3 mai par Rui Viana Pereira , Robin Delobel
CC - Peinture murale de Henrique Matos accompagnée de la phrase « 25 de Abril SEMPRE » (25 avril toujours)
Les élections du 10 mars au Portugal ont-elles changé le paysage politique ? Le pays échappe-t-il à la montée de l’extrême droite alors que sa constitution n’autorise pas la formation de partis fascistes ? Que signifient les commémorations des cinquante ans de la révolution des œillets ? Quels rôles jouent les partis de gauche ?
Rui Viana Pereira, membre du Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes, nous répond pour mieux cerner la situation politique au Portugal.
(Cette interview a été réalisée le 24 avril).
Les déclarations des différents secteurs de droite montrent que la célébration du cinquantième anniversaire du 25 avril (1974) tend cette année à être volontairement confondue avec la célébration du 25 novembre (1975). Pour mieux comprendre la signification de cette inflexion je propose un retour en arrière. Lorsque nous, la génération qui était jeune en 1974, nous référons au 25 avril, nous faisons référence à deux choses différentes, bien qu’étroitement liées :
1) un coup d’État militaire raisonnablement pacifique qui a renversé la dictature, sans la tentation de donner le pouvoir aux militaires, ouvrant de nouvelles perspectives d’avenir et de liberté ;
2) un processus révolutionnaire en cours (PREC, du 25 avril 1974 à novembre 1975). Au cours de ce processus, qui a duré un an et demi, des nouvelles structures populaires ont été créées ( certains auteurs parlent de pouvoir populaire), parallèlement aux structures de l’État, et souvent en chevauchement avec elles, surtout en 1975. Lors de l’été 1975, il n’existait pas encore de structure nationale de coordination des mouvements révolutionnaires, mais des assemblées communes d’habitants, de travailleurs et de soldats avaient déjà commencé à se former dans différentes régions du pays ; les structures militarisées de l’État (armée, police, etc.), d’abord entrées dans un état d’inertie, rendant inopérant l’ensemble de l’appareil répressif et armé de l’État, se sont ensuite ostensiblement rangées du côté du peuple dans toutes ses luttes contre le capital. Il s’agit donc d’une période clairement prérévolutionnaire : ceux en haut ne peuvent plus faire la loi et ceux en bas n’ont pas encore pleinement constitué un appareil de pouvoir.
Quand on se réfère au 25 novembre, on se réfère à un coup d’État militaire contre-révolutionnaire, réalisé par une petite fraction réactionnaire de l’armée, qui n’a pas été combattue en bloc par les fractions révolutionnaires de l’armée. Ce coup d’État militaire a mis fin au PREC, avec la complicité de l’extrême droite, de la droite, du PS et même du PC. Pour comprendre l’attitude apparemment inattendue du PC, il faut se rappeler que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le parti était ” ligoté ” par les accords de partage entre l’URSS et l’Occident, dans lesquels l’Europe (à gauche du rideau de fer) ne devait pas être le théâtre de révolutions encouragées par l’URSS ou par des partis communistes locaux fidèles à Moscou – une telle confrontation pouvait avoir lieu en Afrique, en Amérique du Sud et dans certaines parties de l’Asie mais pas sur le continent européen.
La particularité du coup d’État militaire contre-révolutionnaire du 25 novembre 1975 est que ses principaux dirigeants n’avaient pas l’intention d’instaurer un régime autoritaire ou de mettre les militaires au pouvoir, mais d’établir une démocratie parlementaire représentative, mettant fin à une situation pré-révolutionnaire qui menaçait d’embraser tout le bassin méditerranéen. La CIA et l’ambassadeur américain ont évidemment joué un rôle important dans ce coup d’État.
En résumé, au moment où je vous écris ces réponses, je ne peux pas garantir ce que seront les commémorations du 25 avril mais tout porte à croire que tout le faste sera investi pour dénaturer l’esprit révolutionnaire du 25 avril, en louant l’esprit contre-révolutionnaire du 25 novembre, qui deviendrait officiellement le “véritable esprit” du 25 avril, « la véritable liberté ». C’est peut-être le bon moment pour rappeler une chanson de Sérgio Godinho, « La Liberté », qui nous donne une définition matérielle de liberté et les moyens de diagnostiquer si elle est vivante ou non : « Il n’y a pas de vrai liberté sauf s’il y a : la paix, le pain, habitation, santé, éducation. Il n’y a pas de vrai liberté sauf s’il y a : la liberté de changer et de décider et de rendre au peuple tout ce que le peuple produit. » Ce n’est pas difficile d’en conclure que penser de la situation actuelle.
