ABC de 5 000 ans de dettes privées illégitimes

Décembre 2022

13 décembre 2022 par CADTM




Résumé

Cette étude, intitulée « ABC de 5 000 ans de dettes privées illégitimes », passe en revue des siècles d’endettement privé ponctués d’annulation et d’utilisation de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
privée comme outil de pression et de domination des classes populaires. Elle se divise en trois parties : la première balaie l’histoire des dettes privés de 2000 av J.C jusqu’au 16e siècle ; la seconde aborde l’endettement privé pendant l’ère capitaliste ; la troisième se concentre sur la dette privée au Sud avec un focus sur le microcrédit.
La première partie de l’étude balaie plusieurs millénaires en présentant des études de cas à différentes époques. Elle aborde les saisies de terres et la privation de liberté pour dette non payées ainsi que les annulations occasionnelles des dettes des familles paysannes pendant le règne d’Hammourabi, à Babylone, entre 1792 et 1750 av. J-C. Cette première partie se poursuit en analysant les annulations de dettes prononcées en Mésopotamie entre 2400 et 1400 avant l’ère chrétienne, et la tradition d’annulation des dettes instaurées dans l’Égypte des Pharaons dès le 8e siècle av. J-C. Un bond dans le temps et nous arrivons à la fin du Moyen-Âge, période synonyme de retour en force de la question des dettes privées, car les relations humaines se monétisent. Au 13e et 14e siècles, de plus en plus de paysan·nes, d’artisan·es ou d’ouvrier·es subissent des saisies, sont envoyé·es en prison ou sont mutilé·es car iels ne parviennent pas à rembourser leurs dettes. Plus tard, lors des 15e et 16e siècles, les dettes réclamées aux familles paysannes et citadines issues des classes populaires sont à l’origine de soulèvements dans le monde germanique.

La deuxième partie de cette étude sur les dettes privées se situe durant l’ère capitaliste. Elle montre que l’accumulation primitive du capitalisme des 16e et 17e siècles s’est fortement basée sur l’exploitation de masses prolétaires surendettées. Alors que le non-paiement de dettes était très violemment réprimé, des mouvements de résistance se sont organisés aux États-Unis, ou encore en Inde. Quelques siècles plus tard, dès les années 1970-1980, l’offensive néolibérale provoque un retrait de l’État, alors que la société de consommation de masse continue à se développer. L’emprunt privé remplace alors partiellement l’État, faisant gonfler massivement l’endettement des ménages. Le retrait de l’État a également obligé les étudiant·es à s’endetter dans des proportions très importantes pour financer leurs études, se retrouvant ensuite sous pression pour rembourser leurs dettes pendant de nombreuses années. Le surendettement des ménages et leur incapacité à rembourser leurs prêts ont également été utilisés lors de l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis (2007-2008) et en Europe (2008-2010) pour expulser en masse les classes populaires de leurs logements. Cette partie de l’étude montre enfin comment la tendance à l’auto-emploi fait gonfler les dettes privées et pousse de plus en plus de personnes vers le surendettement. Elle présente enfin les alternatives, initiatives et les luttes qui s’opposent aux dettes privées illégitimes.

La troisième partie de l’étude porte sur les pays du Sud, et plus spécifiquement sur le cas du microcrédit. Elle montre comment les politiques d’ajustement structurel imposées aux pays du Sud, au nom du remboursement de la dette publique, ont favorisé là-aussi le recours à l’endettement privé pour compenser le retrait de l’État (fin des subventions, privatisations, baisses des dépenses publiques dans la santé et l’éducation…). Le système capitaliste a alors inventé une solution aux problèmes qu’il a lui-même amené, tout en permettant aux capitalistes de gagner encore plus d’argent sur le dos des classes populaires sans rien faire : le microcrédit. Ces micro-prêts à des taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
usuraires ont des conséquences terribles pour les classes populaires : ils poussent les femmes – principales cibles de la microfinance, sous couvert d’ « empowerment » – au surendettement, notamment en Asie du Sud où le microcrédit est très répandu. Certaines finissent par se suicider sous la pression des créanciers. Cette troisième partie se termine par des études de cas montrant les conséquences du microcrédit au Bangladesh, en Colombie, en Afrique du Sud, et au Maroc, où les victimes de ce système se sont organisées pour faire changer les choses.



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