La Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et le FMI
FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.
À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).
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viennent d’annoncer une réduction de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
du Congo-Brazzaville qui est très loin de faire l’unanimité. Car comme nous allons le voir, ce petit pays d’Afrique centrale est un exemple révélateur du lien extrêmement étroit existant entre dette, corruption et pauvreté.
En 1979, Denis Sassou Nguesso, soutenu par la société française Elf, prend le pouvoir au Congo. Sous sa première présidence, de 1979 à 1991, Elf et les cercles proches du pouvoir se régalent des conditions d’exploitation pétrolière privilégiées. En 1991, une Conférence nationale souveraine s’étonne des faibles revenus que le pétrole génère pour le budget congolais et demande un audit indépendant. Cet audit est torpillé par Elf qui pratique une obstruction systématique et corrompt les personnalités concernées, comme l’a reconnu un haut dirigeant d’Elf devant la justice française en mars 2003. Lors de l’élection présidentielle de 1992, Sassou est largement battu dès le premier tour. Le nouveau président, Pascal Lissouba, augmente la redevance pétrolière de 17% à 33% et passe un accord avec l’entreprise états-unienne Occidental Petroleum. C’est un casus belli pour Elf qui, pour remporter la mise à coup sûr, décide d’armer aussi bien le camp présidentiel que celui de Sassou, personnage-clé des réseaux françafricains finalement vainqueur de la guerre civile qui déchire le pays entre juin et octobre 1997. Après le vote d’une Constitution sur mesure, des élections manipulées légitiment Sassou au poste de Président en 2002. Aujourd’hui, le Congo est un des pays du Sud les plus endettés par habitant, avec une dette extérieure de 9,2 milliards de dollars à la fin 2004 pour moins de 4 millions d’habitants. Mais cet endettement n’a absolument pas servi à assurer un minimum d’infrastructures et de services de base aux populations, qui voient leurs conditions de vie précarisées un peu plus chaque jour : eau courante et électricité de plus en plus rares, et même pénuries d’essence régulières ! Indéniablement, le trio dette-corruption-pauvreté est à l’œuvre.
Par ailleurs, craignant que les défauts de remboursement de la dette ne se multiplient dans les pays en développement, les créanciers lancent en 1996 l’initiative PPTE
PPTE
Pays pauvres très endettés
L’initiative PPTE, mise en place en 1996 et renforcée en septembre 1999, est destinée à alléger la dette des pays très pauvres et très endettés, avec le modeste objectif de la rendre juste soutenable.
Elle se déroule en plusieurs étapes particulièrement exigeantes et complexes.
Tout d’abord, le pays doit mener pendant trois ans des politiques économiques approuvées par le FMI et la Banque mondiale, sous forme de programmes d’ajustement structurel. Il continue alors à recevoir l’aide classique de tous les bailleurs de fonds concernés. Pendant ce temps, il doit adopter un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP), parfois juste sous une forme intérimaire. À la fin de ces trois années, arrive le point de décision : le FMI analyse le caractère soutenable ou non de l’endettement du pays candidat. Si la valeur nette du ratio stock de la dette extérieure / exportations est supérieure à 150 % après application des mécanismes traditionnels d’allégement de la dette, le pays peut être déclaré éligible. Cependant, les pays à niveau d’exportations élevé (ratio exportations/PIB supérieur à 30 %) sont pénalisés par le choix de ce critère, et on privilégie alors leurs recettes budgétaires plutôt que leurs exportations. Donc si leur endettement est manifestement très élevé malgré un bon recouvrement de l’impôt (recettes budgétaires supérieures à 15 % du PIB, afin d’éviter tout laxisme dans ce domaine), l’objectif retenu est un ratio valeur nette du stock de la dette / recettes budgétaires supérieur à 250 %. Si le pays est déclaré admissible, il bénéficie de premiers allégements de son service de la dette et doit poursuivre avec les politiques agréées par le FMI et la Banque mondiale. La durée de cette période varie entre un et trois ans, selon la vitesse de mise en œuvre des réformes clés convenues au point de décision. À l’issue, arrive le point d’achèvement. L’allégement de la dette devient alors acquis pour le pays.