Tous les commentateurs et leaders politiques disent que l’ascension de Chega correspond à un « vote de protestation » : ses électeurs étaient désillusionnés par les politiques des partis qui gouvernent le pays depuis quarante-huit ans (PS, PSD, CDS) et c’est pour cela qu’ils ont voté Chega. J’ai une opinion opposée : je pense que les votes Chega, en général, étaient des « votes de conviction » et non de protestation. Mon explication de cette explosion électorale de l’ultra-droite est simple : le fait que les institutions aient accepté la légalisation du Chega a légitimé une série d’attitudes et de propositions politiques qui, jusqu’à présent, étaient « honteuses » ou même taboues au Portugal. Mais cette couche de citoyens existait déjà depuis cinquante ans, elle se cachait dans l’armoire : racistes, misogynes, nationalistes, rétrogrades à bien des égards. Ils prônent la castration chimique, l’emprisonnement à vie, sont contre le mariage homosexuel, contre l’interruption volontaire de grossesse, etc. Il convient de garder à l’esprit que la révolution portugaise était tolérante et pratiquement sans effusion de sang. C’est pourquoi des milliers de fascistes sont sortis indemnes et ont même réussi à se maintenir à des postes publics importants (tout comme en Espagne). Des milliers de personnes qui ont collaboré avec la police politique pendant la dictature n’ont été ni jugées ni punies. Ils ont fait semblant de se rendre à la démocratie. Aujourd’hui, avec la légitimation d’un parti néo-fasciste au parlement, ils sont sortis de l’armoire, sont revenus à la lumière du jour et expriment agressivement leurs opinions. Dire que ces électeurs ne sont pas néofascistes, qu’ils sont des victimes innocentes du populisme de droite, c’est comme dire (comme beaucoup de gens le font) qu’il n’y a pas de racisme ou de xénophobie au Portugal. C’est un mensonge pour masquer une réalité douloureuse.
Beaucoup de choses infondées ont été dites sur les électeurs de droite et d’extrême droite et sur les tendances populaires dans ce sens. Comme d’habitude, ce n’est pas la réalité qui prévaut, mais la perception de la réalité construite par les médias et les réseaux sociaux.
Il existe cependant quelques études sociologiques réalisées ces dernières années, c’est sur elles que nous devrions nous baser, même si elles n’en sont encore qu’à leurs balbutiements.
L’une de ces études, datée de janvier 2023, nous apprend que la majorité des jeunes (46%) se considèrent de gauche ; 34% se disent au centre (quoi que cela veuille dire…), 20% sont de droite. Comme vous pouvez le constater, il est donc faux de dire que la majorité des jeunes se situent à droite.
Le déséquilibre révélé par cette enquête est le suivant : la majorité des jeunes n’adhère pas à un parti, ne participe pas aux campagnes électorales, n’adhère pas à un syndicat ou à une autre association de classe. En revanche, un pourcentage élevé de jeunes de droite adhère et milite dans des partis de droite et d’ultra-droite.
Une autre enquête sociologique datant également de 2023 montre que, contrairement à ce qui était traditionnel au Portugal, les femmes tendent désormais plus à gauche que les hommes (rejoignant ainsi la tendance générale européenne). Ce résultat est cohérent avec deux autres : le niveau d’éducation des sympathisants de l’ultra-droite est inférieur à la moyenne ; et les femmes portugaises sont actuellement plus diplômées que les hommes.
Le manque de culture et de formation politique chez les jeunes est assez bas, même chez les militants des partis !
J’ai pu constater, à de nombreuses reprises, que les jeunes générations ne maîtrisent même pas les techniques/éthiques les plus élémentaires pour agir dans une assemblée – ils ne savent pas comment une assemblée doit être organisée/gérée, comment l’intervention et la discussion doivent être guidées efficacement, un ordre du jour…
Tout cela laisse un vaste champ de manœuvre aux forces populistes. Au lendemain du PREC, les élèves savaient organiser des assemblées, prendre des décisions et lutter contre la direction administrative et politique de l’éducation ; l’école était gérée démocratiquement, il y avait des assemblées d’élèves, d’enseignants et de personnel. Le néolibéralisme a supprimé la démocratie à l’école et a rétabli la hiérarchie. C’est pourquoi je ne suis pas surpris par la facilité avec laquelle certains secteurs des nouvelles générations se laissent séduire par les partis ultra-libéraux et d’extrême-droite.
