AVP Dette & Souveraineté alimentaire
14 juillet par CADTM Belgique , Saker El Nour

Photo : Darla دارلا Hueske, CC, Wikimedia Commons, https://www.flickr.com/photos/sierragoddess/14838240975
L’agriculture joue un rôle crucial dans l’économie égyptienne, employant plus de 20 % de la main-d’œuvre et représentant environ 12,1 % du PIB. Malgré son importance, le secteur est marqué par des inégalités économiques criantes et des conditions de travail difficiles, en particulier pour les petites exploitantes agricoles. Cet article examine ces questions sous l’angle du commerce agricole de l’Égypte avec l’Europe, en s’appuyant sur des recherches approfondies pour souligner l’urgence d’une réforme politique.
Les politiques commerciales de l’Égypte, en particulier celles qui régissent le commerce agricole avec l’UE, ont contribué de manière significative aux disparités économiques actuelles. Les exportations agricoles vers l’Europe, telles que les pommes de terre et les oranges, ont été encouragées par divers accords commerciaux. Cependant, elles n’ont pas bénéficié aux petites exploitantes. Par exemple, dans le secteur de la pomme de terre, bien que l’Égypte exporte environ 300 000 tonnes pendant la saison hivernale, les bénéfices de ces exportations sont largement captés par les grandes exploitations agricoles et les exportateurs.
Cette politique axée sur les exportations a été présentée comme un moyen d’accroître les revenus des agriculteurices et d’améliorer la production agricole et la durabilité par le biais d’accords commerciaux internationaux. Toutefois, comme le montre une étude publiée par le Transnational Institute [1], le modèle actuel de commerce agricole, loin de répondre aux besoins de la grande majorité des petites agriculteurices égyptiennes, n’a fait qu’aggraver leur situation à bien des égards.
Avec l’augmentation des prix des intrants
Intrants
Éléments entrant dans la production d’un bien. En agriculture, les engrais, pesticides, herbicides sont des intrants destinés à améliorer la production. Pour se procurer les devises nécessaires au remboursement de la dette, les meilleurs intrants sont réservés aux cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières essentielles pour les populations.
depuis le début de l’année 2022, de nombreuxses agriculteurices ont été contraintes de vendre leurs récoltes de pommes de terre à perte
Gardons le cas des pommes de terre, deuxième culture d’exportation de l’Égypte vers l’UE. Avec l’augmentation des prix des intrants depuis le début de l’année 2022, résultant de la libéralisation du taux de change et de la dévaluation Dévaluation Modification à la baisse du taux de change d’une monnaie par rapport aux autres. de la monnaie locale, de nombreuxses agriculteurices ont été contraintes de vendre leurs récoltes de pommes de terre à perte. D’après le travail de terrain réalisé avec les producteurices égyptiennes de pommes de terre dans le cadre de l’étude, une agriculteurice peut gagner un profit maximum estimé à 2375 EGP (45€) par feddan (0,42 hectare), ce qui est inférieur au salaire minimum de 3000 EGP par mois. Selon les agriculteurices, le coût de production par feddan a augmenté ces dernières années. Ces coûts supplémentaires sont répercutés sur le consommateurices, ce qui entraîne une hausse des prix des pommes de terre dans les zones urbaines.
Entre 2014 et 2020, environ un tiers de la population a souffert de malnutrition et 20 à 25 % des enfants de moins de cinq ans ont souffert d’un retard de croissance
Tout cela a entraîné d’importants problèmes de sécurité alimentaire pour les citadines pauvres et pour plus de la moitié (57 %) des Égyptiennes qui vivent dans les zones rurales. L’Égypte est un pays souffrant d’insécurité alimentaire. Il se classe au 77e rang sur 113 pays à l’Indice mondial de la sécurité alimentaire 2022. L’inflation Inflation Hausse cumulative de l’ensemble des prix (par exemple, une hausse du prix du pétrole, entraînant à terme un réajustement des salaires à la hausse, puis la hausse d’autres prix, etc.). L’inflation implique une perte de valeur de l’argent puisqu’au fil du temps, il faut un montant supérieur pour se procurer une marchandise donnée. Les politiques néolibérales cherchent en priorité à combattre l’inflation pour cette raison. des prix des céréales a affecté le niveau de vie de la plupart des Égyptiennes qui dépendent du pain et des céréales pour couvrir 35 à 39 % de leur apport calorique quotidien. Entre 2014 et 2020, environ un tiers de la population a souffert de malnutrition et 20 à 25 % des enfants de moins de cinq ans ont souffert d’un retard de croissance. La pauvreté est passée de 16,7 % en 2000 à 29,7 % en 2020, et la dénutrition a également augmenté, passant de 14 % en 2009 à 25 % en 2018.
