AVP Dette & Souveraineté alimentaire
17 janvier par CADTM Belgique , Jeunes volontaires pour l’environnement (JVE) - Côte d’Ivoire

Promotrices de l’agroécologie paysanne productrices de semences paysannes à Daloa
De la terre aux assiettes, comment les agricultrices ivoiriennes relèvent le défi par la pratique d’une agroécologie paysanne protectrice de l’environnement
| Les femmes africaines sont indéniablement des actrices essentielles du changement et de l’innovation dans le monde agricole. En Côte d’Ivoire, par exemple, leur immense contribution à la vulgarisation et à la pratique de l’agroécologie paysanne est invisibilisée. Il n’en demeure pas moins que les paysannes ivoiriennes, à l’instar de leurs sœurs africaines, et du Sud global en général, apportent à la nature et aux écosystèmes un bienêtre important et déterminant pour la transition écologique du pays. Pour de nombreux groupes et mouvements engagés dans la lutte pour la justice climatique, dont l’association Jeunes Volontaires pour l’Environnement (JVE) Côte d’Ivoire et ses alliés WoMin, African Climate Justice Collective (ACJC), Grain, etc. la solution à la crise climatique passe impérativement par la souveraineté alimentaire. Leur engagement pour le renforcement des pratiques d’agroécologie paysanne montre aux agricultrices l’impact qu’a le modèle d’agriculture dominant sur l’environnement et les humains. Cette contribution présente la résilience dont elles ont témoigné lors de périodes critiques (Covid-19, crise financière et économique, bouleversement des marchés internationaux, etc.), mettant en évidence à la fois « l’ingénierie paysanne » face aux défis de notre époque et leurs capacités intrinsèques en tant qu’actrices de premier plan pour garantir la souveraineté alimentaire en Afrique, et particulièrement en Côte d’Ivoire. |
Depuis plusieurs années, à travers des initiatives locales et un camp national de formation en agroécologie paysanne dénommé « YALITIA BOOTCAMP », des actions
Action
Actions
Valeur mobilière émise par une société par actions. Ce titre représente une fraction du capital social. Il donne au titulaire (l’actionnaire) le droit notamment de recevoir une part des bénéfices distribués (le dividende) et de participer aux assemblées générales.
des femmes se succèdent en valorisant de mieux en mieux les savoirs et savoir-faire locaux.
Plus d’une centaine de paysannes du nord au sud, de l’est à l’ouest de la Cote d’Ivoire, prenant part aux initiatives de formation et de partages de connaissances, réussissent à mettre en place un modèle d’agriculture agroécologique, en harmonie avec la nature. Elles arrivent même à assurer à la fois une production agricole de qualité et une alimentation saine à travers des approches qui favorisent l’autonomisation des paysannes et de leur communauté.
Elles sont promotrices de l’agroécologie paysanne qui est fondamentale pour garantir la souveraineté alimentaire des territoires tout en promouvant des principes de justice, d’égalité, de dignité, et de solidarité entre les peuples. Par leur pratique de l’agroécologie paysanne, des centaines d’agricultrices assurent également une disponibilité régulière des productions agricoles au niveau communautaire et pour les marchés locaux et nationaux.
Selon la Via Campesina, « La souveraineté alimentaire est aussi la science de la vie, construite à travers des réalités de vies réparties sur d’innombrables générations, chacune enseignant quelque chose de nouveau à sa progéniture, inventant de nouvelles méthodes et techniques qui s’harmonisent avec la nature. »
Le secteur alimentaire mondial est responsable d’un tiers des émissions de CO2
La formation des actrices et acteurs du monde agricole en agroécologie paysanne initié par JVE Côte d’Ivoire depuis six ans a permis aux femmes paysannes de onze coopératives provenant de six localités à savoir : Aboisso ; Affery ; Taboth ; Prikro ; Bouaflé ; Tchébloguhe de maitriser les techniques agroécologiques pour une meilleure pratique de l’agriculture paysanne.
Les agricultrices du village de Tchébloguhe, par exemple, ont avec succès introduit un système de production de Riz Bété Bio (RBB) qui est une variété de riz local entièrement cultivé à partir d’intrants Intrants Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations. biologiques tels que le Bokashi [1] et l’Appichie.
À travers le camp annuel de formation en agroécologie, une cinquantaine de jeunes paysannes ont été formées aux métiers et enjeux de la souveraineté alimentaire ; à la promotion et à la pratique de l’agroécologie et à la protection de l’environnement. La lutte des agricultrices pour la souveraineté alimentaire est à l’intersection de plusieurs enjeux : l’interconnexion des femmes avec la nature et la compréhension politique de leur rôle de soin des êtres vivants (humain ou non) et de la nature, la valorisation des connaissances locales comme alternatives aux techniques agricoles promues par l’agrobusiness et le modèle capitaliste dominant. Sans toutefois se limiter aux seules questions de techniques agricoles, les agricultrices revendiquent la souveraineté alimentaire et la propriété foncière comme étant les catalyseurs de la souveraineté des peuples africains.
