« Résoudre l’extrême pauvreté et la faim dans le monde ». Voilà deux cibles qui ne cessent d’apparaître à l’agenda des institutions internationales « bienfaisantes et bien-pensantes » depuis plusieurs décennies. Si ces objectifs sont effectivement d’actualité – 800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde dont les 2/3 sont des paysans [1] et plus de deux milliards, selon la FAO, ne mangent pas suffisamment pour avoir une vie active - il convient de se pencher sur les moyens appliqués pour les atteindre.
L’Afrique subsaharienne (SSA) est aujourd’hui particulièrement visée par ces problématiques. D’abord, 23,2 % de sa population souffrent de malnutrition et 42,7% vivent avec moins de 1,90 USD par jour [2]. Ensuite, plus de 60 % de la population subsaharienne résident en milieu rural [3] tandis que 90 % de la production agricole de cette région proviennent de l’agriculture vivrière et familiale [4]. Surtout, la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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(BM) a désigné la SSA comme cible principale pour appliquer un modèle agricole qui répondrait selon elle aux problèmes alimentaires rencontrés par cette région.
Dans son « Rapport 2008 sur le développement dans le monde », la BM fait de l’agriculture le principal pilier de la réduction de la pauvreté et de la faim en SSA et entend y mener sa nouvelle « révolution verte » [5]. Cette version « 2.0 » de la « révolution » agricole des années 1960 en Asie et en Amérique latine s’apparente en réalité bien plus à l’intronisation d’un modèle productiviste et extractiviste destiné à enrichir les multinationales et assurer un contrôle des puissances occidentales qu’à une perspective émancipatrice pour les populations locales. Ce modèle, c’est celui de l’agrobusiness auquel s’ajoute le package destructeur usuel : OGM
OGM
Organisme génétiquement modifié
Organisme vivant (végétal ou animal) sur lequel on a procédé à une manipulation génétique afin de modifier ses qualités, en général afin de le rendre résistant à un herbicide ou un pesticide. En 2000, les OGM couvraient plus de 40 millions d’hectares, concernant pour les trois-quarts le soja et le maïs. Les principaux pays producteurs étaient les USA, l’Argentine et le Canada. Les plantes génétiquement modifiées sont en général produites intensivement pour l’alimentation du bétail des pays riches. Leur existence pose trois problèmes.
Problème sanitaire. Outre la présence de nouveaux gènes dont les effets ne sont pas toujours connus, la résistance à un herbicide implique que le producteur va multiplier son utilisation. Les produits OGM (notamment le soja américain) se retrouvent gorgés d’herbicide dont dont on ignore les effets sur la santé humaine. De plus, pour incorporer le gène nouveau, on l’associe à un gène de résistance à un antibiotique, on bombarde des cellules saines et on cultive le tout dans une solution en présence de cet antibiotique pour ne conserver que les cellules effectivement modifiées.
Problème juridique. Les OGM sont développés à l’initiative des seules transnationales de l’agrochimie comme Monsanto, pour toucher les royalties sur les brevets associés. Elles procèdent par coups de boutoir pour enfoncer une législation lacunaire devant ces objets nouveaux. Les agriculteurs deviennent alors dépendants de ces firmes. Les États se défendent comme ils peuvent, bien souvent complices, et ils sont fort démunis quand on découvre une présence malencontreuse d’OGM dans des semences que l’on croyait saines : destruction de colza transgénique dans le nord de la France en mai 2000 (Advanta Seeds), non destruction de maïs transgénique sur 2600 ha en Lot et Garonne en juin 2000 (Golden Harvest), retrait de la distribution de galettes de maïs Taco Bell aux USA en octobre 2000 (Aventis). En outre, lors du vote par le parlement européen de la recommandation du 12/4/2000, l’amendement définissant la responsabilité des producteurs a été rejeté.
Problème alimentaire. Les OGM sont inutiles au Nord où il y a surproduction et où il faudrait bien mieux promouvoir une agriculture paysanne et saine, inutiles au Sud qui ne pourra pas se payer ces semences chères et les pesticides qui vont avec, ou alors cela déséquilibrera toute la production traditionnelle. Il est clair selon la FAO que la faim dans le monde ne résulte pas d’une production insuffisante.
