Un nouveau piège de l’endettement du Sud au Nord - Partie 1

Évolution de la dette extérieure des PED entre 2000 et 2018

11 septembre 2020 par Eric Toussaint , Milan Rivié


Fin des années 1990, à l’aube du troisième millénaire, les pays en développement (PED) sortent d’une crise de la dette sans précédent, les « décennies perdues du développement », qui avait été initiée en 1982 par l’annonce du défaut de paiement du Mexique. Entre 1980 et 1999, il y a eu pas moins de 280 opérations de restructuration de la dette.

Face à la pression populaire et à l’ampleur de la crise, à cette époque, les créanciers ont mis en place des financements d’urgence ou des initiatives d’allègement de dettes. Depuis 1982, ces mesures servent surtout à assurer la continuation du service de la dette afin que les créanciers ne soient pas affectés par une suspension généralisée des paiements de dettes comme cela était arrivé dans les années 1930.

De plus, les nouveaux crédits accordés par les institutions multilatérales comme le FMI et la Banque mondiale sont assortis de conditionnalités qui ont largement affaibli les États et ont renforcé leur dépendance à l’endettement extérieur.

Ces politiques néolibérales ont également entraîné une dégradation des services publics de santé et cela a des conséquences très graves sur la capacité des pouvoirs publics à affronter la pandémie du Covid19.

De plus, la levée des protections douanières et la suppression des aides aux petits producteurs locaux les ont gravement affectés. Sans compter que, entre 2000 et 2018, la dette extérieure totale des PED a triplé et 18 pays sont en suspension de paiement partiel ou total. Une nouvelle crise de la dette est en cours même si son extension et son approfondissement sont ralentis par la poursuite de la politique des taux d’intérêts très bas, proches de zéro, au Nord.

Si la crise est ralentie, c’est parce que cette politique des bas taux d’intérêt appliqués par les banques centrales du Nord combiné à l’injection massive de liquidités dans les circuits financiers par les mêmes banques centrales a pour conséquence que le grand capital du Nord continue à acheter des titres de la dette du Sud.

Le grand capital du Nord (ainsi que les capitalistes du Sud) continue à acheter des titres du Sud car ils offrent des rendements beaucoup plus élevés que les titres de la dette publique du Nord. Les capitalistes du Nord sont convaincus que si un grand nombre de pays du Sud est amené à suspendre le paiement de la dette en conséquence de la crise mondiale qui provoque une chute de leurs revenus en devises, le FMI et la Banque mondiale accorderont massivement de nouveaux prêts afin d’empêcher une situation généralisée de cessation de paiement. Ils sont persuadés qu’en tant que créanciers privés, ils seront prioritaires pour recevoir les remboursements car les crédits du FMI et d’autres organismes seront accordés à la condition que l’argent prêté serve en priorité à rembourser les créanciers privés. Et si, malgré tout, ils doivent faire face à certaines pertes, les capitalistes du Nord savent qu’ils pourront compter sur l’aide des puissants États du Nord sous la forme d’allègements d’impôts et d’aides financières. Pour les capitalistes, c’est : « Face : je gagne, pile : tu perds ». Ils gagnent à tous les coups ou presque.

Dans la première partie de cette série consacrée à l’évolution de la dette depuis le début des années 2000, nous analyserons en particulier les rapports entre le stock de la dette et les transferts nets. Les parties suivantes étudieront les menaces sur la dette des PED d’un point de vue global et par région.



 1. Architecture de la dette extérieure des PED

Commençons par étudier l’architecture de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
extérieure des PED du point de vue des créanciers (nous avons arrondi les chiffres fournis par la Banque mondiale Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.

En 2022, 189 pays en sont membres.

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concernant l’endettement des PED en 2018) :

et du point de vue des débiteurs :

 2. Évolution de la dette extérieure des PED entre 2000 et 2018

2.1 Liste des PED par catégories de revenu

Population des 135 PED en 2019 : 6 438 millions

  • Dont population des pays à faible revenu [1] en 2019 : 668 millions
  • Dont population des pays à revenu intermédiaire [2] en 2019 : 5 769 millions

Liste des 29 PED à faible revenu [3] : Afghanistan, Burkina Faso, Burundi, Centrafrique, Corée du Nord, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Liberia, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Niger, Ouganda, République démocratique du Congo, Rwanda, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Syrie, Tadjikistan, Tchad, Togo, Yémen.

