Baisse des salaires, augmentation des inégalités, explosion du chômage et mise en concurrence des personnes accrue, dégradation des conditions de travail, exploitation facilitée des écosystèmes et des territoires, destruction ou privatisation des services publics. Voici ce qui caractérise aujourd’hui aussi bien les effets de l’ALENA [1] sur les États-Unis que les effets des politiques de la Troïka sur la Grèce .
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Cela n’empêche pas le gouvernement Michel de vouloir nous servir ces deux ingrédients pour sortir la Belgique de la crise : austérité et libre-échange. Dans le sillon tracé par son prédécesseur Di Rupo, le gouvernement tente de nous convaincre que le libre-échange, ainsi que la dite « rigueur budgétaire », amélioreront la compétitivité du pays et donc l’emploi.
Partout, l’expérience nous montre que cette double recette est un échec. Mais si le gouvernement nous la sert, ce n’est pas pour sortir de la crise capitaliste, sinon pour satisfaire les intérêts des plus riches.
Toutes les contre-réformes sociales (recul de l’âge légal de départ à la retraite, saut d’index et gel des salaires, attaques sur le chômage, nouvelles exonérations de cotisations sociales, réduction du budget des soins de santé,...) prévues par le gouvernement et plus qu’encouragées par la Commission européenne ne diminueront en rien le poids de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique. Au contraire, les politiques d’austérité, en plus d’être injustes, sont inefficaces et même contre-productives en matière de réduction de la dette publique. Une dette qui engloutit chaque année 20% du budget et qui soit-dit en passant, provient avant tout des sauvetages bancaires et des cadeaux fiscaux faits aux plus riches.
L’histoire, les chiffres, les faits parlent d’eux-mêmes. L’ALENA a détruit près d’un million d’emplois aux États-Unis et a fait croître les inégalités de revenus. En Grèce, c’est 778 000 emplois de perdus entre 2010 et 2013, soit un taux de chômage actuellement de 30% et une diminution du salaire minimum dans le secteur privé de 22 % après les mémorandums de la Troïka. La dette grecque est, quant à elle, passée de 129 % du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
en 2009 à 179 % en 2014. Le Maroc qui a signé depuis 1996 des accords de libre-échange avec 56 pays a vu son déficit commercial se dégrader atteignant 24 % de son PIB et son emploi industriel se déliter avec 25 000 d’emplois détruits par an de 2009 à 2012. Au niveau de l’Union européenne, où les cures d’austérités s’accélèrent depuis la crise, le taux de chômage a doublé depuis 2008 (il est passé, en moyenne, de 6 % à 12 % et 25 % pour les moins de 25 ans).
Et tout cela sans compter que les traités de libre-échange vont accélérer la destruction de l’agriculture paysanne, le démantèlement des normes sanitaires protégeant la santé des consommateurs, la démolition du droit du travail. Ils confirment également le déni de démocratie propre au fonctionnement de l’UE en tenant les négociations à huis clos, en ne consultant que le secteur privé et surtout en octroyant aux multinationales le pouvoir légal de remettre en question les choix de société.
Derrière leurs desseins de croissance, de compétitivité, d’emplois, se cache une offensive néolibérale sans précédent. Car l’austérité et le libre-échange permettent avant tout la satisfaction des intérêts des créanciers et des multinationales, les 1 % les plus riches, au détriment des droits fondamentaux, des choix démocratiques et des conquêtes sociales des 99 %.
Libéraliser encore plus l’économie et démanteler les États sociaux voici ce qui a été imposé hier aux peuples du Sud et l’est aujourd’hui en Europe, toujours au prétexte de rembourser des dettes illégitimes, odieuses et/ou illégales.
Libéraliser encore plus l’économie et démanteler les États sociaux voici ce qui a été imposé hier aux peuples du Sud et l’est aujourd’hui en Europe, toujours au prétexte de rembourser des dettes illégitimes, odieuses et/ou illégales.
L’austérité et le libre-échange sont bien les deux armes de cette même offensive néolibérale. Deux armes qui servent les mêmes intérêts, le même projet politique. Deux armes qui génèrent les mêmes maux et entament une destruction sociale et environnementale à grande échelle. Mais aussi deux armes qui se nourrissent et se renforcent mutuellement.
L’exemple de l’austérité et du TTIP en Belgique
Les accords de libre-échange négociés au niveau de l’UE (le TTIP et le CETA [2]) prévoient une clause de mécanisme de règlement des différends qui permettra à un investisseur d’attaquer en justice (devant une cour arbitrale) une autorité publique, du moment où il estime que ses profits perçus ou escomptés ont été amoindris par une décision de celle-ci. Déjà en vigueur dans plusieurs traités, ce mécanisme coûte très cher aux contribuables des États. Au total, c’est plus de 430 millions de dollars de compensations qui ont été versées aux investisseurs dans le cadre du chapitre 11 de l’ALENA et 38 milliards en attente de décision... [3] Tout comme les sauvetages bancaires depuis 2008, les indemnisations à verser dans le cadre de ces procès vont contraindre les États à s’endetter encore plus sur les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
pour éponger les pertes que les multinationales pourraient accuser.
Non seulement ces accords de libre-échange feront augmenter l’endettement public, mais ils tenteront de verrouiller également la possibilité pour les États de restructurer ou d’annuler leur dette autant pour le bien-être de leur population que leur bonne santé financière. C’est ce qui s’est passé en Argentine en 2008, ou en Grèce en 2013 : des investisseurs les ont attaquées devant le CIRDI
CIRDI
Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) a été créé en 1965 au sein de la Banque mondiale, par la Convention de Washington de 1965 instituant un mécanisme d’arbitrage sous les auspices de la Banque mondiale.
Jusqu’en 1996, le CIRDI a fonctionné de manière extrêmement sporadique : 1972 est la date de sa première affaire (la seule de l’année), l’année 1974 suivit avec 4 affaires, et suivirent de nombreuses années creuses sans aucune affaire inscrite (1973, 1975,1979, 1980, 1985, 1988, 1990 et 1991). L’envolée du nombre d’affaires par an depuis 1996 (1997 : 10 affaires par an contre 38 affaires pour 2011) s’explique par l’effet des nombreux accords bilatéraux de protection et de promotion des investissements (plus connus sous le nom de « TBI ») signés a partir des années 90, et qui représentent 63% de la base du consentement à la compétence du CIRDI de toutes les affaires (voir graphique)). Ce pourcentage s’élève à 78% pour les affaires enregistrées uniquement pour l’année 2011.
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(la cour d’arbitrage de la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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), après la restructuration de leurs dettes, réclamant un dédommagement pour les pertes engendrées [4].
Il est urgent de stopper les négociations des traités de libre-échange en cours, de refuser les politiques d’austérité imposées par la Commission européenne et par les gouvernements nationaux. Le CADTM dénonce et lutte contre cette spirale infernale de la dette, de l’austérité et du libre-échange. L’annulation unilatérale des dettes illégitimes est non seulement nécessaire pour arrêter la saignée, mais également un instrument politique de désobéissance puissant permettant d’ouvrir d’autres possibles.
[1] Accord de Libre-Echange Nord-Américain, signé en 1994 entre les États-Unis, le Canada et le Mexique
[2] Comprehensive Economic and Trade Agreement
[3] Public Citizen, Table of foreign investor-state cases and claims under NAFTA and other US “Trade” deals : http://www.citizen.org/documents/investor-state-chart.pdf
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