, intrants
Intrants
Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations.
chimiques et pesticides.
Appuyées par le G8
G8
Ce groupe correspond au G7 plus la Fédération de Russie qui, présente officieusement depuis 1995, y siège à part entière depuis juin 2002.
(Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire), les agences de développements du Nord (USAID, DFID, AFD, etc.) et leurs relais institutionnels internationaux et africains (ONU, BAfD, NEPAD, UA), diverses fondations philanthrocapitalistes (Gates et AGRA, Rockefeller, Yara) et les leaders mondiaux de l’industrie agro-alimentaire (Unilever, McDonald’s, Coca-Cola, Cargill, etc.) et agro-pétrochimique (Monsanto, Syngenta, Pioneer, Bayer, etc.), la NRV déploie ses tentacules pour imposer l’agrobusiness. Par la création et le financement de pseudo-centres de recherches agricoles sur la biosécurité (AfricaBio, etc.), et d’organisations paysannes (FANRPAN, etc.), la NRV fait pression sur les gouvernements à deux niveaux fondamentaux dans plus d’une quinzaine de pays [6]. Le premier est la transformation des lois foncières. La SSA étant majoritairement dépourvue de registres cadastraux, la titrisation
Titrisation
Technique financière qui permet à une banque de transformer en titres négociables des actifs illiquides, c’est-à-dire qui ne sont pas (ou pas facilement) vendables. Initialement, cette technique a été utilisée par les établissements de crédit dans le but de refinancer une partie de leurs prêts à la clientèle. Les prêts sont cédés à un véhicule juridique qui émet en contrepartie des titres (généralement des obligations) placés sur les marchés financiers. Avec la titrisation, les risques afférents à ces crédits sont transférés des banques aux acheteurs. Cette pratique s’étend aujourd’hui à d’autres types d’actifs et d’acteurs (portefeuilles d’assurances, immobilier, créances commerciales).
(extrait de Adda, p. 101, t. 1, 1996, p. 101-102)
Cette notion décrit la prépondérance nouvelle des émissions de titres (obligations internationales classiques émises pour le compte d’un emprunteur étranger sur la place financière et dans la monnaie du pays prêteur, euro-obligations libellées dans une monnaie différente de celle de la place où elles sont émises, actions internationales) dans l’activité des marchés. A quoi s’ajoute la transformation d’anciennes créances bancaires en titres négociables, technique qui a permis aux banques d’accélérer leur désengagement à l’égard des pays en voie de développement après l’irruption de la crise de la dette.
La caractéristique principale de cette logique de titrisation est la diffusion du risque qu’elle permet. Diffusion numérique tout d’abord, puisque le risque de défaut des emprunteurs cesse d’être concentré sur un petit nombre de banques transnationales en relation étroites les unes avec les autres. Diffusion qualitative ensuite, puisque chacune des composantes du risque afférent à un titre particulier peut donner lieu à la création d’instruments spécifiques de protection négociables sur un marché : contrats à terme pour se prémunir du risque de change, contrats de taux d’intérêt pour faire face au risque de variation des taux, marchés d’option négociables, etc. Cette prolifération des instruments financiers et des marchés dérivés donne aux marchés internationaux l’allure d’une foire aux risques, selon l’expression de Charles Goldfinger.
des terres est primordiale pour les investisseurs désireux de s’accaparer de vastes étendues de terres arables appartenant aux paysans et pour y développer de gigantesques monocultures. La seconde est la transformation des lois semencières pour établir un catalogue de semences (toutes OGM) autorisées à la production et à la commercialisation tout en interdisant par là même les semences paysannes dites « informelles » à l’extérieur et à l’intérieur de ces pays [7].