Liste des 106 PED à revenu intermédiaire [4] : Afrique du Sud, Albanie, Algérie, Angola, Argentine, Arménie, Azerbaïdjan, Bangladesh, Belize, Bénin, Bhoutan, Biélorussie, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Brésil, Bulgarie, Cambodge, Cameroun, Cap Vert, Chine, Colombie, Comores, Congo, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Cuba, Djibouti, Dominicaine Rép., Dominique, Égypte, Équateur, Eswatini, Fidji, Gabon, Ghana, Géorgie, Grenade, Guatemala, Guinée équatoriale, Guyana, Honduras, Inde, Indonésie, Irak, Iran, Jamaïque, Jordanie, Kazakhstan, Kenya, Kiribati, Kirghize Rép., Kosovo, Laos, Liban, Libye, Lesotho, Macédoine du Nord, Malaisie, Maldives, Maroc, Marshall (Îles), Mauritanie, Mexique, Micronésie, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Myanmar, Namibie, Népal, Nicaragua, Nigeria, Ouzbékistan, Pakistan, Palestine, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Pérou, Philippines, Russie, Sainte-Lucie, Saint-Vincent et Grenadines, Salomon (Iles), Salvador, Samoa, Samoa américaines, São Tomé et Principe, Sénégal, Serbie, Sri Lanka, Suriname, Tanzanie, Thaïlande, Timor oriental, Tonga, Tunisie, Turkménistan, Turquie, Tuvalu, Ukraine, Vanuatu, Vietnam, Venezuela, Zambie, Zimbabwe.


Tableau 1 : Évolution du stock de la dette Stock de la dette Montant total des dettes. et du transfert net Transfert net On appellera transfert net sur la dette la différence entre les nouveaux prêts contractés par un pays ou une région et son service de la dette (remboursements annuels au titre de la dette - intérêts plus principal).

Le transfert financier net est positif quand le pays ou le continent concerné reçoit plus (en prêts) que ce qu’il rembourse. Il est négatif si les sommes remboursées sont supérieures aux sommes prêtées au pays ou au continent concerné.
(extérieure totale et publique) des PED entre 2000 et 2018

Total PED (dette à long-terme)
Dette extérieure totale Dette extérieure publique Dette due à la BM
Stock total Transfert net Stock total Transfert net Stock total Transfert net
2000 1 695,49 - 103,29 1 251,67 - 30,18 192,42 8,07
2001 1 664,51 - 53,23 1 227,63 - 45,95 195,32 7,46
2002 1 678,11 - 78,04 1 264,93 - 57,59 204,93 - 0,02
2003 1 802,47 - 2,39 1 321,96 - 61,15 215,88 - 2,33
2004 1 908,25 17,47 1 362,27 - 36,55 224,13 2,34
2005 1 914,74 35,83 1 247,33 - 53,87 215,34 2,95
2006 2 072,05 84,08 1 212,16 - 84,79 189,87 - 0,01
2007 2 433,46 347,36 1 321,55 12,16 200,12 5,47
2008 2 690,78 62,32 1 372,37 - 25,72 206,87 7,33
2009 2 831,74 48,78 1 476,09 36,30 223,78 17,25
2010 3 084,27 571,81 1 612,27 104,30 241,55 22,50
2011 3 541,84 545,39 1 750,44 76,89 246,00 64,66
2012 3 979,33 373,02 1 960,36 133,31 255,88 11,95
2013 4 410,65 608,87 2 173,52 152,71 270,61 13,98
2014 4 713,42 317,70 2 330,10 126,48 274,56 14,88
2015 4 708,52 - 537,47 2 349,13 17,16 282,70 17,29
2016 5 012,75 - 9,45 2 490,14 58,25 291,62 13,57
2017 5 379,44 479,82 2 816,13 177,60 315,73 12,85
2018 5 519,20 218,91 2 933,94 44,48 324,91 14,77

Montant de la dette extérieure publique des pays à faible revenu :

  • en 2000 : 79 milliards de dollars
  • en 2018 : 118 milliards de dollars

Montant de la dette extérieure publique des pays à revenu intermédiaire :

