidée selon les procédures normales) dans l’ordre suivant :
actionnaires ;
détenteurs d’obligations subordonnées ;
les détenteurs d’obligations seniors (détenteurs des obligations les moins risquées) ;
les titulaires d’un compte courant dont les dépôts dépassent 100.000 euros.
Pour le cas des quatre banques italiennes, seuls les actionnaires ont participé au sauvetage ainsi que ceux et celles qui avaient investi dans des obligations subordonnées. En revanche, parmi les 10.500 détenteurs.euses d’obligations subordonnées, beaucoup étaient de petits épargnant.e.s qui avaient été persuadé.e.s par les banques d’échanger leurs dépôts contre des obligations en raison d’une meilleure rentabilité.
Pour le dédommager, un fonds de solidarité a été créé, géré par le Fonds interbancaire de protection des dépôts (selon le règlement européen, il doit atteindre un niveau de 0,8 % des dépôts protégés en 2024), alimenté par les contributions obligatoires des banques, pour garantir une indemnité forfaitaire aux détenteurs-euses d’obligations trompé-e-s. Les conditions d’accès à cette indemnité sont les suivantes : détenir des actifs
Actif
Actifs
En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges ainsi que les dettes).
pour une valeur inférieure à 100.000 euros au 31 décembre 2015 et un montant de revenus total inférieur à 35.000 euros en 2014 [11].
En fait, les ressources disponibles pour ce fonds sont encore limitées. Selon les calculs du même fonds, l’examen complet des 16.000 demandes reçues portera le total des remboursements à 190 millions d’euros, soit 55 % des 340 millions d’euros d’obligations vendues par les quatre banques aux petit.e.s épargnant.e.s : pas encore suffisant pour compenser les pertes des épargnant.e.s floué-e-s [12].
Comme Monte dei Paschi, les quatre banques avaient en commun une gestion « décontractée » du crédit : des prêts accordés de manière non transparente, souvent à des client.e.s non solvables, ou des ami.e.s d’ami.e.s ; des interventions financières trop importantes destinées au secteur immobilier, souvent dans des zones éloignées de celles d’origine des banques. A cela s’ajoute la cécité (ou la complicité ?) des conseils d’administration, des conseils syndicaux, des politiciens, des médias, qui n’ont - comme souvent - rien vu ni entendu.
La crise se creuse...
Les difficultés ne sont pas arrêtées au cas des quatre banques dont on vient de parler. Début 2016, le niveau des crédits non performants (en anglais non-performing loans, NPL) dans le système bancaire italien dépassait 360 milliards d’euros, soit environ 20 % du total des crédits. Cela représente trois fois plus que la moyenne de l’UE.
Pour la plupart des banques analysées, le pourcentage de crédits détériorés a doublé, ou presque triplé pour certains, par rapport à l’année 2014 : Intesa est passée de 10,2 % à 16,5 %, Monte dei Paschi di Siena de 18 % à 34,8 %, Banco Popolare de 11,6 % à 27,9 %, Veneto Banca de 12,2 % à 29 %, UBI de 7,6 % à 17 %, Banco Popolare di Vicenza de 13,7 % à 31,6 %, Carige de 13,2 % à 28,5 % et enfin Unicredit de 10,6 % à 24,9 %.
Au pic de la crise, en particulier, pour MPS, les prêts non performants étaient répartis entre environ 190.000 débiteurs/trices et distribués dans tout le pays : 84 % de ces prêts concernaient principalement des petites et moyennes entreprises ; tandis que seuls 107 individus (représentant 12,7 % du totale des NPL) avaient reçu individuellement des prêts dépassant les 25 millions d’euros. Cela rend compte des répercussions que les pratiques financières font peser sur l’économie en général [13].
En réaction et sous l’impulsion du gouvernement italien, un fonds d’investissement Fonds d’investissement Les fonds d’investissement (private equity) ont pour objectif d’investir dans des sociétés qu’ils ont sélectionnées selon certains critères. Ils sont le plus souvent spécialisés suivant l’objectif de leur intervention : fonds de capital-risque, fonds de capital développement, fonds de LBO (voir infra) qui correspondent à des stades différents de maturité de l’entreprise. « Fondo Atlante » géré par une société privée, la Quaestio Capital Management, a été constitué. L’État italien, à l’instar d’autres États européens adhérant à la nouvelle réglementation bancaire, ne peut désormais plus intervenir formellement par le biais d’un financement public, en cas de crise bancaire [14].