Une “nouvelle révolution verte” qui transforme la paysannerie en ouvriers agricoles aux mains d’intérêts financiers privés
Ces manœuvres qui ne sont pas sans rappeler celles menées par la PAC en Europe vont de pair bien entendu avec un démantèlement de l’agriculture paysanne. En effet, si la BM reconnaît que l’agriculture à petite échelle « peut donner à des centaines de millions de ruraux pauvres de nouveaux moyens d’échapper à la pauvreté […] », elle entend bien mener une « révolution au niveau de la productivité » en développant « des exploitations agricoles commerciales à forte intensité de main d’œuvre […] [par l’intermédiaire] des partenariats public-privé (PPP) pour promouvoir la compétitivité du secteur des agro-industries et favoriser une plus grande inclusion des petits fermiers et des ouvriers agricoles » [8]. Autrement dit, ce modèle agro-industriel sous-tend une disparition des paysanNEs au profit d’une agriculture contractuelle qui permet de les inclure dans la « chaîne de valeur de l’agriculture » (« Value-chain agriculture » - CVA) [9].
La CVA est l’autre fer de lance de la NRV. La transformation de la paysannerie en ouvriers agricoles, permet à l’agrobusiness de les intégrer, à leurs dépens, aux intérêts financiers privés des industries internationales agro-alimentaires. Ces « derniers » effectivement, puisqu’ils sont relégués au dernier maillon de cette mal nommée « chaîne de valeur ». Si l’on devine explicitement les bénéfices économiques que peuvent en tirer les intérêts privés, la réciproque à l’égard des paysans locaux est bien moins palpable.
En étant absorbée de la sorte, la paysannerie se retrouve totalement dépendante de la CVA et perd de facto l’accès et le contrôle de ses terres et de sa production (transformation en monoculture
Monoculture
Culture d’un seul produit. De nombreux pays du Sud ont été amenés à se spécialiser dans la culture d’une denrée destinée à l’exportation (coton, café, cacao, arachide, tabac, etc.) pour se procurer les devises permettant le remboursement de la dette.
), de ses revenus (salariat et concurrence accrue) ainsi que son savoir-faire traditionnel et culturel. En effet, le modèle soutenu par la NRV et l’agrobusiness s’oppose complètement au(x) modèle(s) agricole(s) en place. Les petites parcelles de 2 ha sont dévorées par de vastes cultures intensives, les polycultures et les petits élevages qui assurent une diversité de revenus disparaissent au profit de monocultures, les cultures locales (mil, sorgho, etc.) sont remplacées par des cultures OGM de rente (coton, maïs, blé, etc.). Ainsi, ce modèle accomplit la prouesse, au nom de la réduction de la pauvreté et de la faim dans le monde, de favoriser les accaparements de terre, de développer la culture d’exportation, de promouvoir les agro-carburants, de travestir les habitudes alimentaires en produisant des cultures étrangères au bassin subsaharien, tout en privant les paysans à la fois de leurs sources de revenus et de leurs productions vivrières
Vivrières
Vivrières (cultures)
Cultures destinées à l’alimentation des populations locales (mil, manioc, sorgho, etc.), à l’opposé des cultures destinées à l’exportation (café, cacao, thé, arachide, sucre, bananes, etc.).
[10].
L’impact sur ces communautés est bien évidemment considérable, et profitant d’un rapport de force des plus inégaux, les industries agro-alimentaires tirent leur épingle d’un jeu où la dette
Dette
Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
représente un mécanisme clef. Emprisonnés dans la CVA, les désormais ouvriers agricoles se retrouvent en concurrence entre eux, là où il était auparavant question de la préservation d’une paix sociale permise par la diversité, et ne disposent plus d’aucune autonomie face aux cours alimentaires mondiaux, là où les surplus alimentaires étaient auparavant vendus ou échangés localement. Confrontés à des revenus insuffisants [11], démontrant une nouvelle fois si besoin est qu’il n’y a pas de liens réels entre l’augmentation de la production agricole et la réduction des inégalités de richesses et de la pauvreté dans le monde, ces petits exploitants ont recours aux crédits, perfidement proposés/imposés par leurs employeurs, et se retrouvent enfermés dans une spirale d’endettement dont on connaît le pouvoir de soumission. Ces dettes sont tout bonnement illégitimes puisque le rapport de force est très clairement en faveur du créancier, et surtout le débiteur n’en tire aucun bénéfice. Par ailleurs, en transposant la doctrine de la dette odieuse
Dette odieuse
Selon la doctrine, pour qu’une dette soit odieuse, et donc nulle, elle doit remplir deux conditions :
1) Elle doit avoir été contractée contre les intérêts de la Nation, ou contre les intérêts du Peuple, ou contre les intérêts de l’État.