Le coût de cette initiative est estimé par le FMI en 2019 à 76,2 milliards de dollars, soit environ 2,54 % de la dette extérieure publique du Tiers Monde actuelle. Les PPTE sont au nombre de 39 seulement, dont 33 en Afrique subsaharienne, auxquels il convient d’ajouter l’Afghanistan, la Bolivie, le Guyana, Haïti, le Honduras et le Nicaragua. Au 31 mars 2006, 29 pays avaient atteint le point de décision, et seulement 18 étaient parvenus au point d’achèvement. Au 30 juin 2020, 36 pays ont atteint le point d’achèvement. La Somalie a atteint le point de décision en 2020. L’Érythrée et le Soudan n’ont pas encore atteint le point de décision.
Alors qu’elle devait régler définitivement le problème de la dette de ces 39 pays, cette initiative a tourné au fiasco : leur dette extérieure publique est passée de 126 à 133 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,5 % entre 1996 et 2003.
Devant ce constat, le sommet du G8 de 2005 a décidé un allégement supplémentaire, appelée IADM (Initiative d’allégement de la dette multilatérale), concernant une partie de la dette multilatérale des pays parvenus au point de décision, c’est-à-dire des pays ayant soumis leur économie aux volontés des créanciers. Les 43,3 milliards de dollars annulés via l’IADM pèsent bien peu au regard de la dette extérieure publique de 209,8 milliards de dollars ces 39 pays au 31 décembre 2018.
(Pays pauvres très endettés). Cette initiative, qui doit officiellement régler le problème de la dette, contraint en fait les 42 pays choisis, dont le Congo, à appliquer des réformes économiques très dures pour les populations : réduction des budgets sociaux, suppression des subventions aux produits de base, privatisations des entreprises publiques, libéralisation de l’économie au profit des multinationales... Au bout de trois années de cette potion amère, arrive le point de décision : si la dette est jugée insoutenable, le pays bénéficie de premiers allégements sur son service de la dette
Service de la dette
Remboursements des intérêts et du capital emprunté.
. Après une seconde période de réformes exigées par le FMI, arrive le point d’achèvement, où finalement seules les créances
Créances
Créances : Somme d’argent qu’une personne (le créancier) a le droit d’exiger d’une autre personne (le débiteur).
que le pays ne parvenait pas à rembourser sont annulées... La dette est juste écrémée et le pays continue de rembourser au maximum de ses capacités financières. En réalité, rien ne change.
Le 9 mars dernier, le Congo a achevé la première phase avec beaucoup de retard. Les institutions financières internationales ont longuement tergiversé en raison des soupçons de détournement et de dissimulation de fonds. Le pouvoir congolais prétend les mettre à l’abri de fonds vautours
Fonds vautour
Fonds vautours
Fonds d’investissement qui achètent sur le marché secondaire (la brocante de la dette) des titres de dette de pays qui connaissent des difficultés financières. Ils les obtiennent à un montant très inférieur à leur valeur nominale, en les achetant à d’autres investisseurs qui préfèrent s’en débarrasser à moindre coût, quitte à essuyer une perte, de peur que le pays en question se place en défaut de paiement. Les fonds vautours réclament ensuite le paiement intégral de la dette qu’ils viennent d’acquérir, allant jusqu’à attaquer le pays débiteur devant des tribunaux qui privilégient les intérêts des investisseurs, typiquement les tribunaux américains et britanniques.
qui rôdent, sans pour autant parvenir à justifier les sombres agissements de la Société nationale des pétroles congolais (SNPC). La bataille pour les revenus du pétrole fait donc rage entre les proches du pouvoir et certains créanciers douteux. Fin février, le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz, est intervenu personnellement pour bloquer la décision, mais d’autres intérêts géostratégiques ont alors pris le dessus : Sassou, tout nouveau président de l’Union africaine, est appuyé par les puissants soutiens dont il dispose au sein des pays riches. C’est ainsi que le Congo est devenu le 29e pays à atteindre le point de décision. Mais cette décision est-elle opportune ? N’est-ce pas là apporter un soutien fort discutable au régime de Sassou ? Faut-il alors se réjouir d’une réduction de la dette à venir ou conditionner cette réduction à l’éradication de la corruption ? Dans ce cadre, quel doit être le rôle du FMI ?