Le Fonds, afin d’aider les banques italiennes en difficulté, poursuit deux objectifs : d’une part, il garantit les recapitalisations nécessaires et, d’autre part, il identifie les crédits détériorés présents dans leurs bilans. Toutes les principales banques italiennes et de nombreuses compagnies d’assurances participent au Fondo Atlante, mais aussi Cassa Depositi e prestiti (CDP), société à 83 % publique à hauteur de 500 millions d’euros, et Poste Vite [15] avec 260 millions d’euros.
Le fonds dispose d’un capital de 4 milliards d’euros, un chiffre insuffisant par rapport aux milliards de crédits non performants présents dans les bilans des banques.
L’écart entre les deux objectifs susmentionnés et les ressources allouées est énorme, d’autant que ces dernières ont été complètement absorbées par la recapitalisation de deux banques en Vénétie et qu’un nouveau « Fondo Atlante 2 » a dû être mis en place à ce propos [16].
En juin 2016, le Fondo Atlante 1 est intervenu en faveur de Banca Veneto et Banca popolare di Vicenza suite à l’échec des opérations de levée de capitaux des deux banques sur les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
. Le fondo Atlante 1 est intervenu la première fois entre mai et juin 2016, en souscrivant une augmentation de capital de 2,5 milliards d’euros et une deuxième fois, à la fin de la même année, avec 938 millions d’euros supplémentaires [17].
Malgré ces deux augmentations de capital, les inspections effectuées par la BCE
BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
et la Banque d’Italie démontrent que les pertes (résultant de la cession de certains NPL) étaient toujours considérables, de même que leur exposition aux risques.
En février 2017, avec le décret-loi n° 237/2016, « Dispositions urgentes pour la protection de l’épargne dans le secteur du crédit », une première part des obligations garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). par l’État a ainsi été émise pour un montant de 8,6 milliards d’euros. Malgré le plan de restructuration privé proposé par les deux banques et les mois de négociations avec le Ministère de Finance, la BCE, la Banque d’Italie et la Commission européenne. La dernière jugeant inapproprié d’autoriser une recapitalisation publique de précaution [18].
Les deux banques ont alors été mises en liquidation judiciaire et démembrées en une maxi bad bank Bad bank Une bad bank est une structure créée pour isoler et recueillir les actifs à haut risque d’une banque en difficulté. , qui a collecté les actifs et passifs toxiques, pour une valeur totale de plus de 20 milliards d’euros de prêts. Cette bad bank contrôlée par des liquidateurs et une partie « saine », a été achetée par la banque Intesa San Paolo pour un euro symbolique. Les prêts toxiques ont ensuite été transférés à une société publique (S.G.A), achetée par l’État pour 600.000 euros, afin de procéder à la liquidation des actifs des deux banques.
La recapitalisation publique s’est produite en juin 2017 (avec le DL 99/2017). L’intervention de l’État dans cette opération s’est concrétisée par un déboursement de 4,8 milliards d’euros.
L’État a accordé également une garantie publique sur les prêts de Banca Intesa de 5,4 milliards d’euros, modulable jusqu’à 6,4 milliards d’euros. À cette garantie une autre a été ajouté (d’une valeur totale de 400 millions €, pouvant être relevée à 6 milliards €) pour tout risque de nature différente (tels les risques liés à un manque d’information sur l’acquisition réalisée) [19]. De plus, selon la Banque d’Italie, le plan d’intégration des banques vénitiennes dans Intesa Sanpaolo prévoit une réduction de 4 000 postes de travail et la fermeture de 600 agences.