2) Les créanciers ne peuvent pas démontrer qu’ils ne pouvaient pas savoir que la dette avait été contractée contre les intérêts de la Nation.
Il faut souligner que selon la doctrine de la dette odieuse, la nature du régime ou du gouvernement qui la contracte n’est pas particulièrement importante, puisque ce qui compte, c’est l’utilisation qui est faite de cette dette. Si un gouvernement démocratique s’endette contre l’intérêt de la population, cette dette peut être qualifiée d’odieuse, si elle remplit également la deuxième condition. Par conséquent, contrairement à une version erronée de cette doctrine, la dette odieuse ne concerne pas seulement les régimes dictatoriaux.
(voir : Eric Toussaint, « La Dette odieuse selon Alexander Sack et selon le CADTM » ).
Le père de la doctrine de la dette odieuse, Alexander Nahum Sack, dit clairement que les dettes odieuses peuvent être attribuées à un gouvernement régulier. Sack considère qu’une dette régulièrement contractée par un gouvernement régulier peut être considérée comme incontestablement odieuse... si les deux critères ci-dessus sont remplis.
Il ajoute : « Ces deux points établis, c’est aux créanciers que reviendrait la charge de prouver que les fonds produits par lesdits emprunts avaient été en fait utilisés non pour des besoins odieux, nuisibles à la population de tout ou partie de l’État, mais pour des besoins généraux ou spéciaux de cet État, qui n’offrent pas un caractère odieux ».
Sack a défini un gouvernement régulier comme suit :
« On doit considérer comme gouvernement régulier le pouvoir suprême qui existe effectivement dans les limites d’un territoire déterminé. Que ce pouvoir soit monarchique (absolu ou limité) ou républicain ; qu’il procède de la « grâce de Dieu » ou de la « volonté du peuple » ; qu’il exprime la « volonté du peuple » ou non, du peuple entier ou seulement d’une partie de celui-ci ; qu’il ait été établi légalement ou non, etc., tout cela n’a pas d’importance pour le problème qui nous occupe. »
Donc, il n’y a pas de doute à avoir sur la position de Sack, tous les gouvernements réguliers, qu’ils soient despotiques ou démocratiques, sous différentes variantes, sont susceptibles de contracter des dettes odieuses.
, ces dettes doivent être annulées car elles sont contractées dans l’intérêt particulier des créanciers tout en connaissant au préalable l’insoutenabilité de celles-ci pour les débiteurs.
Un tel modèle agricole, qui sous-tend par essence des relations asymétriques entre la paysannerie et les autres acteurs de la CVA, a de graves impacts sur le tissu social. Par la mise en concurrence des paysans, il détruit le capital social [12] (c’est-à-dire l’organisation collective) tout en les assujettissant aux diktats de la compétitivité et de la flexibilité. Sur un plan écologique et climatique, les externalités négatives sont légions. Entre, d’une part, le recours aux cultures OGM et aux pesticides qui détruisent la biodiversité tout en contaminant les cultures voisines, l’appauvrissement et l’érosion des sols dus aux monocultures, et d’autre part l’utilisation des intrants chimiques qui de surcroît dépendent de l’industrie pétrolière, cette « nouvelle » « révolution » « verte » qui n’en a que le nom, répond avant tout à une idéologie néolibérale avide de profits. Pour clore ce rapide éventail des impacts, n’oublions pas les graves conséquences aux niveaux écologique et culturel par la disparition programmée des semences traditionnelles issues d’une transmission de savoirs de génération en génération. De plus, nous savons aujourd’hui que leur diversité variétale et leur capacité naturelle de mutation sont un gage d’adaptation et de résistances aux aléas climatiques et naturels. Rappelons par ailleurs, que les semences paysannes sont d’une utilité absolue puisque l’Afrique est le continent le plus sujet aux changements climatiques. En définitive, la NRV et la BM provoquent l’accumulation d’une nouvelle dette écologique
Dette écologique
La dette écologique est la dette contractée par les pays industrialisés envers les autres pays à cause des spoliations passées et présentes de leurs ressources naturelles, auxquelles s’ajoutent la délocalisation des dégradations et la libre disposition de la planète afin d’y déposer les déchets de l’industrialisation.
