Réunion annuelle du CADTM Asie du Sud

L’Inde de Modi, plus inégalitaire que jamais

21 février 2024 par Sushovan Dhar , Maxime Perriot , CADTM Asie du Sud


Sushovan Dhar lors du Forum Social mondial de Katmandou, au Népal, du 15 au 19 février 2024

Lors de la réunion annuelle du CADTM Asie du Sud à Katmandou, les mardi 13 et mercredi 14 février 2024, Sushovan Dhar a fait le point sur la situation politique, économique, sociale de l’Inde, et les défis qui attendent les mouvements sociaux du pays dirigé par Narendra Modi, un des principaux dirigeants d’extrême droite de la planète. Son parti, le BJP, est largement favori à quelques mois des élections.



 Des inégalités abyssales

Si l’Inde, pays le plus peuplé de la planète, enregistre un des taux de croissance les plus élevés au niveau international, et se classe dans les cinq plus importantes économies au monde, les inégalités n’ont jamais été aussi élevées depuis la période coloniale. Par exemple, si l’Inde est auto-suffisante sur le plan énergétique, 30% de sa population n’a pas accès à l’électricité. L’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. atteint également des niveaux exceptionnels.

Pour en savoir plus sur la victoire des paysans en Inde : Sushovan Dhar revient sur le mouvement social paysan en Inde en 2020-2021

Les travailleureuses sont confrontées à un chômage de masse, notamment, dans les régions rurales. Iels n’ont d’autres choix que de migrer vers les grandes villes où iels vont garnir les bidonvilles déjà surpeuplés. Dans les villes, iels vont ensuite rejoindre le secteur informel, qui représente plus de 93% de la force de travail indienne. Parmi les travailleureuses de ce secteur informel, certaines sont des travailleureuses journalières qui se réunissent à un endroit à 6 heures du matin pour tenter de louer leur force de travail pour la journée. Et il n’y a aucune ga-rantie pour qu’iels parviennent à en trouver tous les jours. De nombreuses femmes sont dans cette situation.

La question de la dette Dette Dette multilatérale : Dette qui est due à la Banque mondiale, au FMI, aux banques de développement régionales comme la Banque africaine de développement, et à d’autres institutions multilatérales comme le Fonds européen de développement.
Dette privée : Emprunts contractés par des emprunteurs privés quel que soit le prêteur.
Dette publique : Ensemble des emprunts contractés par des emprunteurs publics.
privée est également très importante. La dette privée est une véritable bombe à retardement, avec un niveau d’endettement énorme pour les populations et pour les entreprises, qui ont connu de nombreux défauts de paiement depuis 2012. Plusieurs États de l’Inde, qui est un pays fédéral de plus en plus centralisé et sous la coupe du pouvoir de Modi, sont également surendettés.

Pour en savoir plus sur le microcrédit en Inde : Dette des ménages, microcrédit et piège de l’endettement

 Les défis qui attendent les syndicats et les mouvements sociaux

Sushovan Dhar a résumé les prochains et principaux défis qui attendent les syndicats et les mouvements sociaux, notamment sur la question des droits des travailleureuses :

1) Le salaire minimum légal doit être augmenté et son mode de calcul doit être modifié
2) La Sécurité sociale. Comme plus de neuf travailleureuses sur dix relèvent du secteur informel, seules une petite partie des travailleureuses sont couvertes par la Sécurité sociale indienne.
3) Les accidents du travail. La question de la sécurité au travail est essentielle. Environ 200 travailleureuses indiennes meurent chaque jour sur leur lieu de travail.
4) Le droit de se syndiquer. Avant le nouveau Code du travail indien adopté sous Modi, il fallait réunir 10% des travailleureuses pour constituer un syndicat. Aujourd’hui, il faut une travailleureuse sur deux. Cela rend la création d’un syndicat quasiment impossible.
5) Le nouveau Code du travail entrave également gravement le droit de grève.
6) Les conditions de travail des paysannes. Celles-ci sont déplorables et poussent de nombreuxses paysannes au suicide, principalement à cause du surendettement.
7) La question des villes. Les villes cristallisent les inégalités de la société indienne. Les riches y vivent barricadées autour de bidonvilles de plus en plus peuplés et répandus.
8) La liberté de la presse, qui est attaquée par le gouvernement de Modi, doit également être au centre de l’attention des mouvements sociaux.


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