Les ressources financières nécessaires pour sauver les deux banques vénitiennes venaient du décret Gentiloni (du nom du premier ministre de l’époque) du 23 décembre 2016 : 20 milliards d’euros dont une partie avait également été utilisée pour la Monte dei Paschi. En fait, en 2016, cette dernière a continué d’être en grande difficulté. Les ressources du Fondo Atlante 1 étaient presque épuisées à cause de l’intervention en faveur des banques vénitiennes. Seul 1,2 milliard d’euros était encore disponible, trop peu pour garantir une augmentation de capital pour d’autres banques.
Selon les résultats des stress-tests de l’Agence bancaire européenne (ABE) avancés en 2016, la banque aurait dû vendre 10 milliards d’euros de prêts non performants et procéder à une augmentation de capital de 5 milliards d’euros pour éviter la faillite [20].
Ainsi, en août 2016, le fonds Atlante 2 (toujours dirigé par Quaestio Capital) a été créé en soutien à MPS, fonds dont la mission - contrairement au fonds Atlante 1 - se limitait aux seuls prêts toxiques et aux opérations liées aux prêts non performants.
Atlante 2 capitalisait environ 2,5 milliards d’euros de dotation : 800 millions en provenance de Atlante 1, 450 millions de SGA, 300 millions d’Intesa Sanpaolo et UniCredit, 500 millions de CDP, 200 millions de Poste Vita (une fois encore des fonds publics ont été dissimulés dans des structures privées !) et les 250 millions d’euros restants venant de Unipol et Mediobanca [21]. Toutes ces contributions se sont avérées insuffisantes pour gérer les 47 milliards d’euros de NPL de la banque [22] ! Sans compter les autres crédits non performants présents dans les bilans des autres banques : fin 2015, sur les 130 milliards de crédits existants un tiers étaient des créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). toxiques !
En décembre 2016, la banque siennoise a annoncé n’avoir levé que 2,44 milliards d’euros auprès des investisseurs : un montant nettement insuffisant par rapport à la recapitalisation demandée par la BCE (soit 5 milliards d’euros) [23].
Contrairement aux cas de Veneto Banca et de Popolare di Vicenza, Monte dei Paschi di Siena est l’une des banques considérées comme « systémiques » ou trop grandes pour faire faillite (« too big to fail »). Par conséquent, les négociations avec l’Union européenne ont été beaucoup plus rapides. Le décret Gentiloni (décret-loi n. 237) a alloué 5,4 milliards d’euros à la seule Monte dei Paschi di Siena, en plus du montant déjà alloué (4,8 milliards) lors des deux sauvetages précédents mentionnés ci-dessus.
Après le sauvetage de 2012 et la conversion des intérêts en actions, l’État avait déjà pris possession de 4 % du contrôle de l’entreprise. Le sauvetage de MPS, en 2016, permettra à l’État italien de contrôler 68 % des actions de MPS et d’en devenir ainsi le premier actionnaire.
Par ailleurs, 80 milliards d’euros de garanties publiques ont aussi été prévues sur les émissions de liquidités de la banque.
Le sauvetage de Monte dei Paschi a également prévu la mise en œuvre d’un plan de restructuration entre 2017 et 2021 pour réduire les pertes et rétablir les bilans dans le positif. On parle du licenciement de 5500 travailleurs.euses et de la fermeture d’environ 600 agences [24].
La situation du système bancaire italien est loin d’être résolue. De nouvelles crises se sont succédé, pour ne citer que la dernière, celle de Carige, impliquée dans un cas de fraude de plusieurs dizaines de millions d’euros et exposée à une montagne de prêts non performants.
Le 7 janvier 2019, le Conseil des ministres vient d’approuver le décret 1/2019 « Mesures urgentes en faveur de Banca Carige S.p.a. » - « Cassa di Risparmio di Genova e Imperia ».
Par ce décret, appelé Salva Carige, le Ministère de l’Économie et des Finances a accordé un prêt de 1,3 milliard d’euros pour 2019 et une garantie d’État de 3 millions d’euros, jusqu’au 30 juin 2019, sur les engagements nouvellement émis. Une fois encore, comme dans les meilleures traditions, 1050 licenciements sont prévus suivant des accords individuels de préretraite ainsi que la fermeture de 100 succursales.
