Face à la fascisation du monde, renforcer les solidarités populaires Sud-Nord

17 juin par Collectif


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Des responsables de diverses organisations signent cette tribune pour affirmer leur volonté de construire un internationalisme populaire et décolonial, ancré dans les luttes concrètes des Suds et des diasporas, pour faire face à l’aggravation sans précédent des logiques de guerre, de domination et d’exploitation à l’échelle mondiale.



Nous assistons à une aggravation sans précédent des logiques de guerre, de domination et d’exploitation à l’échelle mondiale.

Les pays du Sahel sont pris dans un étau entre néocolonialisme français, interventions armées étrangères et terrorisme islamiste. L’armée israélienne mène une guerre génocidaire contre le peuple palestinien à Gaza. L’Ukraine subit, depuis trois ans, l’agression impérialiste de la Russie. Ces violences convergent : elles traduisent le basculement des relations internationales dans une nouvelle phase d’impérialisme brutal, militarisé et autoritaire, porté par des puissances concurrentes mais complémentaires dans leur mépris des peuples.

La montée en puissance des lobbies Lobby
Lobbies
Un lobby est une structure organisée pour représenter et défendre les intérêts d’un groupe donné en exerçant des pressions ou influences sur des personnes ou institutions détentrices de pouvoir. Le lobbying consiste ainsi en des interventions destinées à influencer directement ou indirectement l’élaboration, l’application ou l’interprétation de mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, toute intervention ou décision des pouvoirs publics. Ainsi, le rôle d’un lobby est d’infléchir une norme, d’en créer une nouvelle ou de supprimer des dispositions existantes.
militaro-industriels accompagne l’expansion d’une économie de guerre mondialisée, dont la France, deuxième exportateur d’armes au monde, est un acteur central. En parallèle, les États répriment, censurent, criminalisent.

Une véritable internationale réactionnaire se met en place : extrême droite, techno-libertaires, suprématistes, masculinistes, alliés autour d’un projet de société fondé sur la peur, la haine et la domination. Ces courants se déploient dans les gouvernements, les médias, les algorithmes, imposant une vision sécuritaire, islamophobe, anti-migrants, et tentant d’étouffer les solidarités populaires.

 Rejeter tous les impérialismes, d’où qu’ils viennent

Loin de s’opposer, les pôles impérialistes - États-Unis, Russie, Union européenne, Chine - se disputent les hégémonies régionales tout en s’accordant sur l’essentiel : marchandisation du monde, contrôle des ressources, militarisation des sociétés, répression des résistances. Les premières victimes de la guerre commerciale qu’a lancée l’administration Trump seront les peuples du Sud global, dont ceux d’Afrique. Les BRICS BRICS Le terme de BRICS (acronyme anglais désignant Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) a été utilisé pour la première fois en 2001 par Jim O’Neill, alors économiste à la banque Goldman Sachs. La forte croissance économique de ces pays, combinée à leur position géopolitique importante (ces 5 pays rassemblent près de la moitié de la population mondiale sur 4 continents et près d’un quart du PIB mondial) font des BRICS des acteurs majeurs des activités économiques et financières internationales. , présentés comme une alternative au Nord global, sont plutôt un cartel d’États souvent autoritaires, poursuivant leurs propres logiques d’influence et d’exploitation.

Notre internationalisme ne choisit pas un camp d’État contre un autre. Il se construit avec les peuples en lutte, contre toutes les formes d’impérialisme, de colonisation et de domination.

 Soutenir les luttes populaires des Suds contre les ingérences et pour l’émancipation

L’expulsion progressive de l’armée française du Sahel - du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad - marque un tournant. Elle résulte de mobilisations populaires et de refus collectifs de l’ingérence étrangère, et ne doit en aucune manière être déstabilisée en sous-main.