Sur un territoire, les pratiques agroécologiques impliquent d’optimiser et de valoriser l’usage des ressources naturelles locales par la production agricole (alimentation, semences, intrants, énergie, eau). En renforçant les capacités de production et de transformation de produits cultivés de façon biologique, un accent particulier est mis sur la valorisation des capacités des jeunes paysannes. Une centaine de femmes issues du village de Tchébloguhé, un des 109 villages de la ville de Daloa dans la région du Haut Sassandra, retiennent l’importance de mettre en pratique les connaissances qu’elles possèdent et qui sont transmises au sein de leur communauté d’une génération à une autre. Aujourd’hui surnommées par les membres de la communauté, conservatrices de précieux savoirs, elles sont investies dans la multiplication et la protection de semences paysannes : « Grâce à l’agroécologie paysanne, nous avons appris la valeur de la semence paysanne qui aboutit à un nouveau changement de vision et un produit pour avoir une vie saine » LEA Z., trésorière de la coopérative NAMANE- Daloa.
À l’instar de plusieurs pays africains, les marchés ivoiriens sont inondés de produits agricoles venus de l’étranger
À l’instar de plusieurs pays africains, les marchés ivoiriens sont inondés de produits agricoles venus de l’étranger. État de fait qui entrave ainsi la capacité des agricultrices ivoiriennes à écouler leur production sur les marchés locaux du fait de leur inaccessibilité aux infrastructures d’une part et de la compétitivité des prix d’autre part. Les agricultrices ne bénéficient d’aucun soutien de l’État, en matière de subventions ou investissements et encore moins par la mise en place de politiques et mesures protectionnistes qui garantiraient à minima la priorisation de l’écoulement des productions locales à des prix compétitifs. De plus, les produits étrangers retrouvés sur les marchés sont généralement cultivés avec beaucoup d’intrants chimiques ; le manque de transparence quant aux informations sur leur provenance et leurs conditions de production constitue autant d’éléments qui mettent à risque la santé des consommateurtrices, mais aussi contribuent au changement climatique [2]. On estime que le secteur alimentaire mondial est responsable d’un tiers des émissions de CO2. Il arrive juste après le secteur de l’énergie.
En 2020, alors que le monde faisait face à une crise sanitaire et humanitaire sans précédent, la plupart des gouvernements mettaient en place des mesures de restriction dans le but affiché de contenir la propagation du virus. Les mesures barrières mises en place en Côte d’Ivoire notamment, ont fait peser un risque important sur la souveraineté alimentaire. Bien que l’obligation
Obligations
Obligation
Part d’un emprunt émis par une société ou une collectivité publique. Le détenteur de l’obligation, l’obligataire, a droit à un intérêt et au remboursement du montant souscrit. L’obligation est souvent l’objet de négociations sur le marché secondaire.
du port du masque et le confinement constituaient en soi une difficulté majeure à la mobilité des biens et des personnes au sein d’un même espace géographique, elles ont aussi contribué à dégrader davantage les conditions de vie des couches de la population les plus pauvres, dont les femmes et les jeunes représentent une part essentielle. Des mesures de restrictions telles que la fermeture des axes principaux du pays et des centres urbains ont exacerbé la fracture entre les zones urbaines, périurbaines et rurales. Non seulement la réalité de la Covid-19 impliquait un changement drastique dans les modes de vie et de circulation des populations, mais pis encore, elle a créé de profondes modifications dans les habitudes alimentaires. Les productrices d’attiéké (semoule de manioc) de Lokoa, petit village périurbain situé dans la commune de Yopougon, ont dû faire face à une rupture de l’approvisionnement du manioc. Cette situation s’est avérée catastrophique dans la mesure où l’attiéké est non seulement le mets le plus consommé en Côte d’Ivoire, mais est également le repas le plus accessible, ancré dans la culture et les traditions alimentaires locales. La pénurie de manioc était essentiellement due aux confinements et à la fermeture des axes routiers. Beaucoup d’agricultrices et agriculteurs ont enregistré des pertes importantes de leur production et rencontraient des difficultés à écouler la production restante.
Pour JVE et l’Alliance africaine WoMin, il était nécessaire de soutenir le système alimentaire mis en péril par la pandémie en renforçant les productrices d’attiéké afin de leur permettre d’avoir accès au manioc pour garantir la souveraineté alimentaire de plus d’un millier de personnes. Les femmes productrices de manioc et d’attiéké ont ainsi pu trouver les moyens de relever le défi de l’approvisionnement et de l’écoulement en période de crise. Elles ont par la suite eu un dialogue pour renforcer la solidarité entre elles afin de faire face aux crises multiples impactant leur corps, leur travail et leur capacité à garantir la souveraineté alimentaire.
La reproduction de ce genre d’initiatives, en contre-pied de la logique néolibérale entrainant une déconstruction des moyens de subsistance des petits producteurices, est aujourd’hui indispensable.
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