Selon une analyse de Bloomberg basée sur les données du European Banking Authority, les crédits de dettes publiques les plus à risque en Europe - environ 1,5 billion (mille cinq cents milliards) d’euros - est concentré dans les bilans des banques italiennes. L’affaire secoue les autres pays européens, et en particulier la France, dont les banques sont fortement exposées à la dette publique italienne, pour un total de 285,5 milliards d’euros. Pour maintenir une certaine stabilité, les banques italiennes devraient prêter plus de 400 milliards d’euros, ce qui obligerait les banques italiennes à contracter de nouvelles dettes, conformément au cycle sans fin du mécanisme d’endettement.
Le tableau ci-dessous répertorie les différents sauvetages (nous n’avons repris que les sauvetages publics) depuis le début de la crise de 2007-2008 jusqu’à ce jour.
Solde des sauvetages bancaires (en millions d’euros)
Dans cet article résumé d’une étude plus importante en langue italienne nous avons analysé les opérations de sauvetage des banques publiques de 2009 à aujourd’hui. Le tableau ci-dessus montre le calcul du solde relatif aux fonds publics utilisés pour le sauvetage des institutions de crédit. La crise bancaire a coûté aux contribuables italien.ne.s plus de 13,5 milliards d’euros.
Les rentrées sont : les intérêts perçus par l’État italien sur les prêts accordés aux banques, les remboursement de ces prêts et les commissions payées par les banques pour les garanties d’État sur certaines obligations bancaires (qui accompagnent - comme décrit plus haut - la majorité des sauvetages publics). En ce qui concerne cette dernière information, les seules données publiques disponibles sont les données agrégées mises à disposition par le Ministère de l’Économie et des Finances (nous ne connaissons pas les détails des commissions payées par chaque banques) [25]. Cette information est par contre suffisante afin de calculer le solde des sauvetages bancaires.
Nous avons également pris en considération les fonds publics qui seront délivrés à Carige et le fonds d’indemnisation des épargnant.e.s prévu dans la loi budgétaire de 2019. Ces deux montants sont susceptibles de changer, dans ce cas, nous prenons la responsabilité de corriger le chiffre des données (et le montant total).
Conclusions
En situation de crise bancaire, les premiers/ères perdant.e.s, nous l’avons vu, sont les contribuables. Aujourd’hui avec l’introduction de la directive européenne, la situation s’est complexifiée car d’un coté, la BRRD rappelle à l’ordre les premiers responsables de la crise (actionnaires et porteurs d’obligations subordonnées) et de l’autre, ne résout pas le problème à la base ! On peut relever deux problèmes principaux dans la nouvelle réglementation.
Premièrement, elle crée un risque de contagion aux institutions saines qui doivent supporter le fardeau des pertes des autres. Le quotidien italien Il Sole 24 ore, chiffre la contribution du secteur privé à environ 11,5 milliards d’euros au titre du sauvetage d’autres institutions. Deuxièmement, la contribution de l’État reste inéluctable en raison des lacunes de la réglementation européenne : les exceptions à la règle sont tellement nombreuses qu’elles en annulent les effets. Ainsi, les prêteurs bénéficiant d’une garantie publique ou ceux ayant prêté à court terme, n’auraient pas à supporter les pertes dans le contexte d’un bail-in. Même chose pour les détenteurs/rices de contrats dérivés qui représentent pourtant une part significative des bilans des (grandes) banques (ce deuxième élément a joué dans la décision du sauvetage des banques du Veneto et Carige). Sans oublier la protection accordée aux banques systémiques
Banque systémique
Banques systémiques
Les banques systémiques sont les banques aux actifs jugés tellement importants que leur chute aurait des conséquences sur le système financier et économique dans son ensemble, ce sont les banques qui constituent un « risque systémique » (too big to fail, trop grandes pour tomber).
contre le risque de contagion (voir le cas de Monte dei Paschi). Sachant que les grandes banques sont interconnectées (par les contrats de dérivés, les financements et les participations croisés), le danger réside dans le fait que si l’une d’elle se trouve en difficulté, elle risque d’entraîner les autres avec elle. Le problème du « too big to fail » (trop grande pour faire faillite) demeure entier.