En ce qui concerne le manque de militantisme organisé mentionné dans l’étude précitée, une des conclusions à tirer est que nous vivons une crise de la représentation : les jeunes de gauche ne se sentent pas représentés dans les partis traditionnels et les syndicats. Et comme ils n’ont pas pris l’habitude d’exercer la démocratie directe à l’école, ils ne comprennent pas non plus l’intérêt de construire des associations autonomes d’intérêt ou de classe.
À mi-parcours de la législature de quatre ans, issue des élections de 2021, qui avaient donné la majorité absolue au Parti socialiste, la nouvelle est tombée que le ministère public menait une enquête sur la corruption et le trafic d’influence au sein du gouvernement. Le nom du Premier ministre António Costa est apparu dans les informations. Bien que les communiqués des enquêteurs n’indiquent pas clairement si le Premier ministre est ou non accusé de malversations, António Costa a réagi immédiatement à la nouvelle en présentant sa démission au Président de la République, ce qui entraînait la démission de l’ensemble du gouvernement.
Le président de la République (le régime portugais est semi-présidentiel) a accepté la démission d’António Costa, ce qui laissait deux options ouvertes en vertu de la Constitution portugaise : soit le président acceptait la nomination d’un nouveau gouvernement, avec un nouveau premier ministre proposé par le parti majoritaire à l’Assemblée, soit il dissolvait l’Assemblée et convoquait des élections anticipées. Bizarrement, le Président Marcelo Rebelo de Sousa a choisi d’ignorer le fait qu’il y avait un parti avec une majorité absolue (le PS). Il a dissous l’Assemblée et a programmé des élections anticipées pour le 10 mars 2024.
Le gouvernement de la République n’a pas été le seul à tomber. Le Portugal compte deux régions autonomes (Madère et les Açores), chacune dotée d’une assemblée régionale et d’un gouvernement régional. Là aussi, il y a une crise politique : aux Açores, le gouvernement, basé sur une majorité relative du PSD, n’a pas pu garder ses alliés au parlement et a été renversé, ce qui a conduit à des élections régionales anticipées ; à Madère, une autre affaire de corruption faisant l’objet d’une enquête a conduit à la chute du gouvernement. En bref, nous assistons à une crise généralisée des institutions du pouvoir, causée en grande partie par des enquêtes sur la corruption, le trafic d’influence, les avantages personnels indus, etc.
Il semblerait que nous assistons à une augmentation de la corruption au Portugal, mais en fait ce qui a augmenté n’est pas la pratique réelle de la corruption, plutôt la perception de la corruption, alimentée par les médias et une prolifération d’enquêtes menées par le ministère public (la plupart d’entre elles étant d’ailleurs infructueuses).
La pratique des « portes tournantes » est bien connue depuis des décennies, c’est-à-dire le fait que les dirigeants politiques, lorsqu’ils quittent le gouvernement, obtiennent des postes de direction dans de grandes entreprises (nationales ou multinationales) dans le secteur qu’ils ont supervisé, et vice versa, révélant ainsi la profonde promiscuité d’intérêts et de faveurs entre le secteur public et le secteur privé. À mon avis, l’agitation de ces portes tournantes n’a ni augmenté ni diminué depuis au moins quarante ans, la grande différence est qu’elle est devenue beaucoup plus visible.
Les partis du « centron » appliquent depuis des années les mesures néolibérales
Nous assistons ces dernières années à une transformation profonde des schémas représentatifs de la droite, c’est-à-dire de la représentation des intérêts du capital et de ses projets politiques. Les partis classiques de centre-droit et de droite sont cannibalisés par de nouveaux partis d’extrême droite et ce qu’on pourrait appeler des (néo)libéraux radicaux. Ce phénomène provoque une grande instabilité dans le système représentatif des partis et affecte le fonctionnement des institutions du pouvoir (exécutif, législatif et judiciaire).
Jusqu’en 2019, il n’y avait pas de représentants de partis fascistes, néo-nazis, libéraux radicaux, etc., à l’Assemblée de la République. En effet, la Constitution portugaise n’autorise pas la formation de partis fascistes ou d’organisations faisant appel à la haine raciale ou ethnique – une précaution bien compréhensible dans un pays qui a subi quarante-huit ans de dictature fasciste et treize ans de guerre coloniale jusqu’en 1974.