L’Égypte est devenue le premier importateur mondial de blé, soulignant sa dépendance croissante à l’égard des marchés internationaux pour nourrir sa population
Depuis plus de quatre décennies, l’Égypte poursuit résolument la libéralisation de l’agriculture, cherchant à s’intégrer toujours plus au marché mondial. Cette initiative, qui visait à accroître les réserves de devises fortes du pays, a stratégiquement donné la priorité à l’expansion des exportations vers les régions de l’Europe et du Golfe. Cette réforme a placé l’agriculture égyptienne au premier plan du développement national et a bénéficié d’un soutien considérable de la part d’institutions financières majeures telles que le Fonds monétaire international, la Banque mondiale
Banque mondiale
BM
La Banque mondiale regroupe deux organisations, la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) et l’AID (Association internationale de développement). La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) a été créée en juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), à l’initiative de 45 pays réunis pour la première Conférence monétaire et financière des Nations unies.
En 2022, 189 pays en sont membres.
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et l’Agence des États-Unis pour le développement international.
Toutefois, la stratégie axée sur les exportations n’a pas permis de dégager un excédent commercial, les exportations agricoles étant à la traîne depuis les années 1980. L’accent mis sur l’exportation de produits bruts et non transformés – tels que les fruits et légumes – n’a pas permis de faire face aux importations substantielles de céréales nécessaires à la sécurité alimentaire. En conséquence, l’Égypte est devenue le premier importateur mondial de blé, soulignant sa dépendance croissante à l’égard des marchés internationaux pour nourrir sa population, dépendance qui persiste malgré les contributions des petites agriculteurices locauxles. Cette stratégie a conduit à une augmentation massive de la pauvreté rurale.
Depuis qu’elle est devenue membre de l’OMC
OMC
Organisation mondiale du commerce
Créée le 1er janvier 1995 en remplacement du GATT. Son rôle est d’assurer qu’aucun de ses membres ne se livre à un quelconque protectionnisme, afin d’accélérer la libéralisation mondiale des échanges commerciaux et favoriser les stratégies des multinationales. Elle est dotée d’un tribunal international (l’Organe de règlement des différends) jugeant les éventuelles violations de son texte fondateur de Marrakech.
L’OMC fonctionne selon le mode « un pays – une voix » mais les délégués des pays du Sud ne font pas le poids face aux tonnes de documents à étudier, à l’armée de fonctionnaires, avocats, etc. des pays du Nord. Les décisions se prennent entre puissants dans les « green rooms ».
Site : www.wto.org
, en juin 1995, l’Égypte a doublé son engagement en faveur de la libéralisation de l’agriculture
Depuis qu’elle est devenue membre de l’OMC, en juin 1995, l’Égypte a doublé son engagement en faveur de la libéralisation de l’agriculture. Cette politique a favorisé la croissance de grandes entreprises agricoles axées sur l’exportation, rentables sur la scène internationale, mais souvent préjudiciable aux ressources locales et aux moyens de subsistance des petites exploitantes.
La pandémie de Covid-19, aggravée par les fluctuations du marché dues au conflit russo-ukrainien, a fait grimper les prix des denrées alimentaires, en particulier du blé, ce qui a exercé une pression supplémentaire sur les réserves de devises fortes de l’Égypte, déjà mises à rude épreuve. Il est urgent de passer d’une dépendance aux exportations alimentaires à la revitalisation des systèmes alimentaires locaux qui sont résilients, durables et inclusifs, en particulier pour les populations marginalisées et vulnérables.
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Sociologue rural, directeur des programmes du RÉSEAU-TANMO et doctorant en sociologie à l’Université Paris-Nanterre.
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