Malgré les nombreuses interventions en soutien au système bancaire en crise depuis 2009, aucun gouvernement (en Italie comme en Europe) n’a jamais remis en cause la privatisation du système de crédit et l’activité spéculative des banques tels que décrits dans cet article.
L’entrée de l’État italien dans l’actionnariat de Monte dei Paschi aurait pu servir de prétexte pour imposer un modèle bancaire différent, davantage orienté vers l’intérêt général et la proximité avec les citoyen.ne.s. Cela ne semble pas être la voie que Monte dei Paschi et l’ensemble des banques en général sont en train de suivre.
Au contraire l’actionnariat de l’État dans Monte dei Paschi est perçu comme quelque chose de temporaire et à remplacer le plus vite possible, malgré toutes les conséquences négatives que cela pourrait impliquer en terme de finances publiques et de politique d’austérité.
Dix ans après la crise, l’OCSE a lancé un nouvel avertissement concernant l’augmentation de la dette publique, la lenteur de la croissance économique (qui se poursuit malgré les quantités énormes de liquidités mises sur les marchés financiers par le QE), la forte utilisation des produits dérivés et les instruments spéculatifs. En revanche, la recette utilisée semble toujours la même : pour relancer l’économie, il faut déréglementer toujours plus la finance.
L’histoire de Monte dei Paschi, ainsi que celles des autres banques secourues, montre comment la politique sourde et aveugle qui consiste à poursuivre quel qu’en soit le prix, cette logique capitaliste de profits et de privatisations est une logique erronée qu’il faut abandonner. Malgré cela, au cours des trente dernières années, le leitmotiv « le privé est beau, efficace et compétitif » a prévalu sur toutes les autres logiques, malgré les effets négatifs de ce processus et la réfutabilité de ce principe dans tous les domaines d’application, y compris le secteur bancaire.
Il est temps de mettre en pratique les alternatives proposées par les mouvements sociaux et les secteurs de la gauche : un vrai changement dans ce domaine ne peut se passer d’une réduction radicale de la taille et de l’emprise des banques, d’une séparation entre banques commerciales et banques d’investissement, d’un strict encadrement de la spéculation
Spéculation
Opération consistant à prendre position sur un marché, souvent à contre-courant, dans l’espoir de dégager un profit.
Activité consistant à rechercher des gains sous forme de plus-value en pariant sur la valeur future des biens et des actifs financiers ou monétaires. La spéculation génère un divorce entre la sphère financière et la sphère productive. Les marchés des changes constituent le principal lieu de spéculation.
, des produits dérivés, du trading
Activités de marché
Trading
opération d’achat et de vente de produits financiers (actions, futures, produits dérivés, options, warrants, etc.) réalisée dans l’espoir d’en tirer un profit à court terme
haute fréquence, du shadow banking
Shadow banking
La banque de l’ombre ou la banque parallèle : Les activités financières du shadow banking sont principalement réalisées pour le compte des grandes banques par des sociétés financières créées par elles. Ces sociétés financières (SPV, money market funds…) ne reçoivent pas de dépôts ce qui leur permet de ne pas être soumises à la réglementation et à la régulation bancaires. Elles sont donc utilisées par les grandes banques afin d’échapper aux réglementations nationales ou internationales, notamment à celles du comité de Bâle sur les fonds propres et les ratios prudentiels. Le shadow banking est le complément ou le corollaire de la banque universelle.
, du secret bancaire, des transactions vers les paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
: ces pratiques toxiques à l’origine de la crise des banques en Italie (comme ailleurs) [26].
Il est urgent de proposer des alternatives radicales qui puissent refonder les bases du fonctionnement de ce secteur, en exigeant une véritable réglementation bancaire, le financement de la dette publique par une nouvelle banque centrale Banque centrale La banque centrale d’un pays gère la politique monétaire et détient le monopole de l’émission de la monnaie nationale. C’est auprès d’elle que les banques commerciales sont contraintes de s’approvisionner en monnaie, selon un prix d’approvisionnement déterminé par les taux directeurs de la banque centrale. (à taux d’intérêt zéro par exemple) et la socialisation des banques qui permettrait le contrôle des travailleurs.euses, des syndicats, des client.e.s, des associations de secteur dans la gestion des banques.