Si la question de savoir comment lutter efficacement contre la corruption est essentielle, elle dépasse le strict cadre congolais et ne doit pas conduire à légitimer le FMI comme un acteur central dans cette lutte. En effet, le modèle économique promu par le FMI au nom des principaux créanciers depuis les années 1980 -dont l’initiative PPTE n’est que le prolongement- est structurellement générateur de dette, de corruption et de pauvreté. Une solution à ces trois axes socialement juste et écologiquement soutenable passe inévitablement par une remise en cause du modèle économique lui-même. Le FMI n’a aucune légitimité pour agir contre une corruption dont il s’est fort bien accommodé depuis des années, et qu’il a aussi instrumentalisée à dessein.
En réalité, un changement radical passe par un triple refus : le refus de la domination imposée via la dette par le FMI et la Banque mondiale au peuple congolais, au bénéfice des riches créanciers et des sociétés multinationales ; le refus de l’initiative PPTE qui prolonge ce modèle et vise à anesthésier toute forme de contestation du modèle économique actuel imposé de l’extérieur ; le refus de l’accaparement des richesses, notamment pétrolières, par Sassou et son entourage, soutenus par la France et Total, héritière de l’empire mafieux Elf. Ce modèle alternatif passe ainsi par l’annulation totale et inconditionnelle de la dette extérieure publique congolaise, l’abandon des politiques d’ajustement structurel imposées par le FMI, la création de fonds de développement gérés intégralement par les populations et alimentés de diverses manières (revenus du pétrole, expropriation des fortunes détournées par les élites corrompues et souvent placées dans des paradis fiscaux
Paradis fiscaux
Paradis fiscal
Territoire caractérisé par les cinq critères (non cumulatifs) suivants :
(a) l’opacité (via le secret bancaire ou un autre mécanisme comme les trusts) ;
(b) une fiscalité très basse, voire une imposition nulle pour les non-résidents ;
(c) des facilités législatives permettant de créer des sociétés écrans, sans aucune obligation pour les non-résidents d’avoir une activité réelle sur le territoire ;
(d) l’absence de coopération avec les administrations fiscales, douanières et/ou judiciaires des autres pays ;
(e) la faiblesse ou l’absence de régulation financière.
La Suisse, la City de Londres et le Luxembourg accueillent la majorité des capitaux placés dans les paradis fiscaux. Il y a bien sûr également les Iles Caïmans, les Iles anglo-normandes, Hong-Kong, et d’autres lieux exotiques. Les détenteurs de fortunes qui veulent échapper au fisc ou ceux qui veulent blanchir des capitaux qui proviennent d’activités criminelles sont directement aidés par les banques qui font « passer » les capitaux par une succession de paradis fiscaux. Les capitaux généralement sont d’abord placés en Suisse, à la City de Londres ou au Luxembourg, transitent ensuite par d’autres paradis fiscaux encore plus opaques afin de compliquer la tâche des autorités qui voudraient suivre leurs traces et finissent par réapparaître la plupart du temps à Genève, Zurich, Berne, Londres ou Luxembourg, d’où ils peuvent se rendre si nécessaires vers d’autres destinations.
, mécanismes de redistribution de la richesse). Une vraie lutte contre la corruption sera alors possible et les véritables responsabilités dans la situation actuelle seront identifiées. On est très loin des remèdes frelatés du FMI.
professeur de mathématiques en classes préparatoires scientifiques à Orléans, porte-parole du CADTM France (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), auteur de L’Afrique sans dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec Frédéric Chauvreau des bandes dessinées Dette odieuse (CADTM-Syllepse, 2006) et Le système Dette (CADTM-Syllepse, 2009), co-auteur avec Eric Toussaint du livre Les tsunamis de la dette (CADTM-Syllepse, 2005), co-auteur avec François Mauger de La Jamaïque dans l’étau du FMI (L’esprit frappeur, 2004).
Toutes les créances doivent être honorées, sauf...
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