  • en 2000 : 1 173 milliards $US
    - Dont pays à revenu intermédiaire inférieur : 427 milliards $US
    - Dont pays à revenu intermédiaire supérieur : 745 milliards $US
  • en 2018 : 2 816 milliards $US
    - Dont pays à revenu intermédiaire inférieur : 1 031 milliards $US
    - Dont pays à revenu intermédiaire supérieur : 1 785 milliards $US


2.2 Explications sommaires

Le tableau 1 porte sur la période 2000-2018 [5]. Cette longue période comporte les mesures d’allègement de dettes appliquées par les créanciers publics (les États du Nord, le FMI FMI
Fonds monétaire international
Le FMI a été créé en 1944 à Bretton Woods (avec la Banque mondiale, son institution jumelle). Son but était de stabiliser le système financier international en réglementant la circulation des capitaux.

À ce jour, 190 pays en sont membres (les mêmes qu’à la Banque mondiale).

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, la Banque mondiale, les autres banques multilatérales régionales) suite à la crise de la dette du Tiers-Monde [6] débutée dans les années 1980.

La colonne 2 présente l’évolution du stock de la dette extérieure totale à long terme de l’ensemble des PED pour lesquels la Banque mondiale fournit des données [7] (dette à long terme, dette due et garantie par les pouvoirs publics des PED ainsi que la dette due par les entreprises privées des PED). Intitulée « dette extérieure publique », la colonne 4 présente l’évolution du stock total de la dette extérieure à long terme seulement due et/ou garantie par les pouvoirs publics des PED. La colonne 6 intitulée « dette à l’égard de la Banque mondiale » présente l’évolution du stock de la dette extérieure à long terme des PED due à la Banque mondiale (BIRD et IDA).

Les colonnes 3, 5 et 7 présentent le transfert net sur la dette sur les trois types de stocks évoqués ci-dessus.

Le transfert net sur la dette représente la différence entre ce qu’un pays reçoit sous forme de prêts et ce qu’il rembourse (capital et intérêts compris, appelé également service de la dette Service de la dette Remboursements des intérêts et du capital emprunté. ). Si le montant est négatif, cela signifie que cette année-là, le pays a remboursé davantage de prêts qu’il n’en a reçu.


2.3 Interprétation du tableau

On peut distinguer deux périodes. Une première courant de 2000 à 2007-2008. Une seconde courant jusqu’en 2018.

Première période : De 2000 à 2007-2008, la dette extérieure totale stagne puis augmente à un rythme mesuré à compter de 2003. De 1 695 en 2000, elle atteint 2 433 milliards de $US en 2007. La dette extérieure publique reste quant à elle à un niveau constant sur l’ensemble de la période, passant de 1 252 en 2000 à 1 322 milliards de $US en 2007.

Dans le même temps, le transfert net (de la dette extérieure totale et publique) est largement négatif. Cela signifie que les PED remboursent plus qu’ils n’empruntent.

Plusieurs facteurs conjoncturels entrent en compte. Une majorité de PED vient de vivre ou subit encore une crise majeure de l’endettement et est limitée dans ses agissements. Bien que suivant une pente descendante entre 2000 et 2008, les hauts taux d’intérêt Taux d'intérêt Quand A prête de l’argent à B, B rembourse le montant prêté par A (le capital), mais aussi une somme supplémentaire appelée intérêt, afin que A ait intérêt à effectuer cette opération financière. Le taux d’intérêt plus ou moins élevé sert à déterminer l’importance des intérêts.
Prenons un exemple très simple. Si A emprunte 100 millions de dollars sur 10 ans à un taux d’intérêt fixe de 5 %, il va rembourser la première année un dixième du capital emprunté initialement (10 millions de dollars) et 5 % du capital dû, soit 5 millions de dollars, donc en tout 15 millions de dollars. La seconde année, il rembourse encore un dixième du capital initial, mais les 5 % ne portent plus que sur 90 millions de dollars restants dus, soit 4,5 millions de dollars, donc en tout 14,5 millions de dollars. Et ainsi de suite jusqu’à la dixième année où il rembourse les derniers 10 millions de dollars, et 5 % de ces 10 millions de dollars restants, soit 0,5 millions de dollars, donc en tout 10,5 millions de dollars. Sur 10 ans, le remboursement total s’élèvera à 127,5 millions de dollars. En général, le remboursement du capital ne se fait pas en tranches égales. Les premières années, le remboursement porte surtout sur les intérêts, et la part du capital remboursé croît au fil des ans. Ainsi, en cas d’arrêt des remboursements, le capital restant dû est plus élevé…
Le taux d’intérêt nominal est le taux auquel l’emprunt est contracté. Le taux d’intérêt réel est le taux nominal diminué du taux d’inflation.
des principales banques centrales attirent les investissements vers les pays occidentaux tout autant qu’ils refroidissent les velléités d’emprunt des PED. Dans cette conjoncture, les liquidités Liquidité
Liquidités
Capitaux dont une économie ou une entreprise peut disposer à un instant T. Un manque de liquidités peut conduire une entreprise à la liquidation et une économie à la récession.
à investir sont plus rémunératrices dans les pays du Nord. Pour les pays du Sud, c’est essentiellement une période de reflux des capitaux. Sévèrement impactés par les plans d’ajustement structurel exigés par les créanciers, plusieurs PED procèdent en parallèle à des remboursements anticipés pour se libérer des conditionnalités Conditionnalités Ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la Banque mondiale aux pays qui signent un accord, notamment pour obtenir un aménagement du remboursement de leur dette. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux mais pénalisent durement les populations. Par extension, ce terme désigne toute condition imposée en vue de l’octroi d’une aide ou d’un prêt. des créanciers officiels (créanciers bilatéraux et multilatéraux). C’est le cas notamment du Brésil, de l’Argentine, de l’Uruguay, des Philippines, de l’Indonésie, de la Thaïlande, du Nigeria, de l’Algérie ou encore de la Russie qui profitent d’un rebond du prix des matières premières dès 2005 pour utiliser les devises étrangères engrangées au remboursement de la dette extérieure.