Avec les élections législatives de 2019, cette situation a été profondément bouleversée par la création de deux nouveaux partis : l’Initiative libérale (le nom dit tout, c’est une sorte de machine à remonter le temps qui nous ramène au XIXe siècle) et Chega [Assez !] Un parti d’inspiration clairement fasciste, bien qu’il soit obligé de le camoufler dans ses statuts et son programme pour contourner les règles constitutionnelles. Ce qui ne l’empêche pas de compter dans ses rangs des personnes condamnées pour des crimes de haine et des meurtres d’activistes, d’Africains et d’homosexuels. Chacun de ces deux partis a obtenu un siège au parlement en 2019, avec 1,35 % des voix.
Aux élections législatives de 2022, aidés par les médias dominants, les deux nouveaux partis font un bond étonnant en nombre de voix : Iniciativa Liberal passe de 1 à 8 députés (5,05 % des voix) ; Chega passe de 1 à 12 députés (7,38 % des voix). Un vent de panique commence à souffler sur les milieux démocratiques et de gauche portugais : il ne fait plus aucun doute que la vague d’extrême droite est finalement arrivée au Portugal.
La droite a perdu la peur de se révéler telle qu’elle est
Souvent, même si un parti n’a qu’un seul député, il peut déséquilibrer les votes. Même s’il n’y a pas de coalition ou d’accord écrit, leur soutien est acheté au prix de petites concessions de la part des grands partis. C’est ce qui s’est passé lors de la législature 2015-2019, permettant à un gouvernement PS minoritaire de survivre, soutenu par les partis situés à sa gauche.
La montée de Chega et d’Iniciativa Liberal n’est pas surprenante : les partis du « centron » appliquent depuis des années les mesures néolibérales que les partis d’extrême droite appellent également de leurs vœux. Pour ainsi dire, les partis classiques, dits démocratiques et défenseurs de l’État-providence, ont ouvert la voie aux partis d’extrême droite et préparé la défaite finale de l’État-providence et l’entrée en scène d’une droite radicale.
Il y a quelques jours, un livre intitulé « Identité et famille » a été publié, qui reprend toute l’idéologie la plus rétrograde du nationalisme et de la famille bourgeoise. Il revient plus de cent ans en arrière, en faisant à nouveau appel au nationalisme le plus rustre et en plaçant les femmes comme des êtres inférieurs et soumis dans la famille et dans la société. Lors du lancement de ce livre, auquel participaient des représentants de la droite « modérée » et de l’ultra-droite, l’un des auteurs n’a pas hésité à dire : « N’ayez pas peur de faire l’enterrement du 25 avril » (je cite de mémoire). Voilà qui définit la situation dans laquelle nous nous trouvons : il ne suffit pas de dire que la droite, dans son ensemble, a obtenu la majorité au Parlement ; il faut savoir que toute la droite a perdu la peur de se révéler telle qu’elle est, d’attaquer de front l’État-providence, de détruire les droits du travail les plus élémentaires et, s’il le faut, de détruire toutes les libertés et les conquêtes obtenues le 25 avril.
L’application systématique des mesures néolibérales a entraîné d’énormes problèmes sociaux, une baisse marquée des salaires et du pouvoir d’achat, une crise dramatique du logement, une déréglementation du marché du travail, accompagnée de la perte des droits des travailleurs et du droit au travail, ainsi qu’une augmentation brutale des inégalités sociales. Tout cela a conduit une grande partie de l’opinion publique, en particulier la jeune génération, à ne plus croire aux institutions et au système démocratique représentatif, comme en témoigne le taux d’abstention de 49 % en 2019. Dans ces conditions, un parti qui fait mine de contester le système, comme Chega, réunit toutes les conditions pour attirer un certain type d’électeurs.
Prenons l’exemple du Service national de santé (SNS), qui a été l’une des réalisations populaires les plus étonnantes après le renversement de la dictature en 1974. Le PS se vante d’avoir systématiquement augmenté les ressources financières du SNS au cours des huit dernières années. Pourtant, le SNS est aujourd’hui au bord de l’effondrement, avec de nombreux services hospitaliers qui ferment par manque de ressources et de professionnels, dans certains cas, ce sont les médecins eux-mêmes qui imposent la fermeture de sections de l’hôpital (urgences, gynécologie/accouchement, oncologie, pédiatrie, etc.) car ils considèrent qu’il n’y a plus les conditions humaines et logistiques pour effectuer leur travail en toute sécurité. En effet, les budgets de l’État sont devenus une pure fiction.
