Affronter la crise de la dette en Europe

10 juillet 2011 par Eric Toussaint , Damien Millet




Un des avatars de la crise du secteur financier qui a débuté en 2007 aux Etats-Unis et s’est étendue comme une traînée de poudre à l’Europe, c’est la fougue avec laquelle les banques de l’Ouest européen (surtout les banques allemandes et françaises [1], mais aussi les banques belges, néerlandaises, britanniques, luxembourgeoises, irlandaises…) ont utilisé les fonds prêtés ou donnés massivement par la Réserve fédérale et la BCE BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
pour augmenter, entre 2007 et 2009, leurs prêts dans plusieurs pays de la zone euro (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne) où ils réalisaient de juteux profits en raison des taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
qui y étaient plus élevés. A titre d’exemple : entre juin 2007 (début de la crise des subprime) et septembre 2008 (faillite de Lehman Brothers), les prêts des banques privées d’Europe occidentale à la Grèce ont augmenté de 33%, passant de 120 milliards à 160 milliards d’euros. Les banquiers d’Europe occidentale ont joué des coudes pour prêter de l’argent dans la Périphérie de l’Union européenne à qui voulait bien s’endetter. Non content d’avoir pris des risques extravagants outre-Atlantique dans le marché des subprime avec l’argent des épargnants qui à tort leur faisaient confiance, ils ont répété la même opération en Grèce, au Portugal, en Espagne… En effet, l’appartenance à la zone euro de certains pays de la Périphérie a convaincu les banquiers des pays de l’Ouest européen que les gouvernements, la BCE et la Commission européenne leur viendraient en aide en cas de problème. Ils ne se sont pas trompés.

Lorsque de fortes turbulences ont secoué la zone euro à partir du printemps 2010, la BCE prêtait au taux avantageux de 1% aux banques privées, qui à leur tour exigeaient de pays comme la Grèce une rémunération bien supérieure : entre 4 et 5% pour des prêts d’une durée de trois mois, environ 12% pour les titres à 10 ans. Les banques et les autres investisseurs institutionnels ont justifié de telles exigences par le « risque de défaut » qui pesait sur les pays dits « à risque ». Une menace si forte que les taux ont considérablement augmenté : celui accordé par le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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et l’Union européenne à l’Irlande en novembre 2010 atteignait 6,7%, contre 5,2% à la Grèce six mois plus tôt. En mai 2011, les taux grecs à dix ans dépassaient 16,5%, ce qui a obligé ce pays à n’emprunter qu’à trois ou à six mois, ou à s’en remettre au FMI et aux autres gouvernements européens. La BCE doit désormais garantir les créances Créances Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur). détenues par les banques privées en leur rachetant les titres des États… auxquels en principe elle s’est interdit de prêter directement.

Cherchant à réduire les risques pris, les banques françaises ont diminué en 2010 leur exposition en Grèce, qui a fondu de 44 %, passant de 27 à 15 milliards de dollars. Les banques allemandes ont opéré un mouvement similaire : leur exposition directe a baissé de 60% entre mai 2010 et février 2011, passant de 16 à 10 milliards d’euros. Ce sont le FMI, la BCE et les gouvernements européens qui remplacent progressivement les banquiers et autres financiers privés. La BCE détient en direct pour 66 milliards d’euros de titres grecs (soit 20% de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
publique grecque) qu’elles a acquises sur le marché secondaire auprès des banques, le FMI et les gouvernements européens ont prêté jusqu’en mai 2011, 33,3 milliards d’euros. Leurs prêts vont encore augmenter à l’avenir. Mais cela ne s’arrête pas là, la BCE a accepté des banques grecques pour 120 milliards de titres de la dette Titres de la dette Les titres de la dette publique sont des emprunts qu’un État effectue pour financer son déficit (la différence entre ses recettes et ses dépenses). Il émet alors différents titres (bons d’état, certificats de trésorerie, bons du trésor, obligations linéaires, notes etc.) sur les marchés financiers – principalement actuellement – qui lui verseront de l’argent en échange d’un remboursement avec intérêts après une période déterminée (pouvant aller de 3 mois à 30 ans).
Il existe un marché primaire et secondaire de la dette publique.
grecque comme garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). (collatéraux) des prêts qu’elle leur accorde à un taux de 1,25%. Le même processus est enclenché avec l’Irlande et avec le Portugal.