En l’espace de 6 années, les PED remboursent aux créanciers 370 milliards de $US, l’équivalent de 2 plans Marshall. Pourtant, la dette extérieure (totale et/ou publique) ne diminue pas.

Seconde période : A compter de 2008, la situation s’inverse sensiblement. En 10 ans, la dette extérieure va plus que doubler. De 2 691 à 5 519 milliards de $US pour la dette extérieure totale. De 1 372 à 2 934 milliards de $US pour la dette extérieure publique.
La courbe des transferts nets est renversée, elle devient positive. Les PED empruntent plus qu’ils ne remboursent.

Plusieurs facteurs sont à considérer. Le principal concerne les effets de la crise des subprimes Subprimes Crédits hypothécaires spéciaux développés à partir du milieu des années 2000, principalement aux États-Unis. Spéciaux car, à l’inverse des crédits « primes », ils sont destinés à des ménages à faibles revenus déjà fortement endettés et étaient donc plus risqués ; ils étaient ainsi également potentiellement plus (« sub ») rentables, avec des taux d’intérêts variables augmentant avec le temps ; la seule garantie reposant généralement sur l’hypothèque, le prêteur se remboursant alors par la vente de la maison en cas de non-remboursement. Ces crédits ont été titrisés - leurs risques ont été « dispersés » dans des produits financiers - et achetés en masse par les grandes banques, qui se sont retrouvées avec une quantité énorme de titres qui ne valaient plus rien lorsque la bulle spéculative immobilière a éclaté fin 2007.
Voir l’outil pédagogique « Le puzzle des subprimes »
. En 2007, la bulle des crédits subprimes éclate aux États-Unis. Très vite, la crise se propage à l’ensemble des grandes banques occidentales, toutes interconnectées. Le monde financier panique et craint un effondrement du système. Appelés à la rescousse, les États du Nord sauvent ces banques par un endettement public massif permis par l’intermédiaire des politiques de quantitative easing [8] appliquées en urgence par les principales banques centrales (Réserve fédérale des États-Unis, Banque centrale européenne BCE
Banque centrale européenne
La Banque centrale européenne est une institution européenne basée à Francfort, créée en 1998. Les pays de la zone euro lui ont transféré leurs compétences en matières monétaires et son rôle officiel est d’assurer la stabilité des prix (lutter contre l’inflation) dans la dite zone.
Ses trois organes de décision (le conseil des gouverneurs, le directoire et le conseil général) sont tous composés de gouverneurs de banques centrales des pays membres et/ou de spécialistes « reconnus ». Ses statuts la veulent « indépendante » politiquement mais elle est directement influencée par le monde financier.
, etc.). Les taux d’intérêts directeurs des banques centrales atteignent des niveaux historiquement bas. De 4,75 % et 4,25 % en 2007, les taux de la Fed et de la BCE passent respectivement à 0,25 % et 1 % en 2009, puis 0,5 % et 0,05 % en 2015. Soulagés, les investisseurs cherchent alors à investir leurs importantes liquidités dans les secteurs les plus rémunérateurs. La dette des PED leur offre cette perspective. Côté créancier, les profits à réaliser auprès des PED sont supérieurs à une économie occidentale en crise. Côté emprunteur, ils bénéficient de taux d’intérêt plus intéressants qu’à l’accoutumée. Dans le même temps, on assiste de 2008 à 2013 au « super cycle des matières premières », avec des prix aux sommets inégalés jusque-là. En conséquence, les PED augmentent leurs réserves de change grâce à leurs revenus d’exportation en hausse. Disposant d’une conjoncture favorable, ardemment courtisés par les investisseurs et poussés par les institutions financières internationales à recourir aux financements privés pour développer leurs infrastructures, les PED sont incités à s’endetter massivement, principalement via l’émission d’obligations Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
sur les marchés financiers Marchés financiers
Marché financier
Marché des capitaux à long terme. Il comprend un marché primaire, celui des émissions et un marché secondaire, celui de la revente. À côté des marchés réglementés, on trouve les marchés de gré à gré qui ne sont pas tenus de satisfaire à des conditions minimales.
. Pour les pays du Sud c’est une période d’afflux de capitaux.


