Entretien avec El Hadji Ngom, secrétaire exécutif de l’ADPES
8 janvier 2002 par Claude Quémar , Migniane Diouf
Entretien avec El Hadji Ngom, secrétaire exécutif de l’ADPES - Association pour une Dynamique de Progrès Economique et Social et participant au Comité technique de gestion du Fonds de contrepartie pour l’allègement de la dette (au titre du CONGAD).
Peux-tu nous rappeler l’historique de ce Fonds ?
En 1994, la Suisse a ouvert des négociations avec le Sénégal concernant l’annulation de la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
bilatérale entre ces deux pays. Les deux pays faisaient le constat commun qu’une annulation pure et simple qui laisserait en état le système ayant entraîné cet état de fait mènerait à un échec assuré. Ils recherchèrent donc un dispositif qui agisse sur les racines.
Il fut donc décidé que la Suisse annulerait 80 % de la dette sénégalaise. En échange le Sénégal devait trouver les 20 % restants afin de créer un fonds cogéré. La somme de départ s’élevait à 2 milliards de Francs CFA.
Comment est géré ce Fonds ?
Il y a d’abord un Comité Bilatéral composé d’un représentant de l’État sénégalais (le Directeur des Finances, de la dette et des investissements) et un représentant suisse (l’ambassadeur) qui s’assure de la bonne marche du système et valide les orientations qui lui sont soumises. Puis un Comité Technique auquel je participe au titre du CONGAD depuis 1994. Ce Comité est désigné par arrêté ministériel. Les participants sont bénévoles. Il est composé de 7 membres : 1 représentant du ministère des Finances et 6 représentants des Organisations de la Société Civile : une association de Commerçants, le Groupements économique du Sénégal, une association paysanne, le CNCRS, une association de pêcheurs et mareyeurs, la chambre de Commerce, le CONGAD, Consortium des ONG d’Aide au Développement.
Ce comité technique gère les dossiers de demande de financement, il est responsable de ses décisions.
Enfin il existe un Secrétariat Exécutif composé de trois permanents rémunérés par le Fonds. Ils assurent le travail administratif.
Peux-tu nous dire comment cela fonctionne concrètement ?
C’est le Comité Technique qui a conçu les mécanismes d’accès au fond. Le principe est un prêt au taux de 5 % sur 5 ans qui peut aller jusqu’à 100 millions de Francs CFA. Ce prêt est effectué à partir du fonds de crédit. A ce prêt le Fonds ajoute 10 % de subvention sous forme de prestations de formation. Là est la grande originalité.
Nos critères ne sont pas des critères bancaires, nous demandons une perspective de développement aux projets que nous examinons. D’ailleurs le Fonds se pose la question de se transformer en Fondation.
Comment se passe le contrôle du Comité bilatéral ?
Le Comité Technique doit faire un rapport trimestriel au Comité bilatéral qui, jusqu’à maintenant à valider nos critères, y compris lorsque nous avons changé de stratégie.
Par ailleurs des audits réguliers sont effectués par des cabinets extérieurs. Cela amène des remises en cause qui sont faites par le Comité technique lui-même.
As-tu quelques éléments chiffrés ?
Aujourd’hui nous gérons 1.5 milliards de CFA, 600 millions sont en activité. Le taux de remboursement est de 85 %
Quels sont vos critères de choix ?
A l’origine le fonds finançait des entreprises individuelles sur 2 ans. Nous en avons tiré un bilan négatif. Une multitude de micro-structures était difficile à suivre, et la viabilité incertaine. Le Comité technique a donc proposé au Comité Bilatéral de financer des structures professionnelles qui servent d’intermédiaires entre les projets et le Fonds.
Nos critères sont des perspectives de développement, c’est à dire d’aider les plus démunis et les plus défavorisés à s’intégrer dans une filière.
Aujourd’hui ce sont essentiellement des mutuelles et des structures de branches qui s’adressent à nous. Par exemple les pêcheurs ou l’association des teinturières et artisans (à l’origine une initiative de l’ADPES).
L’impact est certain en terme de développement. Ces structures représentent des centaines voire des milliers de personnes sans grandes ressources.
Les ONG se sont elles intéressées à ce Fonds ?
Les ONG manquent de réactivité. Par exemple le suivi du CONGAD laisse à désirer. Les ONG ont du mal à monter des projets ficelés qui tiennent. C’est d’autant plus dommage qu’elles pourraient bénéficier à travers le fonds d’un appui pour financer des formations.
Quels sont vos projets pour un avenir proche ?
Nous voudrions améliorer notre fonction de conseil et de suivi des structures décentralisées pour aider à monter des projets viables. Il faudra sans doute augmenter le nombre de permanents du secrétariat exécutif pour aller dans ce sens.
Le statut à venir du Fonds (fondation) devra permettre de maintenir les acquis et favoriser la participation de tous les acteurs.
Si tu devais tirer un bilan de cette expérience, quel serait-il ?
Il s’agit là d’une idée originale pour résoudre le problème de la dette.
La Suisse participe à 12 Fonds de ce type, le Fonds sénégalais est parmi les meilleurs en termes de résultats.
Il faut donc continuer la réflexion sur des bases expérimentales et concrètes après annulation. C’est pourquoi je ne suis pas favorable à une annulation inconditionnelle de la dette sans un accompagnement sérieux.
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