La dette écologique trouve son origine à l’époque coloniale et n’a cessé d’augmenter à travers diverses activités :
La « dette du carbone ». C’est la dette accumulée en raison de la pollution atmosphérique disproportionnée due aux grandes émissions de gaz de certains pays industriels, avec, à la clé, la détérioration de la couche d’ozone et l’augmentation de l’effet de serre.
La « biopiraterie ». C’est l’appropriation intellectuelle des connaissances ancestrales sur les semences et sur l’utilisation des plantes médicinales et d’autres végétaux par l’agro-industrie moderne et les laboratoires des pays industrialisés qui, comble de l’usurpation, perçoivent des royalties sur ces connaissances.
Les « passifs environnementaux ». C’est la dette due au titre de l’exploitation sous-rémunérée des ressources naturelles, grevant de surcroît les possibilités de développement des peuples lésés : pétrole, minéraux, ressources forestières, marines et génétiques.
L’exportation vers les pays les plus pauvres de produits dangereux fabriqués dans les pays industriels.
Dette écologique et dette extérieure sont indissociables. L’obligation de payer la dette extérieure et ses intérêts impose aux pays débiteurs de réaliser un excédent monétaire. Cet excédent provient pour une part d’une amélioration effective de la productivité et, pour une autre part, de l’appauvrissement des populations de ces pays et de l’abus de la nature. La détérioration des termes de l’échange accentue le processus : les pays les plus endettés exportent de plus en plus pour obtenir les mêmes maigres recettes tout en aggravant mécaniquement la pression sur les ressources naturelles.
dont ils sont déjà les débiteurs historiques.
S’il ne serait pas exact de dresser sur un plan écologique et climatique une image idyllique de l’agriculture vivrière et familiale (culture sur brûlis, défrichage, vision à moyen et long terme, etc.), il convient néanmoins d’en dresser les bénéfices. Elle est avant tout une polyculture familiale à petite échelle (inférieure à 2 ha) à la croisée de nombreux critères ne répondant pas à un simple objectif financier. Face aux aléas climatiques, économiques et politiques permanents, chaque parcelle répond à une « boussole intérieure » [13] lui permettant de dégager une production alimentaire et de dégager des revenus tout juste suffisants pour l’unité familiale. Par ailleurs, elle permet d’assurer la transmission des savoirs et savoir-faire traditionnels et locaux, d’abord au niveau des semences, ensuite au niveau des techniques et de l’appréhension du terrain. Enfin, les problèmes rencontrés par cette agriculture sont davantage liés à un déficit de réseau de transport, d’accès et de contrôle des terres ainsi qu’à une gestion durable des greniers.