Les parties suivantes étudieront les menaces sur la dette des PED d’un point de vue global et par région.


Notes

[1Sont considérés par la Banque mondiale à faible revenu, les pays ayant un PIB par habitant inférieur ou égal à 1 035 $US.

[2Sont considérés par la Banque mondiale à revenu intermédiaire, les pays ayant un PIB par habitant compris entre 1 036 $US et 12 535 $US. La catégorie est elle-même subdivisée entre les pays à revenu intermédiaire inférieur (PIB par habitant compris entre 1 036 $US et 4 045 $US, et les pays à revenu intermédiaire supérieure ayant un PIB par habitant compris entre 4 045$US et 12 535 $US).

[3La liste des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire se réfère à celle déterminée par la Banque mondiale. Voir « World Bank Country and Lending Groups », consulté le 28 juillet 2020. Disponible à : https://datahelpdesk.worldbank.org/knowledgebase/articles/906519-world-bank-country-and-lending-groups

[4Les pays à revenu intermédiaire supérieur sont soulignés.

[5Au moment de la rédaction du chapitre, les chiffres disponibles sur le site de la Banque mondiale courent jusqu’au 31 décembre 2018.

[6Nous faisons ici en particulier référence à l’initiative pays pauvres très endettés (I-PPTE) et à l’initiative pour un allègement de la dette multilatérale (I-ADM), respectivement lancées en 1996 et 2005 à destination de 39 pays.

[7Sauf mention contraire, les données fournies dans ce chapitre sont issues de l’International Debt Statistics de la Banque mondiale. Y sont référencés 122 pays en voie de développement. Parmi les pays pour lesquels la Banque mondiale ne fournit pas de données : Cuba, Irak, Libye, Corée du Nord. Pour de plus amples détails voir : https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/32382/9781464814617.pdf?sequence=7&isAllowed=y

[8Le quantitative easing consiste en une politique de rachats massifs des titres de la dette privée et publique permise par la création monétaire et ayant pour objectif affiché de relancer l’économie suite à une période de crise. Pour une analyse critique voir Éric Toussaint, « 2007-2018 : Les causes d’une crise financière qui a déjà 11 ans », CADTM, 25 juillet 2018. Disponible à : https://www.cadtm.org/2007-2018-Les-causes-d-une-crise-financiere-qui-a-deja-11-ans

Eric Toussaint

Docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, porte-parole du CADTM international et membre du Conseil scientifique d’ATTAC France.
Il est l’auteur des livres, Banque mondiale - Une histoire critique, Syllepse, 2022, Capitulation entre adultes : Grèce 2015, une alternative était possible, Syllepse, 2020, Le Système Dette. Histoire des dettes souveraines et de leur répudiation, Les liens qui libèrent, 2017 ; Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet des livres AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège.
Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 par la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015.

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Milan Rivié

CADTM Belgique
milan.rivie @ cadtm.org
Twitter : @RivieMilan

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