Cette dynamique reste aussi menacée par la consolidation de régimes militaires autoritaires. L’édification de l’Alliance des États du Sahel (AES) pourrait porter une rupture avec la Françafrique, à condition qu’elle ne se fasse pas au détriment de la souveraineté populaire et des libertés démocratiques.

 Notre soutien doit aller aux peuples, pas aux pouvoirs

En Algérie, les blocages de la mémoire coloniale ravivent un contentieux historique profond. La reconnaissance des massacres coloniaux qui ont été perpétrés à Madagascar, au Cameroun, au Niger reste taboue.
Dans les Outre-mer, les mobilisations qui ont lieu en Nouvelle-Calédonie, aux Antilles ou à Mayotte traduisent une même volonté d’émancipation face au mépris néocolonial, à la destruction sociale et à la dépossession environnementale.

Partout, les peuples exigent justice, reconnaissance et autodétermination. C’est à ces luttes qu’il faut prêter main-forte.

 Construire un internationalisme populaire et décolonial

Face à la fascisation globale, les réseaux de solidarité sont fragilisés : les Forums sociaux européens ont disparu, les dynamiques du FSM se sont affaiblies. Pourtant, des espaces renaissent. En 2024, un collectif unitaire contre les ingérences françaises en Afrique a vu le jour. Le prochain Forum social mondial à Cotonou en 2026 pourrait être une étape vers la reconstruction d’un internationalisme d’en bas, ancré dans les luttes concrètes des Suds et des diasporas.

Nos revendications communes, au service des peuples d’Afrique :

  • Cessation immédiate de toute coopération militaire et des ventes d’armes avec les régimes autoritaires, notamment sur le continent africain.
  • Fin des ingérences et des destabilisations françaises dans les affaires politiques, économiques et institutionnelles des pays du Sud global (via la CEDEAO, l’OIF, ou des bases militaires).
  • Reconnaissance des crimes coloniaux (Sétif, Guelma, Madagascar, Cameroun, Niger…) comme crimes d’État, avec des réparations symboliques et matérielles. Reconnaissance du recours à la torture comme système en application de la doctrine de la « guerre contre-révolutionnaire », devenue « l’école française ».
  • Sanctions pénales contre les multinationales françaises prédatrices (Bouygues, Bolloré, Total, etc.) responsables de corruption, d’accaparement et de destruction écologique.
  • Suppression du franc CFA, en partenariat avec les mouvements et institutions panafricanistes progressistes.
  • Reconversion des budgets d’OPEX en investissements dans une aide au développement solidaire, transparente, négociée avec les peuples concernés. Et qui contribue à lutter contre la violence des politiques migratoires.
  • Fin de la politique coloniale en Outre-mer, et engagement clair pour le droit à l’autodétermination.
  • Respect du droit à l’autodétermination pour les peuples kanak et sahraoui (résolution 1514 AG de l’ONU du 14.12.1960)
  • Refondation de la diplomatie française, pour une politique de paix, de désarmement, de coopération juste entre les peuples. A l’ONU, dans le cadre de l’Union européenne...
  • Libération de l’information : fin de la censure et des silences complices dans les médias publics sur les luttes anticoloniales, les mobilisations sociales, les quartiers populaires.
  • Transmission active des mémoires et des expertises : enseignement de l’histoire (néo) coloniale, de l’arabe, des littératures africaines et diasporiques dans le système éducatif et à l’Université.
    Ces revendications ne concernent pas seulement des réparations attendues, mais constituent des jalons d’un horizon à reconstruire. Depuis les luttes africaines et antillaises, les Outre-mer, les quartiers populaires, les diasporas, montent des voix qui refusent l’ordre impérial et ses recompositions autoritaires. C’est avec elles, et non à leur place, que nous voulons bâtir des solidarités actives, démocratiques, équitables. Un autre monde reste à imaginer — il a déjà commencé à émerger, depuis les marges du monde actuel, les périphéries de nos sociétés, les dominées qui relèvent la tête.