Ainsi, l’agriculture vivrière et familiale se rapproche à plusieurs titres de l’agroécologie et pourrait s’y apparenter en optimisant sa gestion. La santé et la fertilité des sols doivent notamment être améliorées en ayant recours à une plus grande biodiversité, tout en stoppant les intrants non organiques au profit des intrants organiques. Pareillement, une meilleure gestion des eaux doit être accomplie au niveau de sa conservation, tout en perfectionnant les systèmes d’irrigation. En parallèle, cette agriculture doit se diversifier en reproduisant des mécanismes naturels que l’on peut retrouver en agroforesterie, en permaculture, en aquaculture et/ou en intégrant l’élevage. L’efficience et les bénéfices de l’agroécologie par rapport à l’agroindustrie aussi bien sur le plan de la production que sur le plan social ont été maintes fois démontrés [14]. En outre, l’agroécologie permet simultanément une gestion durable des ressources naturelles, favorise l’organisation sociale et collective des paysans, améliore considérablement les revenus, tout en ayant un impact significatif sur l’accès, l’utilisation et le contrôle des terres par tous. En définitive, bon nombre d’ingrédients nécessaires au développement d’une transition à la fois écologique et sociale. D’autres éléments indispensables doivent s’y greffer, parmi lesquels un mouvement paysan fort et solidaire, organisé conjointement avec l’aide de la Via Campesina, contraignant les États subsahariens à entreprendre des politiques agraires durables en adéquation avec les besoins de toutes et tous.
Cet article est extrait du magazine du CADTM : Les Autres Voix de la Planète
[1] FAO (2015). L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde en 2015. FAO. Disponible à : http://www.fao.org/3/390d48ec-d6bb-4b1a-a60e-059070715fb0/i4646f.pdf
[2] Banque mondiale (2016). Ratio de la population pauvre disposant de moins de $ 1,90 par jour (2011 PPA) (% de la population). Disponible à : http://donnees.banquemondiale.org/theme/pauvrete
[3] Banque mondiale (2014). Population rural (% de la population totale). Disponible à : http://donnees.banquemondiale.org/theme/agriculture-et-developpement-rural
[4] Jacquemot, P. (2013). Perspectives économiques pour l’Afrique subsaharienne. Questions et scénarios. L’Économie politique, (3), 6-33. Page 16.
[5] Banque mondiale. (2007). Rapport sur le développement dans le monde 2008. L’agriculture au service du développement. Disponible à : http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContent-Server/WDSP/IB/2008/09/17/000333038_20080917000359/Rendered/PDF/414560FRENCH0W10Box334057B01PUBLIC1.pdf.
[6] Les pays concernés : Afrique du Sud, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Kenya, Malawi, Mali, Mozambique, Niger, Nigéria, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Sud-Soudan, Tanzanie, Togo, Zambie.
[7] Vilain, R. (2015). La nouvelle révolution verte en Afrique subsaharienne. Vers un bouleversement des pratiques agricoles paysannes ? Partie 1 sur 2. Disponible à : http://cadtm.org/La-nouvelle-revolution-verte-en
[8] Banque mondiale. (2007). Rapport sur le développement dans le monde 2008. L’agriculture au service du développement. Disponible à : http://www-wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2008/09/17/000333038_20080917000359/Rendered/PDF/414560FRENCH0W10Box334057B01PUBLIC1.pdf. Pages 1 et 9.
[9] Ibid.
[10] Vilain, R. (2015). La nouvelle révolution verte en Afrique subsaharienne. Vers un bouleversement des pratiques agricoles paysannes ? Partie 2 sur 2. Disponible à : http://cadtm.org/La-nouvellerevolution-verte-en,12819
[11] Medernach K., Burnod P. (2013). Recompositions inattendues d’un système agraire malgache par l’agrobusiness. Etudes rurales, 2013/1 n°191, 63-76.
[12] Pretty, J. N., Morison, J. I., & Hine, R. E. (2003). Reducing food poverty by increasing agricultural sustainability in developing countries. Agriculture, ecosystems & environment, 95(1), 217-234.
[13] D’après un concept de Philippe de Leener (Professeur à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve). La boussole intérieure est un équilibre durable et soutenable à obtenir entre 6 critères : le profit, la survie, la sécurité, le capital de production, la construction de la paix sociale et le prestige.
[14] Pretty, J. N., Morison, J. I., & Hine, R. E. (2003). Reducing food poverty by increasing agricultural sustainability in developing countries. Agriculture, ecosystems & environment, 95(1), 217-234. Et Pretty, J. N. & al. (2006). Resource-conserving agriculture increases yields in developing countries. Environmental science & technology, 40(4), 1114-1119
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