11 novembre 2014 par CADTM Belgique
Depuis la signature du Traité de Maastricht de 1992, les États n’ont plus la possibilité d’emprunter à leur propre banque centrale ou à la Banque centrale européenne (BCE). Pour financer leurs déficits, ils doivent donc emprunter aux marchés financiers, c’est-à-dire aux grandes banques privées. Cette interdiction d’emprunter directement à la BCE, confirmée par l’article 104 du Traité de Lisbonne, a entraîné un surcoût financier énorme pour les populations et leurs finances publiques.
Dettes illégitimes en Belgique : les sauvetages bancaires (1/5)->http://cadtm.org/Dettes-illegitimes-en-Belgique-les
[Dettes illégitimes en Belgique : l’injustice fiscale (2/5)
De manière générale, c’est toute la politique des taux d’intérêts et de l’usure qui doit être remise en cause et débattue. Pour rappel, au début des années 1980, suite à une décision unilatérale de la Réserve fédérale des États-Unis, les taux d’intérêts sur le marché mondial ont augmenté d’un coup [1], obligeant la Belgique à emprunter à des taux allant jusqu’à 14 %.
Le graphique suivant montre comment la dette publique aurait évolué depuis 1992 si on avait emprunté exactement les mêmes montants, mais à des taux différents. La courbe du haut (ligne bleue) montre l’évolution de la dette telle qu’elle s’est produite, c’est-à-dire en passant par les marchés financiers
Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
. La courbe du bas (ligne orange) montre comment la dette aurait évolué si, tout autre chose restant égale, l’État belge avait financé ses déficits en empruntant à la Banque nationale de Belgique (BNB) à du 0 %. Si tel avait été le cas, la dette publique belge s’élèverait aujourd’hui à moins de 20% du PIB
PIB
Produit intérieur brut
Le PIB traduit la richesse totale produite sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées.
Le Produit intérieur brut est un agrégat économique qui mesure la production totale sur un territoire donné, estimée par la somme des valeurs ajoutées. Cette mesure est notoirement incomplète ; elle ne tient pas compte, par exemple, de toutes les activités qui ne font pas l’objet d’un échange marchand. On appelle croissance économique la variation du PIB d’une période à l’autre.
! Prenons un autre exemple : si l’État belge avait emprunté à la Banque nationale (ou à la BCE) à un taux correspondant à l’inflation
Inflation
Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison.
(ligne mauve), la dette publique belge s’élèverait aujourd’hui à 50% du PIB et on aurait économisé 186 milliards d’euros d’intérêts sur une période de 20 ans...
A l’opposé de ceux qui affirment que la dette serait le résultat de dépenses inconsidérées de « l’Etat providence », il apparaît que la politique de financement de la dette a joué – aux côtés d’autres grandes causes d’endettement mises en avant dans les articles précédents de la série – un rôle fondamental dans l’évolution de la dette publique belge. Cette réalité devrait pousser les citoyen.ne.s belges à s’interroger sur la légitimité de cette dette. En effet, ce choix politique a clairement fait passer les intérêts des grandes banques privées et de leurs actionnaires avant l’intérêt général.
Nous pourrions nous financer autrement. Non seulement auprès de la Banque centrale mais aussi, et surtout, en augmentant les recettes de l’État via l’imposition ou l’expropriation du capital. De même, des possibilités existent pour financer le déficit en mobilisant l’épargne de la population (autres que « l’emprunt citoyen » du gouvernement précédent) : les institutions financières et autres grandes entreprises privées, ainsi que les ménages les plus riches pourraient être contraints par voie légale d’acheter, pour un montant proportionnel à leur patrimoine et à leur revenu, des obligations
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
d’État à 0% d’intérêt, non indexées sur l’inflation. Le reste de la population pourrait acquérir, de manière volontaire, des obligations publiques qui garantiront un rendement réel positif (par exemple 3%), supérieur à l’inflation. Ainsi, si l’inflation annuelle s’élève à 3%, le taux d’intérêt
Taux d'intérêt
Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
effectivement payé par l’État pour l’année correspondante serait de 6% [2].
Cette question a également fait l’objet d’une carte blanche publiée par Olivier Bonfond dans Le Soir du 13 novembre 2014
[1] C’est d’ailleurs un des deux facteurs, avec la chute des prix des matières premières, qui a entraîné dans les années 1980 la crise de la dette des pays du Sud.
[2] Lire le cadre « La proposition du CADTM concernant la dette publique » dans l’article « Que faire de ce que nous apprend Thomas Piketty sur Le capital au XXIe siècle » d’Eric Toussaint.
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