 Signataires :

  • Nils ANDERSSON ancien éditeur, essayiste spécialiste de géopolitique
  • Martine BOUDET didacticienne, membre du Conseil scientifique d’Attac France
  • Christian DELARUE, président CADTM France
  • Pierre BOUTRY animateur du site « Alliance des Forces Progressistes pour l’Afrique »
  • Frédéric BURNEL militant pour l’émancipation, syndicaliste enseignant, membre d’Égalités
  • Michel CAHEN, historien de la colonisation, directeur de recherche émérite du CNRS à Sciences Po Bordeaux
  • Anne CAUWEL militante internationaliste
  • Patrice COULON, militant non-violent, écologiste, altermondialiste et des droits humains
  • Alexis CUKIER philosophe, militant syndical, membre d’Attac et d’Egalités
  • Michèle DECASTER secrétaire générale de l’AFASPA (Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique)
  • Didier EPSZTAJN, animateur du blog « Entre les lignes entre les mots »
  • Sylviane FRANZETTI inspectrice retraitée de la concurrence, consommation, répression des fraudes
  • Franck GAUDICHAUD, historien, membre de France Amérique Latine
  • Sylvie LARUE, Cerises la coopérative
  • Frédéric LEBARON, sociologue
  • Philippe LE CLERRE co-secrétaire Commission Paix et Désarmement - Les Ecologistes
  • Olivier LE COUR GRANDMAISON, universitaire
  • Christian MAHIEUX, syndicaliste Solidaires, Réseau syndical international de solidarité et de luttes, revue Les utopiques
  • Fabien MARCOT - Co-secrétaire d’Égalités
  • Oumar MARIKO président du Parti SADI en exil, ancien député à l’Assemblée Nationale, chevalier de l’ordre national du Mali 
  • Paul MARTIAL rédacteur d’Afriques en Lutte
  • Gustave MASSIAH, militant altermondialiste
  • Richard NEUVILLE, militant internationaliste et de l’autogestion
  • Alain REFALO, porte-parole du MAN (Mouvement pour une Alternative Non-violente)
  • Pierre ROUSSET Europe solidaire sans frontières (ESSF)
  • Catherine SAMARY économiste internationaliste
  • Patrick SAURIN syndicaliste Solidaires
  • Gérard TAUTIL, auteur et militant autonomiste occitan (Provence)
  • Eric TOUSSAINT, porte-parole CADTM international
  • Patrick VASSALLO, militant de l’émancipation (Cerises La coopérative, institut Polanyi, alternativ’ESS, syndicaliste)
  • Pedro VIANNA poète, homme de théâtre, enseignant universitaire
  • Christiane VOLLAIRE philosophe (CNAM, Université Paris-Cité et Institut Convergences Migrations)
  • Béatrice WHITAKER membre d’Egalités 

 Annexes :

Martine Boudet (coordination) Résistances africaines à la domination néo-coloniale (Le Croquant, 2021)
Entre autres auteurs : Saïd Bouamama, Gus Massiah, Kako Nubukpo, Ndongo Samba Sylla, Aminata Traoré

Collectif « Armée française il est largement temps de partir »(Tribune à Libération, février 2024)

Lien CADTM

Collectif Rejoignons-nous, « En finir avec la Françafrique, le militarisme, l’impérialisme français - Pour une campagne politique permanente »(2021)

Site « Afriques en lutte »

Site de l’AFPA (Alliance des Forces Progressistes pour l’Afrique)

Site de l’AFASPA (Association Française d’Amitié et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique)

ReCommons Europe, « L’impact sur le Sud des politiques européennes et les alternatives possibles », CADTM (publié le 14 août 2020)

Guillaume Duval, « Avec la fin de l’Occident, l’avenir de l’Europe se joue au Sud »

« Le projet de loi de programmation militaire : vers une « économie de guerre  » parasite et dangereuse » (Tribune collégiale, Les invités de Mediapart, le 4 avril 2023)


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Qui est le fait, l’œuvre de plusieurs individus.