On retrouve là tous les ingrédients de la gestion de la crise de la dette du tiers-monde avec la mise en place du Plan Brady [2]. Au début de la crise qui a éclaté en 1982, le FMI et les gouvernements des grandes puissances, Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête, sont venus à la rescousse des banquiers privés du Nord qui avaient pris des risques énormes en prêtant à tour de bras aux pays du Sud, surtout d’Amérique latine. Lorsque des pays comme le Mexique se sont trouvés au bord de la cessation de paiement à cause de l’effet conjoint de l’augmentation des taux d’intérêt et la baisse de leurs revenus d’exportation, le FMI et les pays membres du Club de Paris Club de Paris Créé en 1956, il s’agit du groupement de 22 États créanciers chargé de gérer les difficultés de remboursement de la dette bilatérale par les PED. Depuis sa création, la présidence est traditionnellement assurée par un·e Français·e. Les États membres du Club de Paris ont rééchelonné la dette de plus de 90 pays en développement. Après avoir détenu jusqu’à 30 % du stock de la dette du Tiers Monde, les membres du Club de Paris en sont aujourd’hui créanciers à hauteur de 10 %. La forte représentation des États membres du Club au sein d’institutions financières (FMI, Banque mondiale, etc.) et groupes informels internationaux (G7, G20, etc.) leur garantit néanmoins une influence considérable lors des négociations.

Les liens entre le Club de Paris et le FMI sont extrêmement étroits ; ils se matérialisent par le statut d’observateur dont jouit le FMI dans les réunions – confidentielles – du Club de Paris. Le FMI joue un rôle clé dans la stratégie de la dette mise en œuvre par le Club de Paris, qui s’en remet à son expertise et son jugement macroéconomiques pour mettre en pratique l’un des principes essentiels du Club de Paris : la conditionnalité. Réciproquement, l’action du Club de Paris préserve le statut de créancier privilégié du FMI et la conduite de ses stratégies d’ajustement dans les pays en voie de développement.

Site officiel : https://www.clubdeparis.fr/
leur ont prêté des capitaux à condition qu’ils poursuivent les remboursements et qu’ils appliquent des plans d’austérité (les fameux plans d’ajustement structurel). Ensuite, comme l’endettement du Sud gonflait par l’effet boule de neige (comme cela est en train de se passer sous nos yeux en Grèce, en Irlande, au Portugal et ailleurs dans l’UE), ils ont mis en place le Plan Brady (du nom du secrétaire au Trésor états-unien de l’époque) qui a impliqué une restructuration de la dette des principaux pays endettés avec échange de titres. Le volume de la dette a été réduit de 30% dans certains cas et les nouveaux titres (les titres Brady) ont garanti un taux fixe d’intérêt d’environ 6%, ce qui était très favorable aux banquiers. Cela assurait aussi la poursuite des politiques d’austérité sous le contrôle du FMI et de la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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. Sur le long terme, le montant total de la dette a néanmoins augmenté et les montants remboursés sont énormes. Si on ne prend en compte que le solde net entre montants prêtés et remboursés depuis la mise en place du plan Brady les pays en développement ont offert aux créanciers l’équivalent de plus de six plans Marshall, soit environ 600 milliards de dollars. Ne faut-il pas éviter qu’un tel scénario se répète ? Pourquoi accepter que les droits économiques et sociaux des peuples soient une fois de plus sacrifiés sur l’autel des banquiers et des autres acteurs des marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
 ?

Selon les banques d’affaires Banques d'affaires
Banque d'affaires
Société financière dont l’activité consiste à effectuer trois types d’opérations : du conseil (notamment en fusion-acquisition), de la gestion de haut de bilan pour le compte d’entreprises (augmentations de capital, introductions en bourse, émissions d’emprunts obligataires) et des placements sur les marchés avec des prises de risque souvent excessives et mal contrôlées. Une banque d’affaires ne collecte pas de fonds auprès du public, mais se finance en empruntant aux banques ou sur les marchés financiers.
Morgan Stanley et J.P.Morgan, en mai 2011, les marchés considéraient qu’il y avait 70% de probabilité que la Grèce fasse défaut sur sa dette, contre 50% deux mois plus tôt. Le 7 juillet 2011, Moody’s a placé le Portugal dans la catégorie dettes à haut risque. Voilà une raison supplémentaire pour opter pour l’annulation : il faut auditer les dettes avec participation citoyenne afin d’en annuler la partie illégitime. Si on ne prend pas cette option, ce sont les victimes de la crise qui subiront à perpétuité une double peine au bénéfice des banquiers coupables. On le voit bien avec la Grèce : les cures d’austérité se succèdent sans que s’améliore la situation des comptes publics. Il en sera de même pour le Portugal, l’Irlande et l’Espagne. Une grande partie de la dette est illégitime car elle provient d’une politique qui a favorisé une infime minorité de la population au détriment de l’écrasante majorité des citoyens.