L’auteure remercie Julien Vanhove pour sa relecture.
[1] Toussaint E., Bancocratie, éditions Ades, 2014
[2] http://www.circolorefricerche.it/it/le-analisi/2013/02/cosa-abbiamo-imparato-da-siena/le-fondazioni-di-origine-bancaria-e-ventanni-di-riforme-al-sistema-bancario-italiano/
[3] Ibidem 2
[4] Les produits dérivés font partie de la famille des produits financiers regroupant principalement les options, futures, swaps et leurs combinaisons, tous liés à d’autres actifs (actions, obligations, matières premières, taux d’intérêt, indices...dont ils sont indissociables : options sur une action, futures sur un indice, etc. Leur valeur dépend de la valeur des autres actifs.)
[8] http://www.gruppobpm.it/it-ist/investorrelations/bilanci/2010/Bilancio_consolidato_2010/allegato1/2010_bilancio_consolidato.pdf
[9] http://www.gruppocreval.com/cartellaPDF/parsedPDF/2018/01_Relazione-finanziaria-annuale-2017.pdf
[10] https://www.repubblica.it/economia/finanza/2015/06/15/news/mps_restituisce_gli_ultimi_monti_bond-116931777/
[12] https://www.ilsole24ore.com/art/finanza-e-mercati/2018-05-25/crack-bancari-risparmiatori-traditi-mancano-300-milioni-214423.shtml?uuid=AEfYNyuE%20c
[15] Cassa Depositi e Prestiti (CDP) assume historiquement le rôle de collecteur de l’épargne postale et de prêteur des municipalités. Elle est contrôlée à 82,77 % par le Ministère de l’Économie et des Finances, à 15,93 % par des fondations bancaires et à 1,30% par des actions propres. Poste Vita est détenue à 29,2 % par le Ministère de l’Économie et des Finances, 35 % par la CDP et le reste par des actionnaires « flottants » (partie normalement assumée par le marché)
[21] https://www.ilsole24ore.com/art/finanza-e-mercati/2016-11-19/atlante-2-vara-comitato-investitori-100351.shtml
[25] MEF, Rendiconto del bilancio statale, mai 2018, pag. 464 (voce 3330- 02) disponible sur : http://www.rgs.mef.gov.it/_Documenti/VERSIONE-I/attivita_istituzionali/formazione_e_gestione_del_bilancio/rendiconto/conto_del_bilancio_e_conto_del_patrimonio/conto_del_bilancio/2017/conti_consuntivi_piani_gestionali/01_entrata_-_Conto_consuntivo_per_capitoli_e_articoli_2017.pdf
[26] Pour une explication complète de ces propositions voir : http://www.cadtm.org/Que-faire-des-banques-16749
8 mars 2021, par Ecologistas en acción , Chiara Filoni , Blanca Bayas , Camille Bruneau , Nicola Scherer
30 septembre 2020, par Jérémie Cravatte , Chiara Filoni , Anouk Renaud , Noëmie Cravatte , Camille Bruneau , Mats Lucia Bayer
29 juin 2020, par Renaud Vivien , Chiara Filoni , Antonio Gambini , Els Hertogen , Aurore Guieu
29 janvier 2020, par Chiara Filoni
2 janvier 2020, par Chiara Filoni
9 décembre 2019, par Chiara Filoni
15 novembre 2019, par Chiara Filoni , Eva Betavatzi , Mats Lucia Bayer
9 octobre 2019, par Chiara Filoni
23 septembre 2019, par Camille Chalmers , Sushovan Dhar , Yvonne Ngoyi , Omar Aziki , Chiara Filoni , Robin Delobel , Anouk Renaud , Aline Fares , Chloé Despax , Radio Panik
12 juillet 2019, par Chiara Filoni
8 avril 2019, par Chiara Filoni , Giulia Heredia
6 mars 2019, par Giulia Heredia