En pratique, une fois approuvés, ils sont subvertis par ce que l’on appelle les « captations », qui permettent au ministre des finances de retenir l’argent alloué aux services publics. Ces retenues créent un écart considérable entre le budget nominal et le budget réellement exécuté (environ 50 %). En outre, environ la moitié de l’argent réellement alloué au SNS est détournée vers le secteur médical privé par le biais d’une série d’astuces administratives et opérationnelles. Au final, il n’y a plus de ressources pour embaucher des professionnels de la santé à un salaire décent, et ceux-ci émigrent en masse, soit vers le secteur privé, soit à l’étranger.
Face à la menace du démantèlement de l’État-providence, des services publics et des différents droits et garanties Garanties Acte procurant à un créancier une sûreté en complément de l’engagement du débiteur. On distingue les garanties réelles (droit de rétention, nantissement, gage, hypothèque, privilège) et les garanties personnelles (cautionnement, aval, lettre d’intention, garantie autonome). , la gauche à la gauche du PS a été réduite au rôle de résistante. Le projet de transformation de la société, en tout ou en partie, a disparu de son discours politique. Au lieu d’un projet global de construction d’une société plus juste, nous avons assisté ces dernières années à l’émergence de la lutte pour des « causes » isolées (environnement, genre, droits des animaux, etc.), sans lien évident avec la lutte contre une société capitaliste au sens global et structurel du terme.
Le rôle de la gauche parlementaire portugaise dans cette période est donc de lutter bec et ongles pour le maintien de l’État providence et la réduction, même modeste, des inégalités sociales.
L’économie portugaise tend à être dominée par des activités hautement rentières, en particulier l’immobilier, le tourisme, la finance, la distribution et l’entreposage. Le gouvernement a permis la culture extensive de l’eucalyptus (il y a plus d’eucalyptus ici que dans toute l’Europe), donc l’industrie du papier a aussi un pouvoir immense. Les bas salaires et la production à faible valeur ajoutée prédominent.
Dans les années à venir, le secteur extractif promet d’occuper une part importante du chiffre d’affaires, car les réserves de lithium du pays sont les plus importantes d’Europe (huitième au monde) et la main-d’œuvre est bon marché. Tout cela place le Portugal dans une position clairement périphérique au sein de l’Union européenne.
Face à cette situation, la gauche propose un changement structurel du tissu économique portugais, en misant sur le développement technologique et les activités de production à haute valeur ajoutée, sur la qualification des travailleurs, sur l’amélioration de la souveraineté alimentaire. Elle y ajoute un ensemble de mesures d’incitation à l’investissement productif (historiquement difficile à réaliser au Portugal sans intervention de l’État) et une augmentation des salaires à un niveau compatible avec la moyenne européenne.
La droite, bien qu’elle affirme également la nécessité d’améliorer les performances de l’économie portugaise, n’a jusqu’à présent présenté aucun plan pour la sortir du bourbier dans lequel elle se trouve. Il s’ensuit que leurs promesses électorales de développement mourront le lendemain des élections, comme d’habitude, et que les intérêts privés qu’ils défendent s’accommodent de la situation économique actuelle, pourvu qu’ils obtiennent quelques avantages fiscaux supplémentaires.
Les promesses de toute la droite reposent sur un principe omniprésent dans ses programmes électoraux : la pensée magique ! Ils partent du mythe qu’en baissant les impôts sur les entreprises, celles-ci vont gentiment augmenter les salaires d’elles-mêmes, répandant le bonheur général sur la surface de la terre. En effet, la réduction des impôts sur les revenus des sociétés était la première mesure politique du nouveau gouvernement de droite.
Il reste maintenant à voir comment la gauche parlementaire et les mouvements sociaux vont lutter contre cette montée de la droite.
Source : Investig’Action
est traducteur et sonoplaste, co-fondateur du Comité pour l’audit de la dette publique portugaise (CADPP), membre de Démocracie & dette. Avec Renato Guedes il a publié « Qui paye l’État providence au Portugal ? » (in Quem Paga o Estado Social em Portugal ?, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2012) et « Et s’il y avait le plein emploi ? » (in A Segurança Social É Sustentável, coordonné par Raquel Varela ; Bertrand, Lisbonne, 2013).
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