Dans les pays qui ont passé des accords avec la Troïka, les nouvelles dettes sont non seulement illégitimes, elles sont également odieuses et ce pour trois raisons : 1. les prêts sont assortis de conditions qui violent les droits économiques et sociaux d’une grande partie de la population ; 2. les prêteurs font du chantage à l’égard de ces pays (il n’y a pas de véritable autonomie de la volonté du côté de l’emprunteur) ; 3. les prêteurs s’enrichissent abusivement en prélevant des taux d’intérêts prohibitifs (par exemple, la France ou l’Allemagne emprunte à 2% sur les marchés financiers et prête à plus de 5% à la Grèce et à l’Irlande ; les banques privées empruntent à 1,25% à la BCE et prêtent à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal à plus de 4% à 3 mois). Pour des pays comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal ou des pays d’Europe de l’Est (et en dehors de l’UE, des pays comme l’Islande), c’est-à-dire des pays qui sont soumis au chantage des spéculateurs, du FMI et d’autres organismes comme la Commission européenne, il convient de recourir à un moratoire Moratoire Situation dans laquelle une dette est gelée par le créancier, qui renonce à en exiger le paiement dans les délais convenus. Cependant, généralement durant la période de moratoire, les intérêts continuent de courir.

Un moratoire peut également être décidé par le débiteur, comme ce fut le cas de la Russie en 1998, de l’Argentine entre 2001 et 2005, de l’Équateur en 2008-2009. Dans certains cas, le pays obtient grâce au moratoire une réduction du stock de sa dette et une baisse des intérêts à payer.
unilatéral du remboursement de la dette publique. C’est un moyen incontournable pour créer un rapport de force en leur faveur. Cette proposition devient populaire dans les pays les plus touchés par la crise.

Il convient également de réaliser sous contrôle citoyen un audit de la dette publique. L’objectif de l’audit est d’aboutir à une annulation/répudiation de la partie illégitime ou odieuse de la dette publique et de réduire fortement le reste de la dette.

La réduction radicale de la dette publique est une condition nécessaire mais pas suffisante pour sortir les pays de l’Union européenne de la crise. Il faut la compléter par toute une série de mesures de grande ampleur dans différents domaines (fiscalité, transfert du secteur de la finance dans le domaine public, re-socialisation d’autres secteurs clés de l’économie, réduction du temps de travail avec maintien des revenus et embauche compensatoire, etc. [3]).

L’injustice flagrante qui domine les politiques régressives à l’œuvre en Europe alimente la puissante mobilisation des indignés en Espagne, en Grèce ou ailleurs. Grâce à ces mouvements qui ont débuté dans le sillage des soulèvements populaires d’Afrique du Nord et du Proche Orient, nous vivons une accélération de l’histoire. La question de la dette publique doit être affrontée de manière radicale.


Damien Millet est porte-parole du CADTM France (www.cadtm.org), Eric Toussaint est président du CADTM Belgique. Ils ont dirigé l’ouvrage : La Dette ou la Vie, Aden-CADTM, Bruxelles-Liège, été 2011, 379 pages, 20€.

Notes

[1A la fin 2009, les banquiers allemands et français détenaient à eux seuls 48 % des titres de la dette extérieure espagnole (les banques françaises détiennent 24 % de ces dettes), 48 % des titres de la dette portugaise (les banques françaises en détiennent 30 %) et 41 % des titres de la dette grecque (les françaises venant en tête avec 26 %).

[2Éric Toussaint, Banque mondiale : le Coup d’État permanent, CADTM-Syllepse-Cetim, 2006, chapitre 15.

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.

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Damien Millet

professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).

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